Réformer la France

PARIS – D’ici la fin de l’année, le Parlement français aura procédé à une refonte complète des régimes de retraite, une démarche essentielle pour rétablir les finances publiques de la France sur une base saine et durable. 

Réformer la France

Le 6 février 2014 à 16h11

Modifié 6 février 2014 à 16h11

PARIS – D’ici la fin de l’année, le Parlement français aura procédé à une refonte complète des régimes de retraite, une démarche essentielle pour rétablir les finances publiques de la France sur une base saine et durable. 

Cette réforme permet de renforcer la confiance au sein de la zone euro en 2014 et au-delà. De plus, la manière dont cette réforme a été menée se révèle tout aussi importante que les mesures elles-mêmes.
 
La France bénéficie d’une démographie plus favorable que la plupart des autres États européens. Un effort supplémentaire a néanmoins été nécessaire afin de consolider le système de retraite par répartition, à hauteur de l’équivalent d’un point de pourcentage du PIB. La durée de cotisation sera ainsi progressivement étendue, pour atteindre 43 ans en 2035.
 
Cette démarche a suscité une large acceptation au sein de l’opinion publique, dans la mesure où elle s’avérait juste : retraités et travailleurs seront ainsi amenés à cotiser, de la même manière que les sociétés et les ménages. Les contraintes de financement comme les besoins sociaux ont été pris en compte, le projet mis en œuvre permettant pour autant d’appréhender les défaillances du système actuel, au bénéfice des femmes, des personnes ayant connu une carrière discontinue, de celles ayant exercé une profession particulièrement pénible, ainsi que des retraités percevant un faible revenu.
 
Plus important encore, et pour la première fois, la réforme des retraites a été menée en France dans un souci permanent de consultation auprès du patronat et des syndicats. Nombre d’observateurs s’attendaient à voir éclater une confrontation. C’est pourtant bel et bien au sein d’une atmosphère constructive que les négociations ont été conduites.
 
Autrement dit, la clé de la réussite a résidé dans la justice, l’équité et le dialogue social. Je me souviens avoir entendu au mois de septembre un haut responsable de l’Union européenne s’exclamer, au sujet d’une proposition de mesures, qu’il s’agissait là d’une « réforme à la française ! » Indépendamment de l’existence ou non d’une intention critique derrière cette formule, je l’ai considérée comme un compliment. Certains en Europe semblent penser que la seule bonne réforme serait une réforme douloureuse. Je ne suis pas de cet avis : bien que la modernisation soit indispensable au sein d’un monde en pleine évolution, elle ne saurait nécessairement créer la division.
 
Le défi consiste aujourd’hui à aller de l’avant dans l’unité. Ceci exige de faire renaître chez les citoyens européens un sentiment d’espoir et d’opportunité. La France a joué un rôle actif dans la stabilisation de la zone euro en ayant encouragé un certain nombre d’avancées structurelles, telles que l’instauration de l’Union bancaire européenne. Il nous appartient également de renforcer la cohésion sociale sur le continent. C’est là tout l’objectif de la démarche d’intégration solidaire que défend le Président François Hollande.
 
La révision opérée ce mois-ci par le Conseil européen autour de la Directive sur les travailleurs détachés, qui concerne les employés temporairement détachés à des fins professionnelles dans un autre État membre de l’UE, constitue une première étape dans cette direction. Il nous faut néanmoins aller plus loin. L’instauration d’un salaire minimum à l’échelle de l’UE permettrait notamment d’envoyer aux citoyens un signal fort selon lequel l’Europe constitue bel et bien une réalité sociale.
 
En France, au terme de dix années de déclin des marchés à l’export, le gouvernement dont je suis à la tête a mis en œuvre une stratégie audacieuse afin de restaurer la compétitivité de notre pays. Nous avons cette année procédé à une réduction des prélèvements sociaux pour un montant qui équivaudra à environ 1 point de pourcentage du PIB à l’issue de l’introduction progressive de cette mesure d’ici 2016. La France a également entrepris plusieurs réformes ambitieuses destinées à atténuer la dualité du marché du travail, à faire bénéficier les employeurs d’une plus grande flexibilité, ainsi qu’à conférer une meilleure sécurité aux employés.
 
