Reportage: à la recherche du puits de gaz de Longreach à Sidi Mokhtar

Bourgade longtemps marginalisée, Sidi Mokhtar se retrouve aujourd'hui sous les feux de la rampe depuis l’annonce de la découverte d’indices de gaz "significatifs". Une promesse de prospérité pour un territoire aussi inhospitalier qu’agonisant.  

Reportage: à la recherche du puits de gaz de Longreach à Sidi Mokhtar

Le 20 mai 2014 à 16h25

Modifié 27 avril 2021 à 22h28

Bourgade longtemps marginalisée, Sidi Mokhtar se retrouve aujourd'hui sous les feux de la rampe depuis l’annonce de la découverte d’indices de gaz "significatifs". Une promesse de prospérité pour un territoire aussi inhospitalier qu’agonisant.  

Une mosquée de 6 mètres trône sur le boulevard principal, à quelques pas d’une heureuse pharmacie en situation de monopole et d’un spécialiste de brochettes de bœuf à l’hygiène douteuse.

Dans le seul café du coin, principale attraction de ce village sans âme, les clients jouent aux dames pour tuer le temps, la cigarette au bec pour la plupart, sous une chaleur accablante. Les maigres pelouses qui bordent la route sont envahies de quelques voitures quinquagénaires qui semblent résister à l’outrage du temps, lesquelles cohabitent peu ou prou avec les autocars, camions, marchands de légumes et de bovins du coin.

Une poignée de petits vieux s’obstine à discuter sur un banc, tandis qu’une femme emmitouflée dans une djellaba couleur crocus en fin de vie vous harcèle pour lui acheter des cigarettes, peu importe que vous soyez fumeur ou pas. Bienvenue au Maroc inutile.

Sidi Mokhtar, le 18 mai 2014. (photo Médias 24)

 

 

Nous sommes à Sidi Mokhtar, un patelin perdu entre Chichaoua et Essaouira, à 330 kilomètres à vol d’oiseau de Casablanca. Il y a un peu plus d’un an, cette bourgade à peine vivable était connue seulement des voyageurs qui font le trajet Marrakech-Essaouira et qui s’y arrêtent pour se gaver de brochettes.

 

Ruée vers le gaz de Sidi Mokhtar

Du jour au lendemain, c’est-à-dire depuis que la société de prospection Longreach Oil & Gas a décroché la licence "Sidi Mokhtar" pour l’exploration onshore dans cette région (avec 50% d’intérêt en partenariat avec Onhym et MPE qui y détiennent 25% chacun), ce petit village a vu sa notoriété dépasser les frontières, au point qu’aujourd’hui, son nom occupe régulièrement une place de choix dans les dépêches internationales. Tapez Sidi Mokhtar sur Google et vous verrez.

La première annonce a eu lieu en janvier 2014: la compagnie avait noté une "importante présence de gaz naturel" dans le premier puits d’exploration Koba-1. Plus récemment, le 15 mai 2014 précisément, les responsables de la société londonienne ont annoncé avoir découvert "des indices de gaz encourageants" dans le puits Kamar-1, dans la structure Kechoula, un bled perdu situé à une quarantaine de km de Sidi Mokhtar.

Kechoula, plus misérable tu meurs

La route pour aller à Kechoula? Le gendarme nous montre la route du doigt, sous sa moustache frémissante: "Il faut aller au village Mejji, avant de faire entre 3 et 5 km sur piste". Tout un programme. Arrivé à Mejji, un grand taxi bleu accepte de nous conduire à la structure Kechoula : c’est la première fois qu’Abdelkabir s’y rend, la piste étant habituellement réservée aux charrettes tirées par des ânes, et plus récemment aux poids lourds de Longreach.

Il paraît qu’on a découvert du gaz à Kechoula. Abdelkabir reste silencieux. Peut-être pense-t-il que tout cela ne changera rien à son sort? "Dieu seul sait!" finit-il par répondre, l’air stoïque. Pendant une bonne dizaine de minutes, et alors que la vieille Merco 240 fait des bonds sur la piste caillouteuse, Abdelkabir se lâche: «j’ai postulé pour travailler comme chauffeur à Longreach, mais ils ont refusé de m’embaucher, peut-être parce que je suis trop vieux", regrette-t-il, du haut de ses 60 ans.

 

Village Kechoula, le 18 mai 2014. (Photo Médias 24)

Nous y voilà. A première vue, ce territoire est vraiment inhospitalier, moribond, dépourvu du minimum syndical, voire vital. Il vous donne l’impression d’effectuer un voyage dans le temps. En fait, Kechoula est tellement pauvre qu’il ferait passer Sidi Mokhtar pour une mégapole prospère. Et c’est dans ces lieux, au milieu de nulle part, que trône le site Kamar-1.

L’espoir est là, pas les chiffres

Entouré de grillages, le site s’étale sur près d’un hectare. On y aperçoit des camions, des 4x4, des bâtiments modulaires, une foreuse, une benne preneuse, un trépan lourd, quelques machines bruyantes...Bien que le forage ait pris fin le 8 mai (à une profondeur totale de 2.790 mètres, croisant deux réservoirs de gaz naturel distincts), le démantèlement du chantier prendra encore quelques jours.

 

Entrée du site Kamar-1, structure Kechoula, le 18 mai 2014. (Photo Médias 24)

"Nous allons quitter les lieux d’ici fin mai", confie un employé de la société. En attendant, près de 80 ouvriers, techniciens, ingénieurs, chauffeurs, sont toujours mobilisés sur le site de jour comme de nuit, 7 jours sur 7. Parmi eux une quinzaine de Marocains, quelques Anglais et beaucoup d’Algériens, expérience oblige. A quelques 2km de là, sur le premier site Koba-1, les travailleurs logent dans des préfabriqués collectifs, des "man camps" sans âmes mais bien équipés.

Le forage du puits Kamar-1 a duré moins de deux mois se terminant par l’annonce d’indices de gaz "significatifs". Plusieurs analystes, parmi lesquels le Britannique Malcolm Graham-Wood, ont fait montre d’un certain optimisme.

Les villageois vacillent entre scepticisme et méconnaissance

Le Maroc se transformera-t-il en un eldorado grâce aux éventuelles réserves de Sidi Mokhtar? Pour les habitants de la région, rien n’est moins sûr. "Les gens d’ailleurs sont au courant de ce qui se passe ici. Tout le monde est au courant sauf nous. Il paraît que notre région est riche. Mais nous, on n’a rien vu. Pour le moment, on n’a encore rien tiré de ces découvertes. Et si ça se trouve, on va nous chasser d’ici", s’emporte El Mehdi.

"Comment parler du gaz ou du pétrole alors qu’on n’a même pas de routes? Ici on agonise. Entre Mejji et Krimate, la piste est impraticable. Et on nous dit qu’il y a du gaz", poursuit-il.

"Certains disent qu’on va nous sortir de la misère, mais moi je ne demande pas qu’on me sorte de la misère. Je veux travailler et gagner ma vie dignement", estime un villageois de Mejji.

Rachid, un trentenaire de Sidi Mokhtar, n’en finit pas de s’extasier: "On a la meilleure qualité de gaz dans le monde, Tbarkellah". Ah bon? "Oui oui, quand la terre n’est pas cultivable, cela signifie qu'elle regorge de gaz et de pétrole. C’est un ami qui travaille dans le pétrole au Sénégal qui me l’a dit", argumente-t-il brillamment.

Alors comme ça, la Mecque des brochettes douteuses deviendra-t-elle la nouvelle Mecque du gaz ?

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