La médiatisation des suicides des ados attire l'attention sur la détresse des jeunes

Le suicide d’une jeune fille de 15 ans, victime du harcèlement de ses camarades qui la traitaient de « bent l'karyan » (fille de bidonville) a soulevé une vive émotion au Maroc. Ce cas n’est malheureusement pas isolé.    

La médiatisation des suicides des ados attire l'attention sur la détresse des jeunes

Le 20 mai 2014 à 17h15

Modifié 11 avril 2021 à 2h35

Le suicide d’une jeune fille de 15 ans, victime du harcèlement de ses camarades qui la traitaient de « bent l'karyan » (fille de bidonville) a soulevé une vive émotion au Maroc. Ce cas n’est malheureusement pas isolé.    

Pas de chiffres, pas de données, pas de statistiques... le suicide reste un sujet tabou au Maroc, interdit par la religion, désapprouvé par la communauté. Pour autant, quelques rares études ont été menées, notamment par l’hôpital Ibn Rochd en collaboration avec le ministère de la Santé. Sur un échantillon de 2200 adolescents, 24% préféreraient la mort à la vie, selon une étude réalisée en 2013 par l’hôpital Ibn Rochd et relayée par 2M dans un reportage consacré à la question.

 


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Les cas de suicide de plus en plus médiatisés

Parfois, ces passages à l'acte semblent provoqués par des petits riens dérisoires et insondables, mais selon les spécialistes, des raisons plus profondes se retrouvent à l'origine d'un acte suicidaire.

Le 26 juin 2013, une lycéenne s’est suicidée devant son établissement après avoir échoué au bac.

Cinq mois plus tard jour pour jour, une jeune fille s'est donné la mort en se jetant sous une rame de train au niveau de la gare de Témara.

Le 28 janvier 2014, une adolescente s’est suicidée à Rabat pour échapper à un mariage forcé avec un homme de 50 ans.

Le 17 février 2014, un adolescent s’est donné la mort en se jetant d’un pont à Khouribga pour une histoire de cœur.

Il y a une semaine, une adolescente qui habitait un bidonville à Casablanca s’est suicidée parce que ses camarades la traitaient de « bent l'karyan » (fille du bidonville).

Le 16 mai 2014, c'est une autre fille de 17 ans qui s'est arrachée à la vie pour échapper à un mariage forcé. Ses parents l’avaient obligée à se marier et à quitter l’école.

Ces drames génèrent une grande émotion sur les réseaux sociaux. Mais sont-ils réellement en recrudescence, ou s’agit-il de l’impression que confère leur médiatisation ?

« Le suicide était souvent étouffé »

Pour Julien Franz Durant, psychologue clinicien à Casablanca, la prévalence est manifestement la même, bien qu’il n’existe au Maroc aucune étude précise sur le sujet. «Le suicide a longtemps été Hchouma, car interdit par la religion. Il était bien souvent étouffé, mal vu. Aujourd’hui, on en parle de plus en plus. C’est une vérité sociétale de santé publique, une problème scientifique et sociologique qui devient de plus en plus abordé sans pudeur», explique-t-il à Médias 24.

Il ajoute: «Il y a eu des suicides plutôt politique, la jeune fille (Amina Filali, NDLR) qui s’est suicidée pour échapper au mariage avec son violeur. Mais aussi le suicide du jeune garçon du lycée Lyautey (Reda L., NDLR) qui a remis sur le devant de la scène le sujet du mal-être et du harcèlement à l'école».  

« Le modèle du vivre ensemble est défaillant »

Pour Aziza Ziou Ziou, psychologue clinicienne spécialisée en psychopédagogie et en médiation artistique, ces cas ne sont pas spécialement en recrudescence. «Ils sont surtout la preuve que le modèle d’éducation civique et du vivre ensemble est défaillant».

Elle ajoute: «Quelle que soit la classe sociale, le suicide des jeunes est souvent le résultat d’une exclusion sociale. Les phénomènes d’exclusions sociales touchent de très près le milieu scolaire et se manifestent par une violence accrue. Les jeunes qui en sont victimes s’enferment dans un silence oppressant qui peut dans les cas les plus tragiques conduire à des passages à l’acte suicidaire».

Reconnaître la crise suicidaire

L’adolescence est une période délicate, souvent synonyme de vulnérabilité émotionnelle, c’est la raison pour laquelle les spécialistes appellent les jeunes à extérioriser leurs détresses.

«Il faut en parler, à travers des centres d’écoutes, car une détresse est vécue de manière intériorisée comme un mal-être, c’est un signal d’alarme qui signifie que quelque chose ne va plus», explique Julien Franz Durant.   

«C’est qui est recherché par l’acte suicidaire, c’est un peu le principe du nirvana. Il y a un tel mal-être quand veut en finir. Certains jeunes supposent que la mort pourrait être une solution à leurs problèmes. C’est pourquoi il faut en parler, reconnaitre le mal-être, la détresse. A ce moment, automatiquement, on sait qu’on a le droit de parler à quelqu’un. L’importante c’est de ne pas être seul, ne pas rester isolé,»ajoute-t-il.

Pour Aziza Ziou Ziou, une véritable réflexion sur l'encadrement des enfants dans les écoles s’impose. «Il faut repenser l'école, en lançant des campagnes de prévention sur la violence en milieu scolaire et le harcèlement scolaire». Pour elle, "plus la prise en charge pédagogique et psychothérapeutique est précoce, plus l’adolescent ou l’enfant peut dépasser ce moment difficile".

Le premier centre d'écoute anonyme par tchat au Maroc réservé aux jeunes en souffrance a été lancé par l’association Sourire de Reda, qui a vu le jour suite au suicide de Reda L. en 2009, alors âgé de 13 ans. De manière anonyme, les jeunes en détresse peuvent exprimer leur mal-être sur ce forum 3 fois par semaine.

L’association organise également des tables rondes sur le suicide des jeunes. La dernière en date a porté sur le thème «Prévenir le suicide chez les jeunes : ce qu’il faut savoir pour agir», le 13 février à Casablanca.

Peu de pays sont épargnés par le mal-être des jeunes qui peut dans les pires des cas conduire au suicide. Dans un récent rapport publié par l'OMS sur la santé des adolescents dans le monde, on apprend que la dépression est la première cause de maladie chez les adolescents.

 

 

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