Banque Mondiale : la jeunesse va bouleverser le monde arabe

La Banque Mondiale et divers chercheurs accordent une place centrale à la jeunesse dans un monde arabe en ébullition. Propos échangés à l’occasion d’un débat organisé à Washington et visionné en live streaming.  

Banque Mondiale : la jeunesse va bouleverser le monde arabe

Le 20 novembre 2014 à 15h51

Modifié le 20 novembre 2014 à 15h51

La Banque Mondiale et divers chercheurs accordent une place centrale à la jeunesse dans un monde arabe en ébullition. Propos échangés à l’occasion d’un débat organisé à Washington et visionné en live streaming.  

Diffusée en live streaming, une table-ronde a réuni mercredi 19 novembre au siège de la Banque mondiale (BM) à Washington la vice-présidente de la BM pour la région Mena Inger Andersen, l’universitaire Juan Cole ainsi que l’Egyptienne Sahar Hussein, le Jordano-Palestinien Ashraf Al-Saeed et le Tunisien Ali Ayadi.

La sortie de l’ouvrage The New Arabs: How the Millennial Generation is Changing the Middle East (Les Nouveaux Arabes : Comment la génération Y est en train de changer le Moyen-Orient) et l’approche des anniversaires des soulèvements en Tunisie et en Egypte ont motivé la tenue de cet échange. Avec deux objectifs : Poursuivre l’analyse des événements de l’année 2011 dans le monde arabe et comprendre la direction politique prise par le monde arabe.

Sur ces deux points, Inger Andersen a jugé que «le futur appartient à la jeunesse, tout simplement parce que c’est le cours de l’histoire». «La région Mena, a ajouté Andersen, dispose d’un véritable actif démographique. Rappelons-nous que la jeunesse arabe s’est levée sans forcément savoir où cela allait amener ; mais elle voulait du pain, de la justice et de la dignité, une gouvernance sans corruption et voulait être écoutée».

Sur les attentes des jeunes, Inger Andersen raconte en direct de Washington comment lors d’un séjour au Caire en 2011, les activistes de la place Tahrir n’ont accepté de la rencontrer qu’à la condition qu’ils puissent twitter pendant la réunion. «Tout coup, je n’étais plus réunie avec 50 jeunes mais avec des milliers d’autres Egyptiens qui pouvaient nous suivre sur les réseaux sociaux».

La Tunisie et l’Egypte observées de près

Juan Cole, professeur à Ann Harbor dans le Michigan et spécialiste du Moyen-Orient (elle parle arabe, turc et farsi) rappelle que «le livre a été inspiré par les événements de Tunisie et d’Egypte».

«Je suis toujours resté marqué par mon premier voyage en Egypte en 1968 et les différences entre la jeunesse égyptienne et la jeunesse américaine. Les jeunes Egyptiennes et Egyptiens que j’ai connus, et d’autres Arabes plus tard, ont un concept de la liberté lié à l’individu et au corps alors que chez nous, le concept de liberté est inspiré du penseur John Locke, en rapport avec le droit de propriété ou le droit de vote».

Pour Cole, le Printemps arabe n’a pas commencé en 2010 ou 2011 mais avec la première Intifada, l’invasion américaine de l’Irak et le mouvement Kefaya en Egypte. «Les atteintes à la dignité et des perspectives sociales médiocres» sont au cœur de ce que vivent les jeunes Arabes aujourd’hui juge-t-il. «Mon livre est en fait l’histoire des 15 dernières années du mouvement des jeunes dans le monde arabe».

Cole, au passage, précise que son intérêt a porté sur les Shebab, terme qui qualifie les jeunes politiquement organisés. « Aujourd’hui, ils sont dans les ONG, l’art du graffiti et l’activisme culturel; demain ils seront en politique. En 2011, ces jeunes étaient là pour protester pas pour prendre le pouvoir», estime l’universitaire.

Cole poursuit sur les problèmes d’emploi et soutient que les taux de croissance économiques proclamés de 5% en moyenne par Tunis ou Le Caire dans les années 1990 ou 2000 «sont des mensonges». «Quand vous allez à Taiwan ou en Turquie vous voyez l’impact de la croissance; à Tunis ou au Caire, on voit des chômeurs et des infrastructures qui se détériorent».

Le Printemps arabe, source de tensions et accélérateur de réformes

Cole enchaîne ensuite sur un «concept» politique spécifiquement arabe: la «joumlokia», un mélange dejoumhouria, république, et malakia, monarchie, néologisme qui qualifie les dynasties Ben Ali en Tunisie, Moubarak en Egypte, Assad en Syrie et Saleh au Yémen.

«On sentait que les jeunes n’allaient pas tolérer cela,» indique Cole, approuvé par le paneliste tunisien Ali Ayadi au sujet du cas Ben Ali. Cole cite une étude qui montre que «50% de l’élite économique tunisienne est liée au régime Ben Ali, un cas extrême de népotisme et de clientélisme politique,» souligne-t-il.

Sur les statistiques, outre les taux de croissance économiques parfois imaginaires, Ashraf Al-Saeed rapporte de son côté que les chiffres sur l’alphabétisation sont aussi parfois «truqués».

Des échanges sur les aspirations des jeunes et la direction politique prise par le monde arabe, beaucoup d’optimisme en ressortira.

Optimisme

L’Egyptienne Sahar Hussein affirme «croire dans le changement». «L’ancienne génération égyptienne comprend mieux aujourd’hui  les attentes des jeunes, ce qu’ils ont essayé de faire et ce qu’ils veulent faire ; ce n’est pas fini» estime la jeune économiste.

Pour Ali Ayadi, «il n’est pas juste d’imputer aux jeunes les échecs de la transition. Les Tunisiens avaient un régime brutal et ils ont hérité d’institutions faibles et de beaucoup de chômage». Malgré cela ajoute Ayadi, «les jeunes Tunisiens ont pu changer de constitution, défendre l’égalité des droits et organiser des élections».

Sur l’impact du Printemps arabe au Maroc, en Jordanie ou en Arabie saoudite, les intervenants notent des différences. Au Maroc, le rythme des réformes politiques a été accéléré et un package social voté. En Jordanie, Amman a connu quatre premiers ministres en trois ans mais les défis sécuritaires limitent les marges sociales. En Arabie saoudite, dès le début des manifestations à Tunis et au Caire, Ryad a amélioré les prestations sociales et embauché dans le public.

«La transition est un long processus, a conclu Juan Cole ; ce n’est pas quelque chose de linéaire. C’est pour cela que ça ne doit pas être décourageant».


 

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