Au départ, un rêve d’enfance. À 13 ans, il découvre l’œuvre du voyageur et penseur Theodore Monod qui devient d’emblée sa première source d’inspiration. «Il voyageait à pied à la recherche des secrets du désert. Et le plus marquant, c’est qu'il continuait de marcher à l'âge de 96. Cela a éveillé chez moi la curiosité et le désir d'aller voyager, apprendre et partager.»

C’est pour ça que le jour de son 25^ème anniversaire, il tire un trait sur son confort. Au revoir Casa. Bonjour l’aventure, la liberté des espaces infinis, la solitude des déserts, accompagné de «Super Nounours», son ours en peluche, et armé d’une tente et d’un sac de couchage, des vêtements, un panneau solaire, une caméra et une tablette. L’idée est aussi de raconter son périple dans un livre qu’il écrit au fur et à mesure et un docu qu’il réalisera plus tard par ses propres soins.  

Toutefois, ce besoin de se retrouver, de se dépasser, de mordre la poussière, a été vu d’un mauvais œil par certains...

«De nombreuses personnes m’ont méchamment pris pour un raté ou un insouciant. J’avoue qu’au départ, des remarques négatives m’ont un peu affecté, sans pour autant me décourager». 

Mais il n’était donc pas question de renoncer à son voyage, loin de là. Car à coté, «plusieurs personnes de partout ont cru en moi et ont parfaitement saisi ma démarche et mes messages, c'est une grande reconnaissance et je ne peux qu'être fier».

Le 25 novembre 2012 donc, il entame son périple. Sa première nuit à la belle étoile est à ce jour l’un de ses plus beaux souvenirs. «Ma première nuit, seul dans le désert et cette impression d'être pris entre deux émotions (…), me sentir faible devant l'immensité du paysage et fort de pouvoir m'y insinuer».

Voyageur confirmé, écrivain en devenir

Depuis, il s’est laissé pousser les cheveux et la barbe, continue de marcher et prend des notes. «Chaque jour, je prends des notes, je fais le bilan de ma journée. Quand j’aurais fini le voyage, j’attaquerai la rédaction. D’ailleurs, un bon éditeur américain m’a contacté pour éditer mon livre».  

Ce futur livre, il compte le coécrire avec Reda Allali. «Il a le sens du sarcasme, et au Maroc, il y a de la matière pour en faire».

Parallèlement à son périple, et dès que le temps le lui permet, Anass donne des conférences partout au Maroc pour présenter son voyage. «J’en ai donné une quarantaine au total». En dehors du Maroc, TEDx Doha, Istanbul, Paris et Lyon l’ont contacté. «Ce n’était pas possible car j’avais mon voyage. Mais bon, ça fait plaisir car c’est une belle reconnaissance».

Chaque rencontre apporte un enseignement

Certains semblent dubitatifs sur l’intérêt d’un tel voyage. Pourquoi une telle démarche ? «J'ai appris ce que c'est la vie, le bonheur, la liberté, le temps, le silence, l'horizon, l'espoir, la simplicité, le partage, le minimalisme et beaucoup d'autres leçons qui ont forgé ma personne. Mais il y a aussi les belles rencontre qu’on fait et qui n’ont pas de prix», dit-il.

«Souvent, je dors et je mange chez l'habitant». A travers ce type de voyage fait de solitude et de sollicitude, «chaque rencontre est un enseignement ; chacun peut t’apporter quelque chose de nouveau. Tu apprends le sens du partage, la persévérance…»

A l’entendre parler, on s’aperçoit que son voyage s'affirme comme appartenance magique à cette facette du Maroc de plus en plus rare: «terre d’accueil, terre d’hospitalité», comme aime à répéter les agences de voyage. 

Et quand ce n'est pas possible de dormir chez les habitants, Anass n’hésite pas à planter sa tente là où bon lui semble. Simple, pratique et convivial.   

Un jour, «j’ai vu Bethany Hamilton en train de surfer à Tamraght. Et rien qu’en la voyant, tu apprends ce que veux dire la passion». Il y a une dizaine d’année, Bethany Hamilton se faisait dévorer un bras par un requin. Aujourd'hui, malgré son handicap, l'Américaine de 23 ans réussit à défier les vagues, et assure que c'est sa foi qui l'a sauvée. «Elle a eu une vie difficile, et elle n’a pourtant jamais perdu espoir».

La BBC et Discovery s’intéressent à lui

Parallèlement à l’écriture de son livre, Anass prévoit également de raconter son périple dans un documentaire qu’il réalisera lui-même. En attendant, la BBC a réalisé un joli reportage sur lui, alors que Vanessa Moussa, productrice de docu pour Discovery, BBC ou National Geographic Wild vient de se rendre au Maroc pour le rencontrer. L’idée est de tourner un documentaire sur son futur voyage.

A propos, quel sera ce futur voyage? «Le tour d'Europe en skate». Plus original tu meurs!

Une propagande médiatique au Maroc

Chose étrange, certains médias veulent à tout prix associer son voyage à la cause du Sahara, quitte à instrumentaliser son voyage, qui pourtant est loin de toute considération politique. Une chaîne télé nationale a par exemple tourné un reportage sur lui, en affirmant que sa principale motivation était de marcher pour la marocanité sur Sahara, ce à quoi il n’a pas tardé à répliquer dans une vidéo.

Plusieurs cordes à son arc

Anas joue aussi de la guitare, sans être le successeur de Pat Metheny ou de Paco de Lucia, il s’en sort plutôt pas mal. «Je continue à apprendre à jouer de la guitare, cet instrument m'a toujours fasciné vu que j'étais et je suis toujours très proche des Hoba Hoba Spirit.»

Friand de lecture, il a dévoré les récits de Rousseau, Nietzsche, Kant, Platon, Pythagore, Aristote et autres philosophes. Passionné par le 7^ème art, il envisage de poursuivre ses études cinématographiques aux Etats-Unis.

«Je resterai toujours cet enfant rêveur, fou, ambitieux qui ne croit pas à l'impossible et dont l'esprit n'est pas pollué par les dogmes destructifs de la liberté.»

Le voyage est l'école de la vie

«Au Maroc, le seul modèle de réussite est celui d’un homme en «costard-cravate-mallette», du reste, nous n’acceptons pas la différence. Il faut arrêter de casser le rêve des gens.»

Un conseil pour ceux qui n’arrivent pas à franchir le pas pour suivre leurs passions? «Ne gâchez pas votre temps à mener une vie qui n'est pas la vôtre. A l’attention des jeunes, je dis: vivez votre passion.»

Anass Yakine voit dans son voyage un grand enseignement. «Le voyage est l'école de la vie. Ce que j'ai vu et appris pendant cette première année de voyage équivaut à des dizaines d'années de vie normale grâce aux rencontres que j'ai faites, les paysages que j'ai découverts, les émotions que j'ai ressenties, les risques que j'ai affrontés et les leçons de vie que j'ai apprises.»

Sans être fataliste, ni même stoïque, il estime que «tout ce qui nous arrive arrive pour une bonne raison et je vois dans chaque situation difficile un moyen et une passerelle pour aboutir au meilleur.»

Un succès sur la toile

Anass partage son voyage sur la toile. Sur Facebook, sa page compte près de 15.000 membres. «Il y a de plus en plus de personnes de partout qui s'y intéressent et qui me suivent. Certains ont même pris la peine de venir marcher avec moi et j'en suis fier.»

2.700 km ont déjà été parcourus. Il reste 2.300, moins d'une année au rythme actuel.