Tous les projets sont-ils finançables grâce au crowdfunding ?

Une jeune femme a sollicité un site de crowdfunding pour financer son avortement. Bien que le projet n’ait pas abouti, il pose de nombreuses questions quant aux limites de ces plates-formes.  

Tous les projets sont-ils finançables grâce au crowdfunding ?

Le 12 septembre 2014 à 16h24

Modifié 11 avril 2021 à 2h36

Une jeune femme a sollicité un site de crowdfunding pour financer son avortement. Bien que le projet n’ait pas abouti, il pose de nombreuses questions quant aux limites de ces plates-formes.  

Son nom est Bailey. A 23 ans, cette jeune Américaine est "fauchée" et enceinte. Elle sollicite alors de généreux internautes à travers le site de crowdfunding californien GoFundMe, pour financer son avortement, évoquant une "grossesse imprévue et difficile". Désemparée, Bailey réclame 2.500 dollars pour mener son projet à bien. Elle en récoltera près de 1.500… avant que la plate-forme de financement collaboratif ne supprime sa campagne.

Le site GoFundMe n’a plus souhaité être associé à la surprenante requête de la jeune Bailey, après avoir fait l’objet de nombreuses plaintes, précise la BBC. Si la plate-forme a présenté des raisons "éthiques" pour s’opposer à ce projet, cette affaire n’en soulève pas moins de nombreuses interrogations quant aux limites du crowdfunding. Ces plates-formes peuvent-elles réellement assurer la promotion de projets en tout genre ?

Deux écoles, deux cultures

Arnaud Pinier, co-fondateur du site de crowdfunding marocain Smala & Co, se montre prudent sur cette question sensible. En soulignant l’existence de garde-fous, il précise toutefois que plusieurs fonctionnements coexistent. "Les plates-formes américaines sont très libertaires et adoptent une politique de portes ouvertes. Elles estiment en effet que l’écrémage viendra des internautes. Ces derniers ne financeront généralement pas un projet qu’ils pensent loufoque", déclare Arnaud Pinier. Cette méthode, qui a cours depuis près de cinq ans, s’appuie ainsi essentiellement sur le bon sens présumé des utilisateurs... Quelques mois plutôt, ces mêmes internautes ont réuni pas moins de 55.000 dollars pour permettre à un porteur de projet de réaliser… une salade de pommes de terre !

Au Maroc et en France, les sites de crowdfunding épousent une logique un brin plus réglementée, souligne cet entrepreneur du web. Smala & co, né le 12 juin 2014, se développe pour sa part sur un marché marocain "manquant de maturité". Bien que les responsables du site tentent de conserver un esprit anti-ingérence, ils s’avèrent toutefois amenés à "sélectionner les projets". "La première question que nous nous posons [sur la plate-forme, NDLR] est : Est-ce que moi, je financerais ce projet ?", déclare Arnaud Pinier, avant de préciser que cette interrogation devrait – dans un monde idéal – représenter la préoccupation de tous les entrepreneurs, chacun à son échelle.

La crédibilité en ligne de mire

Et d’ajouter que "depuis l’existence de notre site de crowdfunding, nous avons reçu à peu près 35 projets, dont un tiers étaient encore à un stade embryonnaire". Si certaines idées se révèlent bonnes au premier abord, les responsables de Smala & co choisissent néanmoins de ne pas accompagner des projets loin d’être aboutis, indique-t-il. "Vous nous sollicitez pour financer un projet de café littéraire, pas exemple, et bien montrez-nous l’emplacement du café, les ébauches de plans, les objectifs, etc." Une telle démarche témoigne non seulement de l’engagement du porteur du projet, mais procure par ailleurs une crédibilité certaine au support de financement.

Ce contrôle préalable sur la webosphère marocaine est à ce jour encore indispensable, souligne Arnaud Pinier qui, amusé, ne compte plus les requêtes de financement bancales, cachant "l’achat d’une maison", plaisante-t-il. S’il présente ce point avec légèreté, il ne badine absolument pas en revanche avec les risques de dévoiement et de détournement des plates-formes de co-financement. "Le tri des porteurs de projets nous permet de lutter contre le blanchiment d’argent". Cette problématique se trouve au cœur des réflexions des dirigeants de sites de crowdfunding, précise-t-il, car il va de la « viabilité et de la crédibilité de ce modèle économique". Ainsi, "nous réclamons de nombreuses pièces justificatives, sur l’identité du porteur, des justificatifs sur les projets, etc.", déclare le co-fondateur de Smala & co.

Soupape et démocratisation

Au-delà de ces réflexions, pour Arnaud Pinier, les "réelles limites" du crowdfunding se situent davantage sur la part que ce modèle économique se taillera sur les marchés aux côtés "des réseaux de financement traditionnels". Le crowdfunding, petit poucet des systèmes capitalistes, propose en effet une alternative aux profils atypiques en matière de solvabilité : "les artistes, les intermittents etc. ne sont pas forcément bien accueillis auprès des banques. Les sites de crowdfunding leur offrent de nouvelles possibilités". Ces plates-formes permettent d’une certaine façon de mettre "en relation donateurs et bénéficiaires en limitant les intermédiaires". Un mode opératoire qui naît en partie de cette "nouvelle utopie du net, de cette démocratisation offerte par la toile" qui nourrit l’idée que tout est à faire, tout est possible. Ces sites sont "des soupapes" pour les plus fragiles et "permettent de redistribuer les chances", avance Arnaud Pinier. Acceptera-t-on qu’un tel modèle, encore balbutiant, perdure et évolue, quitte à brouiller les frontières des carcans économiques classiques ? Tels seront indiscutablement les futurs défis des sites de crowdfunding, dans nos sociétés avides de mutations.

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