Khalid Naili, alias Frionel, le roi de la “baston”

A 30 ans, ce jeune Marocain a défié les plus grands et a inscrit son nom au panthéon des meilleurs gamers de la planète. Son arène : King of Fighters, l'un des jeux vidéos de combat les plus populaires de la discipline.   

Khalid Naili, alias Frionel, le roi de la “baston”

Le 5 juin 2014 à 11h25

Modifié 5 juin 2014 à 11h25

A 30 ans, ce jeune Marocain a défié les plus grands et a inscrit son nom au panthéon des meilleurs gamers de la planète. Son arène : King of Fighters, l'un des jeux vidéos de combat les plus populaires de la discipline.   

Passionné, il revient pour nous sur son parcours qui l'a mené aux quatre coins de la planète et a forgé son caractère.

 

Les apparences sont bien souvent trompeuses... Qui aurait supposé que derrière cette paire de lunettes, cet air serein et amical se dissimulait un roi de la castagne ? Un champion même! Le KO coule dans ses veines depuis sa plus tendre enfance ; la passion du combat et la rigueur, il les a prises au biberon ! Son nom est Khalid Naili, alias Frionel : un incontestable King of Fighters.

Ce jeune Marocain est tombé, petit, dans la marmite du jeu vidéo de combat et ne s'en est toujours pas remis.

Mental Combat

Dès l’âge de 7 ans, il découvre son ring aux influences multiples et commence à pratiquer du joystick comme d’autres cognent dans un sac de frappe. Un engouement, une flamme partiellement hérité de son environnement familial, acquis aux « micro-ordinateurs » et aux jeux sur les antiques « Commodore 64 ».

Il se livre alors assidument aux jeux de combat, d’abord contre la machine avant de réaliser que l’IA (intelligence artificielle) n’est plus un adversaire à sa taille. « Ça ne présentait plus d’intérêt, car très rapidement, tu comprends comment ça marche et découvre qu’avec tel ou tel enchaînement tu auras raison de la console ». Il propose alors des parties à ses frères et sœurs, ses amis et voisins de sa cité à Rabat. Il progresse. Vite, très vite ! Devient redoutable. Haut comme trois pommes, il a déjà épuisé les rivaux de son quartier. Personne ne faisait le poids face à ce bambin qui frisait les dix ans.

Pourtant, le jeu le fascine, pas tant pour son esthétique, son graphisme –vieillot aujourd’hui- ou sa « violence », mais davantage pour l’échange qu’il offre. Chaque partie est une « pure confrontation d’esprits », un « jeu d’échec requérant plus de réflexes, une vitesse de réflexion et d’exécution » terrible. Adrénaline maximale !

Le jeu, perçu par un grand nombre d’amateurs comme un exutoire, était une affaire des plus sérieuses pour ce gamer discipliné. Analyse, anticipation, stratégie, voilà ce qu’il y voyait. Pas de temps pour la déconne ! Il lui fallait désormais de nouvelles confrontations. Mais où dénicher ses adversaires, retrouver cette sensation enivrante ?

Le complexe de la pièce

« Quand tu n’as plus rien près de chez toi, tu te mets progressivement à sortir ». Le choc a été brutal ! Il a reçu un véritable coup au cœur en découvrant qu’il n’était pas seul ; que des salles d’arcades proposaient non seulement ses jeux favoris dont celui qui deviendra son jeu de prédilection, King of Fighters (KoF) ; mais également un vivier de joueurs. Plus besoin de les chercher, ils étaient là, devant ses yeux, dans ces salles anonymes du G5, quartier populaire de la capitale. Quantité d’adversaires, tout âge et origines confondues, rien que pour lui… Ils étaient bons, presque trop ! « Comment faisaient ces types pour avoir un tel niveau sans avoir de consoles à domicile, comment s’entraînaient-ils ? » : ces questions l’ont troublé.

Le complexe de la pièce le frappe alors en pleine face, comme une évidence. « Ils misent pour jouer ! Et tant qu’ils remportent leurs matchs, pas besoin d’une nouvelle pièce. Personne ne te déloge de ta machine tant que tu n’es pas mort». Bien que la contribution n’était que symbolique, elle suffisait à motiver, à pousser à s’améliorer, à devenir meilleur. Il n’en fallait pas plus pour ces mordus de KoF, pour Khalid non plus.

