L’université de Tanger-Tétouan entame la chasse aux profs cumulards

Dans un courrier envoyé aux établissements de l’enseignement supérieur privé de la région, la présidence de l’université Abdelmalek Essaâdi (UAE) les invite à lui communiquer la liste des enseignants du public qui y travaillent.

L’université de Tanger-Tétouan entame la chasse aux profs cumulards

Le 11 mai 2014 à 18h49

Modifié 27 avril 2021 à 22h27

Dans un courrier envoyé aux établissements de l’enseignement supérieur privé de la région, la présidence de l’université Abdelmalek Essaâdi (UAE) les invite à lui communiquer la liste des enseignants du public qui y travaillent.

En cause : les profs du public payés sur le budget de l’enseignement supérieur qui font plus de 20 heures par mois de vacations dans le secteur privé.

 

Plus de deux mois après le début de la grève des étudiants de l’ENCG de Tanger qui avaient dénoncé des enseignants du public qui passent plus de temps dans les activités du privé, la présidence de l’UAE a adressé un courrier en date du 25 avril 2014 rappelant aux établissements du privé les dispositions légales qui encadrent l’emploi des professeurs du public en leur demandant de leur fournir la liste de leurs collaborateurs.

 

 

Le courrier du président Houdaifa Améziane rappelle le décret 2.96.793 du 11 Chaoual 1417 (19 février 1997) et l’article 15 du dahir 1.58.008 du 4 Chaâbane 1377 (24 février 1958). Ces textes limitent à 20 heures de travail par mois le volume horaire permis par l’administration aux profs du public dans le privé et soumettent ce travail à des autorisations et accords préalables entre institutions publiques et privées.

La grève des étudiants de l’ENCG de Tanger qui avait démarré le 17 février dernier et duré un mois dont deux jours de grève de la faim avant que l’administration ne prenne la mesure du problème, avait notamment permis de révéler les conflits d’intérêts des professeurs du public et leurs activités du privé.

Des conflits d’intérêts notamment dus aux contrôles laxistes du ministère des autorisations de travail à l’extérieur qu’à la véritable situation de la grande majorité des établissements du privé véritables «épiceries à diplômes». Par ailleurs, il n’y a pas de contrôle digne de ce nom exercé par la tutelle sur le contenu des enseignements du privé.  Sur Tanger, mais également dans plusieurs autres villes du pays, des enseignants du public négligent leurs activités professionnelles officielles pour se consacrer à des activités privées qui portent atteinte à la qualité du travail dans le secteur public.

S’agissant du cas de l’ENCG de Tanger, mais également des autres villes, dont Casablanca et Settat, l’accès à l’école se fait sur dossier et sur concours, un processus de sélection qui garantit un minimum de compétences et de motivation de la part des étudiants.

Cependant, de l’avis de nombreux élèves, parents et enseignants, «l’intérêt de l’étudiant semble être le dernier souci de l’administration de l’enseignement supérieur». Des visites dans des établissements publics et privés, des échanges avec les étudiants permettent de constater que ces affirmations ne sont pas exagérées.

 A l’ENCG de Tanger, le conflit avait éclaté lorsque des étudiants s’étaient rendu compte que des copies avaient été notées rapidement et «au hasard». A la fin du premier semestre dernier, dans certaines matières, jusqu’à 90% d’étudiants de classes entières s’étaient retrouvés avec des notes inférieures à la moyenne.

Une manière indirecte de dévaluer les compétences et l’image des étudiants et de l’école publique, au profit (matériel) d’institutions privées où le bricolage pédagogique est la règle: activités extra-scolaires pléthoriques, tolérance et absence de sanction des fraudes, programmation pédagogique qui frôle parfois le farfelu.