En outre, la réforme des retraites à venir marque le dénouement de 18 mois d’importantes avancées en direction d’une consolidation budgétaire qui a permis d’améliorer l’efficacité de la dépense publique tout en garantissant le financement de nos préoccupations premières : l’éducation, la transition vers une économie à moindre empreinte carbone, l’emploi, la santé et la sécurité. Nos efforts ont été sans précédent, et ont permis une réduction du déficit à hauteur d’1,5% du PIB en 2012, d’1,7% en 2013, un pourcentage de 0,9% étant prévu pour 2014. À partir de 2015, l’atténuation du déficit reposera intégralement sur la réduction des dépenses.
 
Bien que nous ayons au cours de cette période répondu à un certain nombre d’urgences, nous n’avons en rien sacrifié notre capacité à promouvoir davantage de réformes à l’avenir. La restauration du dialogue social en tant qu’outil générateur d’un consensus durable représente en effet une profonde évolution culturelle, qui se révèle de bon augure s’agissant de ces efforts futurs.
 
Nombre de ces démarches sont d’ores et déjà à l’œuvre : réforme de la formation professionnelle, mise en place d’un cadre relatif à l’adoption de nouvelles sources d’énergie, et enfin – et non des moindres – refonte totale de notre système d’imposition, en faveur de la création d’emploi et de la croissance.
 
Nous serons en fin de compte jugés sur l’efficacité économique et la justice sociale de nos réformes. La tâche consiste pour nous à démontrer notre capacité à réformer la gouvernance, à garantir des services publics de qualité – parmi lesquels l’éducation et la santé – en faveur de tout un chacun et à un coût raisonnable, ainsi qu’à contrôler la dépense publique afin de recouvrer notre capacité à réduire l’impôt, sans pour autant remettre en cause la réduction de la dette.
 
J’ai pour ambition la création d’un « nouveau modèle français, » fondé sur une solidarité durable, et au sein duquel chaque citoyen aurait conscience de ce qu’il doit aux autres membres de la société. Mené par un gouvernement encourageant les initiatives privées et déterminé à faciliter ces importantes transitions économique et environnementale qui font notre époque, un tel modèle ferait naître une véritable égalité des chances, tout en faisant appel à la puissance de l’action collective.
 
C’est grâce à ces valeurs, à la pleine conscience de ce que les forces individuelles et collectives peuvent accomplir ensemble, que la France a toujours su trouver les ressources nécessaires à sa reconstruction et à sa modernisation. C’est en demeurant fidèles à nous-mêmes, et ouverts au monde, que nous pourrons faire entendre notre voix en Europe et au-delà.
 
Traduit de l’anglais par Martin Morel
 
Jean-Marc Ayrault est Premier ministre de la République française.
 
Copyright: Project Syndicate, 2013.
www.project-syndicate.org
 
Vous avez un projet immobilier en vue ? Yakeey & Médias24 vous aident à le concrétiser!

Si vous voulez que l'information se rapproche de vous

Suivez la chaîne Médias24 sur WhatsApp
© Médias24. Toute reproduction interdite, sous quelque forme que ce soit, sauf autorisation écrite de la Société des Nouveaux Médias. Ce contenu est protégé par la loi et notamment loi 88-13 relative à la presse et l’édition ainsi que les lois 66.19 et 2-00 relatives aux droits d’auteur et droits voisins.

A lire aussi


Communication financière

Upline Capital Management: FCP “ASSANAD CHAABI” Rapport du commissaire aux comptes exercice du 1er Janvier 2023 au 31 Décembre 2023

Médias24 est un journal économique marocain en ligne qui fournit des informations orientées business, marchés, data et analyses économiques. Retrouvez en direct et en temps réel, en photos et en vidéos, toute l’actualité économique, politique, sociale, et culturelle au Maroc avec Médias24

Notre journal s’engage à vous livrer une information précise, originale et sans parti-pris vis à vis des opérateurs.