Mehdi Alioua: “La famille marocaine se métamorphose”
RECENSEMENT. Pour Mehdi Alioua, enseignant et chercheur en sociologie, il y a une importante mutation de la société marocaine, et plus particulièrement de la conception de la famille et de la situation de la femme.
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Amine Belghazi
Le 19 mars 2015 à 14h48
Modifié 19 mars 2015 à 14h48RECENSEMENT. Pour Mehdi Alioua, enseignant et chercheur en sociologie, il y a une importante mutation de la société marocaine, et plus particulièrement de la conception de la famille et de la situation de la femme.
"La structure de la société marocaine a considérablement changé depuis la révolution démographique des années 1980. Les politiques publiques de planification familiale et l'utilisation des moyens de contraception ont eu pour effet de changer les paramètres sociaux. La femme a eu, depuis, de plus en plus accès au travail salarié, lui conférant une certaine forme d'autonomie et d'émancipation, et pas uniquement dans les zones urbaines", constate d'emblée M. Alioua.
La migration est également à prendre en considération dans l'évaluation et l'analyse de la mutation de la société marocaine.
S'appuyant sur une étude réalisée par le chercheur Hervé Le Bras, démographe et directeur d'études à l'Institut national d'études démographiques, conjointement avec l'anthropologue et démographe français Emmanuel Todd, Mehdi Alioua considère qu'il existe un impact de la migration et de la mobilité sur la structure des familles en milieu rural.
Une influence que l'on retrouve également au Maroc car, dans les villages où les hommes sont amenés à voyager (à l'intérieur du pays ou à l'étranger) pour travailler, la moyenne d'âge de mariage des femmes est plus élevée que dans les villages où il y a peu ou pas de mobilité. De plus, la migration a également un impact sur la natalité: plus il y a de mobilité dans les villages moins il y a d'enfants par foyer.
Par ailleurs, "l'écart entre l'âge moyen de mariage des femmes dans le milieu rural d’un côté et en ville de l’autre côté, a tendance à s'amoindrir. Partout au Maroc, on se marie de plus en plus tard, ce qui a pour effet de transformer la structure du foyer d'une forme traditionnelle à l'image des familles communautaires vers un modèle occidental de foyer conjugal", explique M. Alioua. Et d'ajouter: "d'ailleurs, les mariages endogames qui constituaient auparavant les cas les plus répandus de mariages, sont aujourd'hui de moins en moins pratiqués, et l'implication des familles des conjoints dans la vie de couple n'est plus aussi importante qu'auparavant."
Une autre hypothèse peut être formulée à partir de la constatation du phénomène des mariages tardifs : "les femmes ont de plus en plus de relations pré-conjugales. On peut dire qu'il s'agit d'une forme de révolution sexuelle. Les chiffres qui seront révélés lors de la restitution des conclusions du recensement vont sans doute confirmer la tendance. Et il est tout à fait naturel que le mariage tardif, chez l'homme comme chez la femme, soit un indicateur d'une vie sexuelle prénuptiale", analyse le sociologue.
En attendant les chiffres officiels qui donneront plus de précisions sur les mutations de la société marocaine, Mehdi Alioua lance un appel: "il est important et essentiel de prendre en considération des différents changements sociaux dans l'élaboration des projets de société."