Réel scandale national, l’état de l’enseignement supérieur offre chaque jour une image négative: violences à Fès et à Marrakech ; résidences universitaires proches de l’état insalubre à Tanger ; grèves des cours et grèves de la faim; chartes signées entre étudiants et professeurs et non respectées comme c’est le cas à Tanger où les étudiants n’ont pu jusqu’à aujourd’hui consulter leurs copies «rapidement» notées à la fin du semestre dernier ; indifférence des politiques qui, ministre, responsables de l’université ou députés, ne veulent surtout pas de «vagues» sur les campus en attendant la fin de leurs mandats ; et, cerise sur le gâteau, l’annonce par le ministre de l’Intérieur Mohamed Hassad la semaine passée de l’autorisation donnée aux forces de l’ordre d’intervenir sur les campus pour y maintenir l’ordre, une décision qui fait revenir le Maroc 40 ou 50 ans en arrière, là où il faudrait réformer.

La collaboration entre un ministre de l’Intérieur polytechnicien et un ministre de l’enseignement supérieur islamiste ne donne rien d’original par rapport aux pratiques sécuritaires, souvent en violation des droits de l’homme, des années 1970 ou 1980.

Si, en 2014, notre système politique continue ainsi de répondre par le bâton au besoin de réformes et d’un débat ouvert sur des dossiers aussi vitaux et stratégiques que celui de l’enseignement supérieur, et donc de l’emploi et du développement économique du pays, il y a des raisons de s’inquiéter.

La lettre de la présidence de l’UAE en date du 25 avril dernier peut être considérée comme une première réponse du ministre Lahcen Daoudi (PJD) au défaut de contrôle tant du travail du public que de la qualité de l’enseignement au coût moyen de 50.000 DH/ étudiant/an pour les écoles de management privée. Dans des déclarations à Médias 24, Lahcen Daoudi  avait condamné le fait que «les professeurs travaillent dans le privé et se reposent à l’ENCG».

 En pratique, l’Etat paie des professeurs qui vont travailler dans le privé … qu’il subventionne directement et indirectement. Cependant cette réponse n’est pas suffisante et il faudra veiller à ce qu’il n’y ait pas de contournement de sens. On peut considérer que l’Etat procure ainsi indirectement un complément de revenus à des professeurs du public, contribuant ainsi à pervertir tant le système de la fonction publique que ceux de l’enseignement public et privé.

 

 

 

 

Cependant à l’ouverture d’un forum étudiant tenu la semaine passée à Casablanca, le ministre de l’enseignement supérieur a indiqué –ou osé déclarer- que «l’université marocaine, en pleine mutation et en quête de modernisation pour mieux répondre à la diversité grandissante des besoins du marché en matière de connaissances et de qualifications, n’a rien à envier aux universités étrangères, relevant toutefois un certain nombre de lacunes, notamment au niveau de la qualité de la formation dispensée et des capacités d’accueil».

Une déclaration qui se passe de commentaire, le ministre ayant affirmé quelques jours plus tôt à Médias 24 que «l’on devrait pouvoir réformer pour 615.000 étudiants» lui-même comparant ce chiffre aux 3,5 millions d’étudiants sud-coréens et aux 5 millions d’étudiants dans les universités iraniennes.

Joint au téléphone par Médias 24, le président de l’UAE a indiqué que «la lettre datée du 25 avril a dû partir 4 ou 5 jours après» et qu’aucune réponse n’avait été reçue au jeudi 8 mai. Encore un effort !

Vous avez un projet immobilier en vue ? Yakeey & Médias24 vous aident à le concrétiser!

Si vous voulez que l'information se rapproche de vous

Suivez la chaîne Médias24 sur WhatsApp
© Médias24. Toute reproduction interdite, sous quelque forme que ce soit, sauf autorisation écrite de la Société des Nouveaux Médias. Ce contenu est protégé par la loi et notamment loi 88-13 relative à la presse et l’édition ainsi que les lois 66.19 et 2-00 relatives aux droits d’auteur et droits voisins.

A lire aussi


Communication financière

Upline Capital Management: Note D'information SICAV “GENERATION PERFORMANCE”

Médias24 est un journal économique marocain en ligne qui fournit des informations orientées business, marchés, data et analyses économiques. Retrouvez en direct et en temps réel, en photos et en vidéos, toute l’actualité économique, politique, sociale, et culturelle au Maroc avec Médias24

Notre journal s’engage à vous livrer une information précise, originale et sans parti-pris vis à vis des opérateurs.