Il boucle les années 90, à coups de combo dans les salles marocaines avant de se faire rattraper par la réalité en 2002. Bac en poche, Khalid, alias Frionel dans ce nouveau monde online, est vivement encouragé à poursuivre ses études en France. Pourtant « j’étais bien au Maroc, moi, je n’étais pas franchement emballé à l’idée de partir. D’autant que j’étais persuadé que l’Europe n’était pas une terre de jeux vidéo de combat. Un ami en Allemagne m’avait choqué lorsqu’il m’avait annoncé que personne dans son lycée ne savait faire de hadoken ! Personne ! Dans tout son lycée ! Hors de question que j’y aille ! »… Il a tout de même fallu s’y résoudre, game over.

Tougeki show

La mort dans l’âme, il s’envole pour Paris, sans réaliser que cette ville bouleversera sa vie. Il se lance rapidement à la recherche de salles d’arcades. « La Tête dans les Nuages », fera l’affaire quelques temps. Mais trop proprette, elle transpirait l’amateurisme… Si elle ne lui fournissait pas suffisamment d’adversaires, elle a néanmoins eu le mérite de lui présenter certains membres de cette communauté « bien présente et bien active ». Khalid découvre des lieux plus underground, des gamers plus coriaces et surtout les tournois. Bonheur !

Il intègre cet univers, appartient au clan et en maîtrise les codes. Imbattable à nouveau ! Le king de la salle, celui qui forçait l’admiration pour sa technique et sa compréhension du match mais qu’on priait également de ne pas se mettre à la borne, pour laisser une chance aux autres. « Je ne quittais la salle, que lorsque j’en avais assez ». Toujours de plein gré, jamais évincé.

Extrêmement fair-play, il n’en est pas moins compétiteur. « Le challenge, le dépassement de soi », le fait de tirer le meilleur de son personnage en le décortiquant, observant ses coups, quand frapper, quand attendre etc. A mi-chemin entre le sport et l’ethnologie, cet aspect le captive. « Ma passion a toujours été ma plus grande force », explique-t-il en s’amusant. « Je ne pense pas avoir un talent particulier pour KoF. En revanche, je bosse énormément. J’analyse tout, étudie tout », déclare le jeune homme lucide (?) et modeste. Talent ou pas, Frionel s’impose dès 2003 parmi les meilleurs gamers d’Europe. Il se fait un nom dans ce monde de brutes virtuelles et savoure le podium à de nombreuses reprises.

Consécration ultime : il se qualifie en 2006 pour le Tougeki, le plus important et spectaculaire tournoi de jeux vidéo de combat, au Japon. Un rêve impossible qu’il touche du doigt ! L’extase est à son apogée pour cet étudiant touche-à-tout, qui perce parallèlement dans l’univers de la presse spécialisée en jeux vidéo.

Le Japon, il l’a fantasmé depuis toujours et le voici qui en foule les avenues et domine les boutons et joysticks dans les salles d’arcades de la capitale nippone. « Quand je repense au gamin de G5, je n’en reviens pas ». L’émotion le submerge quand il remporte son ticket pour les phases finales du tournoi. Impensable ! Cet outsider, qualifié en France, originaire du Maroc, qui menace les stars de KoF, sur leurs terres, dans leurs arènes magnifiques et colossales, c’était inédit. S’il faisait office de David, il n’avait d’autres choix que d’affronter Goliath au cours d’un combat épique.

Frionel s’incline alors devant l’un des meilleurs experts japonais, un rival féroce, mais gagne le cœur de fans et de ses pairs qui voient en lui, l’un des leurs. Un vrai, un guerrier de la première heure. La défaite est immédiatement moins amère. Les souvenirs sont eux impérissables.

L’Evo, le graal

Retour en France. Ecole de commerce et combinaisons de coups de plus en complexes rythment le quotidien de Khalid. Il prend sous son aile de nouveaux venus dans le monde de KoF, les entraîne, leur livre certaines astuces et petits secrets. « J’ai été énormément critiqué pour ça d’ailleurs ». Quand ce n’était pas du « dédain », c’était à tout le moins de l’incompréhension. « Pourquoi tu fais ça, tu es bête, tu leur fournis les armes pour te battre ? On me le répétait sans cesse, mais quelque part, je pense que j’avais peur que ça s’arrête…» Avoir de nouveaux adversaires était l’assurance que l’aventure continue. Pari gagné !

