Condition de la femme. Le discours régressif de Abdelilah Benkirane

Dans une allocution prononcée devant la Chambre des conseillers mardi 17 juin, Abdelilah Benkirane a livré sa vision très personnelle de la femme active dans la société. Une vision personnelle qu’il partage avec les siens et avec les Fréristes et qu’on dirait venue d’un autre âge.  

Condition de la femme. Le discours régressif de Abdelilah Benkirane

Le 19 juin 2014 à 9h32

Modifié 19 juin 2014 à 9h32

Dans une allocution prononcée devant la Chambre des conseillers mardi 17 juin, Abdelilah Benkirane a livré sa vision très personnelle de la femme active dans la société. Une vision personnelle qu’il partage avec les siens et avec les Fréristes et qu’on dirait venue d’un autre âge.  

Le Chef du gouvernement qui répondait à la séance mensuelle des questions orales sur "la place de la femme dans la stratégie gouvernementale" a délivré un discours critique sur les femmes actives. Un discours qui ressemble à un début de stigmatisation.

Il a déclaré que le vrai problème d’actualité qui se pose à la femme est qu’elle est entrée de plain pied dans la vie active au détriment de son rôle naturel ancestral de compagne et de mère.

Benkirane a martelé que "La femme n’est pas un homme et que l’homme n’est pas une femme". Une fois planté le décor, il a cru bon justifier sa vision des choses par les conséquences néfastes qu’entraîne le nouveau positionnement de la femme dans la société moderne.

Il a poursuivi que "les femmes qui travaillent ne trouvent plus le temps pour se consacrer à leurs enfants et à leurs familles". Il faut donc "sacraliser leur place au foyer plutôt que de les traiter d’une manière condescendante car elles ont un rôle plus important à jouer dans les foyers familiaux qu’au sein des entreprises ou des administrations".

Il a ainsi qualifié de faute le fait que les femmes actives ne trouvent plus le temps ni de se marier, ni de devenir mères et encore moins d’éduquer leurs enfants.

Benkirane s’est dit convaincu que la place naturelle de la femme est au foyer même s’il a assuré qu’elle pourrait toujours jouir de ses droits à s’éduquer, à travailler et à se soigner. L’émancipation féminine selon lui, ne pourra venir que d’un juste équilibre entre les valeurs traditionnelles et modernistes.

La priorité est de faire revenir la femme à sa place fondamentale au sein de sa famille pour éduquer ses enfants car nombre de ces derniers qui ont une mère active sont livrés à eux-mêmes, accuse M. Benkirane. "Actuellement des enfants de 6 et 7 ans rentrent chez eux en trouvant une maison sans chaleur maternelle. Ils doivent se débrouiller tout seuls en attendant tristement leur père et mère jusqu’à très tard sans savoir si ces derniers vont rentrer".

Se laissant emporter par son emphase, il a assuré mi-figue mi-raisin, qu’à titre personnel il serait prêt à accorder deux ans de congé maternité aux jeunes mamans pour allaiter correctement leur enfant. Reconnaissant la difficulté de mettre en application cette réforme, il a assuré que le délai minimal à leur accorder devait être d’au moins 6 mois de congé parental au lieu des 3 mois prévus par la loi.

S’en prenant à ses détracteurs lui reprochant la lenteur de la mise en œuvre des dispositions de la nouvelle constitution en faveur de la femme, il a ironiquement assuré que s’il devait les suivre, il accorderait aussi un congé parental aux nouveaux papas.

Benkirane s’est dit persuadé que son gouvernement devait traiter la place de la femme marocaine sous un angle purement familial pour la simple raison que c’est le rôle qui lui a été dévolu par Dieu.

Devant les huées des conseillers, il a répondu en se justifiant que "C’est notre point de vue au PJD et si nous avons tort, nous assumerons notre erreur et nos convictions devant notre créateur".

Il a assuré que sa critique ne concerne pas le droit des femmes à s’éduquer, à travailler ou à construire leur vie comme elles l’entendent mais plutôt à recentrer leur place au sein de la société. "Nous ne voulons pas limiter son utilité à sa seule famille mais la remettre au  centre de l’échiquier familial car Dieu nous enjoint de corriger les débordements que pose la modernité aux hommes".

Très en verve, il a posé la question de savoir "pourquoi ne reconnaît-on pas le rôle sacré et même divin que lui a octroyé le créateur pour remplir sa fonction de reproductrice et d’éducatrice de ses enfants alors que de tout temps elle a occupé cette fonction?"

Pour faire court, l’émancipation de la femme par le travail va à l’encontre de l’ordre divin établi depuis la naissance de l’humanité.

Rappelons que cette posture est chère aux mouvements islamistes et d’extrême-droite prônant un retour des femmes actives dans leur foyer afin de ne pas faire de concurrence aux hommes sur le marché du travail.

Cette vision traditionaliste veut que la gent féminine n’ait d’autre utilité que de s’occuper de la progéniture et du mari avec pour seuls devoirs et droits d’être des génitrices au service de l’espèce humaine.

Dans les différents partis fréristes ou à tropisme frériste, tels que le PJD, le discours général a beau être moderne et bien emballé, dès qu’il s’agit du registre de la femme, c’est le retour à la case départ. Plusieurs partis issus des Frères musulmans, ont ambitionné ou ambitionnent encore de cantonner les femmes chez elles, de les marier jeunes, et de dégager l’espace public de cette tentation féminine.

Dès qu’il s’agit de la femme, le discours patriarcal reprend le dessus.

Benkirane s’inscrivait totalement dans un discours frériste où la femme est présentée comme une créature fragile, qu’il faut protéger, qui a reçu une mission divine, celle d’enfanter, qui a besoin de se marier jeune ou très jeune pour résister aux tentations. Heureusement qu’il y a des hommes comme lui qui connaissent les intérêts des femmes mieux qu’elles ne les connaissent.

Dans l’esprit de Benkirane et des siens, la femme en réalité est une éternelle mineure.

Au fait, Monsieur le Chef du gouvernement, où en est le projet de protection des femmes contre les violences, que vous avez retiré en plein conseil de gouvernement en novembre dernier et qui dort tranquillement dans l’un des tiroirs de votre bureau? Peut-être que la commission masculine que vous avez constituée pour l’amender, n’a pas encore eu l’occasion de se réunir.

Si vous avez pensé que Abdelilah Benkirane s'est adapté aux temps nouveaux, eh bien voici une piqûre de rappel.

L'islamisme, dans sa dimension régressive, repose sur deux postulats: 1. L'homme est supérieur à la femme. 2. Le musulman est supérieur au non-musulman.

Abdelilah Benkirane vient de confirmer le premier point.

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