Présidentielle en Algérie : opacité et luttes au sommet

L’élection présidentielle prévue le 17 avril provoque manœuvres politiques, violents échanges au sommet de l’Etat et appels au boycott tandis qu’Abdelaziz Bouteflika laisse parler ses partisans.

Présidentielle en Algérie : opacité et luttes au sommet

Le 3 février 2014 à 16h21

Modifié le 3 février 2014 à 16h21

L’élection présidentielle prévue le 17 avril provoque manœuvres politiques, violents échanges au sommet de l’Etat et appels au boycott tandis qu’Abdelaziz Bouteflika laisse parler ses partisans.

A la veille de la tenue de l’élection présidentielle à Alger le 17 avril prochain, 5 camps se dégagent jusqu’à présent.

Le premier camp comprend les proches du président Bouteflika qui militent pour qu’il se représente à un 4ème mandat alors que son état de santé est chancelant et que déjà en 2009 pour se présenter et gagner la présidentielle il avait forcé un amendement de la constitution du pays. Comme Ben Ali et Moubarak en leur temps.

Le 2ème camp est constitué de ceux qui sont membres du sérail, proches du pouvoir comme l’ancien premier ministre Ali Benflis et qui se portent candidat, se mettant donc en porte-à-faux par rapport au FLN qui soutient une 4ème candidature de Bouteflika et des ministres de l’actuel gouvernement qui soutiennent également.

Un 3ème camp est constitué par les candidats opposants au régime et parmi ceux-ci il faudra cette année compter avec Ali Benhadj, l’ancien co-leader du FIS (Front islamique du salut) avec Abbassi Madani, le parti qui avait gagné les élections de 1991 avant que l’armée n’annule le scrutin, plongeant le pays dans une guerre civile qui durera 10 ans et fera plus de 100 000 morts.

Un 4ème camp est constitué de ceux qui déjà appellent au boycott du scrutin car ils ne croient pas à la sincérité du débat et de la compétition politique. Parmi ceux-ci on trouve, outre le MSI, le Mouvement de la solidarité islamique, le RCD, Rassemblement pour la culture et la démocratie, parti kabyle et laïc.

Enfin, le 5ème camp, moins structuré, mais qui a commencé à se faire entendre dans la presse, est constitué de ceux qui rappellent ce que stipule l’article 88 de la constitution algérienne : « "Lorsque le Président de la République, pour cause de maladie grave et durable, se trouve dans l'impossibilité totale d'exercer ses fonctions, le Conseil Constitutionnel, se réunit de plein droit, et après avoir vérifié la réalité de cet empêchement par tous moyens appropriés, propose, à l'unanimité, au Parlement de déclarer l'état d'empêchement".

Parmi les fidèles de Bouteflika qui souhaitent le voir se représenter pour un 4ème mandat figure le leader du Front de libération nationale (FLN) Amar Saadani, lui-même très contesté par un autre dirigeant du parti Abderrahmane Belayat qui conteste sa légitimité depuis la tenue d’un conseil politique à l’été 2013. Mais ce conflit interne au FLN n’est pas le seul.

Sur le site TSA-Algerie.com lundi 3 février, Amar Saadani critique vertement le général Toufik et patron de la Direction des renseignements et des services «(DRS), en des termes qui permettent également de comprendre, ou d’avancer dans la compréhension de certaines institutions de l’Etat algérien. Explication : « Balayat dit à son entourage qu’il est mandaté par « Si Ali » qui est le général Toufik. M. Balayat travaille sous les ordres de Si Toufik. Ce dernier est impliqué dans cette tentative de déstabilisation qui vise le parti et son secrétaire général ».  Ensuite, suit une énumération détaillée des failles passées et actuelles des renseignements militaires algériens avant de conclure : « Je milite pour la séparation des pouvoirs. Pour un Etat civil. Je dis par contre que si un mal m’arrive, ce sera l’œuvre de Toufik ». Ambiance.

Parallèlement à ces déclarations du patron du FLN Amar Saadani que l’on put comprendre comme une déclaration d’allégeance au clan Bouteflika, il existe également l’actuel ministre des transports et promoteur du mouvement TAJ, Tajamou Amal Jazaïr, Amar Ghoul, qui revendique le regroupement de 30 partis ayant appelé le week-end dernier à une candidature de Bouteflika. Même si de son côté le ministre de l’Intérieur insiste sur le fait que « Bouteflika n’a pas retiré les formulaires de présentation de sa candidature» comme l’ont déjà fait … 72 autres candidats. L’analyste franco-algérien Mohamed Sifaoui les qualifie sur le Huffingtonpost.com de « lièvres ».