Khalid diplômé, intègre le marché de l’emploi. Un bref passage par le monde de la finance, lui permet de comprendre que ce n’était pas pour lui. Contre ses principes et valeurs. Ça tape sous la ceinture... Des boîtes de jeux vidéo s’intéressent en revanche davantage à son profil. Il intègre Ubisoft quelques temps, fort de ses expériences de gamer et de commentateur de « e-sport », précurseur de ce genre désormais en vogue. Il apprend au sein de cette entreprise à suivre le développement d’un projet, participe à la création de jeux, mais KoF est toujours là. Jamais loin, « trois à quatre fois par semaine minimum ! »

Son sérieux et son assiduité lui ouvre cette fois-ci les portes de l’Evo en 2012, le nouveau sanctuaire de la discipline aux Etats-Unis. Lui qui a eu la surprise de découvrir sa photo dans des magazines japonais, n’en finit plus d’être étonné et ému. Mais pas le temps de larmoyer. Quand « je vais en compet, j’y vais pour gagner ! » Direction les Etats-Unis, pour participer à un tournoi réunissant un millier de joueurs et non des moindres. Frionel enchaîne les coups et les rencontres avant d’être stoppé net dans son élan. En 2013, il quitte la compétition dans le top 20 mondial.

« La boucle est bouclée »

Cet exploit lui vaut les sérénades de certains sponsors. Bien que les propositions se révélaient alléchantes, elles ne sont pas parvenues à le convaincre. « Cela faisait presque dix ans que j’étais en France, j’étais fatigué. J’avais envie de rentrer au Maroc et le sponsoring réclame un investissement que je n’étais plus prêt à assumer », précise Khalid, qui exécute son souhait la même année.

Le retour aux sources est appréciable, mais bizarrement de courte durée. Sollicité par la communauté locale des amoureux de KoF, il accepte et remporte le droit de participer au Festival International des Jeux de Cannes. « Un désastre personnel !» S’il n’a pas failli dans le classement global, Frionel « a pris un grosse claque » au cours d’un match. « Je m’entraînais moins depuis que j’étais au Maroc, ça s’est ressenti ». Khalid a pensé raccrocher les gants. Plus de combats pro…

Tourner la page a été mûrement réfléchi, l’épisode cannois n’a qu’amorcé la réflexion. « J’ai d’autres projets, d’autres ambitions », déclare le gamer trentenaire aujourd’hui, et opérant comme consultant pour la « boîte japonaise qui développe KoF, SNK ». « La boucle est bouclée » plaisante le jeune homme, accessoirement écrivain, à ses heures. « KoF m’a ouvert plus de portes que l’ensemble de mes diplômes, m’a fait découvrir le monde, et m’a appris énormément sur moi, sur mes capacités ». Pour Khalid, ce jeu « a de nombreuses vertus », indiscutablement.

Il ne quittera pas l’arène avant un ultime baroud d’honneur. En avril 2014, se tenait un nouveau tournoi en Corée. Frionel annonce officiellement décliner l’offre. La toile s’enflamme immédiatement. Ses amis et les organisateurs se mobilisent. Ils lèvent spontanément des fonds pour voir le Marocain en Corée. « Impossible de refuser, j’ai été incroyablement touché du geste. J’y suis allé mais comble de l’ironie, j’affronte mon grand rival japonais de l’Evo. Le sort s’acharne ! Seulement, je le bats cette fois-ci », annonce le joueur en esquissant un sourire…

De nouveaux tournois sont programmés dans les mois à venir, « mais je ne suis pas sûr d’y prendre part ». Il n’abandonne pas le jeu, qui fait partie intégrante de sa vie, mais la compétition est désormais superflue. « J’ai d’autres projets : nous avons crée une ligue marocaine composée de bons joueurs », mais manque probablement encore un peu de « maturité, le professionnalisme n’est pas encore là », déplore le jeune homme. « J’ai proposé un concept de jeu vidéo, qui intéresse deux studios », professionnels du secteur. « Mais j’adorerai que quelqu’un exploite l’idée à ma place, ça m’enlèverait une épine du pied », avoue Khalid dans un éclat de rire. « C’est une bonne idée, et j’aimerai vraiment pouvoir y jouer un jour ».

Bien que son parcours force le respect et impressionne, le jeune Khalid nourrit aujourd’hui des rêves « beaucoup plus importants » et étonnamment assez communs. « Fonder une famille, un foyer, être un bon père et un bon mari » insiste-t-il, soulignant que « ces choses là sont autrement plus capitales ». Quant à savoir s’il mettra un joystick entre les mains de ses futurs enfants, ce king, familier de l’esprit de contradiction, déclare en s’amusant « qu’il le leur interdira sûrement, pour s’assurer qu’ils iront vers ces jeux là ».

 

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