Selon Sifaoui, « si certains postulants sont fantaisistes, d’autres sont clairement soutenus par les détenteurs du pouvoir réel ou par l’un des pôles du régime, notamment l’armée ou encore les « services » du fameux général Toufik ». Il est évident, ajoute M. Sifaoui dans son article, qu’au final il n’y aura que quatre à huit candidats qui seront retenus par le Conseil constitutionnel. Ils serviront de « sparring-partners » à Bouteflika. Et ils seront certainement très bien récompensés ».

 Le 2ème camp dans la bataille des présidentielles qui s’annonce est principalement constitué de l’ancien premier ministre de Bouteflika, Ali Benflis. M. Benflis s’était présenté contre Bouteflika en 2009 et il sera balayé avec moins de 7% des suffrages, ce qui lui vaudra une longue traversée du désert jusqu’à son retour sur le devant de la scène politique en 2013. Soutenu par plusieurs apparatchiks et anciens ministres, il doit annoncer son plan de campagne le 8 février prochain.

 Le 3ème camp est celui de l’islamisme politique radical avec l’annonce par l’ancien compagnon d’Abbassi Madani, Ali Benhadj, de son intention de se porter candidat. Mais parti dimanche 2 février retirer les formulaires pour sa candidature aux élections… l’accès des locaux du ministère de l’Intérieur lui a été refusé.

Selon Ali Benhadj dont les propos sont rapportés par le site TSA-Algerie.com, il souhaite « convoquer une assemblée constituante ». Arrêté en janvier 1992, Ali Benhadj a été condamné à 12 ans de prison avant d’être libéré en 2013.

Le 4ème camp est constitué de ceux qui appellent au boycott du scrutin car convaincus comme nombre d’observateurs que celui-ci ne sera pas démocratique. Dans ce camp, on trouve les islamistes modérés du MSI ou le RCD kabyle de Said Saâdi. En 2009, au lendemain du scrutin présidentiel, Dana Moss du Washington Institue titrait déjà son article « Bouteflika gagne, la légitimité perd. »

Sur le système politique algérien, le journaliste et conférencier à Sciences-Po Paris Kader Abderrahim est sévère : « Comme à chaque fois, indique-t-il à Médias 24, le régime parvient à confisquer le débat et à contrôler le calendrier. Le débat ne s’articule pas  autour de la question de savoir quel projet de société les Algériens voudraient partager, mais qui est le candidat, qui le soutient, comment est-il financé ? On ne distingue pas de ligne de fracture entre les partis, hors les opposants historiques, et la grande question de l’électorat islamique a été totalement évacuée parce qu’ils ne votent plus depuis le coup d’Etat de janvier 1992. « Dans ce contexte, ajoute M. Abderrahim, on peut comprendre que les Algériens se soient détournés de la politique depuis longtemps ».

Au milieu de ces débats entre candidats, et sur l’éventualité de passer de la légitimité historique à la légitimité démocratique, certains brandissent l’article 88 de la constitution qui stipule en substance qu’un président en mauvaise santé doit être mis à l’écart par le Conseil constitutionnel.

Mais à cet argument, le palais présidentiel de la Mouradia réplique en faisant montrer, comme la semaine dernière, le président Bouteflika recevant, immobile certes, mais recevant quand même en audience, le premier ministre tunisien en visite à Alger. « Je me montre à la télé, donc j’existe, donc je peux me représenter le 17 avril prochain » semble dire Bouteflika qui fêtera ses 77 ans le 2 mars prochain. Cependant une autre image prise le 23 septembre 2013 montre Bouteflika, assis sur un fauteuil, entouré de tous les membres de son gouvernement debout.

« Si j’en crois ce qui s’écrit et les appels lancés pour un 4ème mandat de Bouteflika, on peut être inquiet. Mais si l’on raisonne de manière rationnelle, on ne peut imaginer un instant qu’il puisse assumer les fonctions de sa charge compte tenu de son état de santé », juge Kader Abderrahim.

Pour le chroniqueur de TSA-Algerie.com Hafid Derradji, le titre de l’un de ses derniers papiers est sans équivoque : « Tout sauf Bouteflika », un texte virulent et sans concessions.  « L’homme est impuissant, écrit-il, en raison de son état de santé et l’Algérie ne peut pas supporter plus  d’incapacité et de silence de sa part. Elle ne peut pas endurer d’autres années de déclin, de sous-développement, de pillage et de corruption de la part de ceux qui le poussent à se présenter à un quatrième mandat sans le moindre égard pour la volonté du peuple et son aspiration pour le changement et son désir d’avoir un Président au sens propre du mot ».

Sur les réseaux sociaux on peut lire: Les partisans de Bouteflika « devraient aller faire la collecte des ordures, ils seront plus utiles ». A Alger aussi, la gestion déléguée pose des problèmes. Ambiance.

 


 

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