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La lente mort du Théâtre Cervantes de Tanger, né il y a un siècle

Ouvert au public il y a exactement un siècle, en 1913, le fameux théâtre Cervantès fermé depuis plus de 20 ans, décrépit dans l’indifférence. Ses azulejos vieillissent au soleil et ses baies vitrées sont obstruées avec des briques et du ciment.  

La lente mort du Théâtre Cervantes de Tanger, né il y a un siècle

Le 23 août 2013 à 11h26

Modifié 23 août 2013 à 11h26

Ouvert au public il y a exactement un siècle, en 1913, le fameux théâtre Cervantès fermé depuis plus de 20 ans, décrépit dans l’indifférence. Ses azulejos vieillissent au soleil et ses baies vitrées sont obstruées avec des briques et du ciment.  

Situé entre le boulevard Pasteur et la rue de la Plage en marge de la médina tangéroise, le Cervantès a été construit à partir d’avril 1911 par Antonio Gallego pour être ensuite dirigé par Manuel Pena et Esperanza Orellana, un couple de mécènes espagnols. Mais trouver un équilibre financier n’a pas été chose facile pour le couple. Ceux-ci l’ont exploité pendant 15 ans à compter de décembre 1913 avant d’en remettre les clés au gouvernement espagnol en 1928. Depuis, Madrid en est le propriétaire.

A l’époque, Tanger était doté d’un statut international et les Espagnols en constituaient la première colonie étrangère, plus de 25.000 résidents au total.

Autour de Tanger, c’était le protectorat espagnol. Jusqu’au début des années 1990, pièces de théâtre, concerts de musique, opéras, expositions artistiques et même combats de lutte et de boxe y étaient organisés. Un contrat de bail signé en 1974 a lié l’Etat espagnol à la municipalité de Tanger qui l’exploita jusqu’en 1993.

Outre les productions espagnoles, des productions égyptiennes, marocaines et françaises y ont été jouées avec Lola Florès, Maria Caballé, Enrico Caruso, Tito Ruffo, Cécile Sorel et Youssef Wahbi et Fatima Rouchdi.

Fermé depuis 1993

Doté de 960 sièges, le Cervantès de Tanger a été l’un des plus importants théâtres et lieux de spectacles d’Afrique. A la fin des années 1990, une lueur d’espoir était apparue pour rénover le lieu avec l’idée de puiser dans un fonds public espagnol de restauration des monuments historiques alimenté par des prélèvements sur les contrats de travaux publics. Mais l’idée se révéla fugace.

Ni le fort développement des relations maroco-espagnoles depuis 25 ans, ni la taille de la communauté espagnole de Tanger, ni l’importance supposée du soft power culturel n’ont jusqu’à présent permis de sauver ce bijou architectural. Pour le consul général d’Espagne à Tanger Arturo Reig Tapia, «le rôle de l’Etat espagnol n’est pas de gérer des théâtres hors du territoire national. L’avenir du Cervantès de Tanger doit passer par un partenariat regroupant la société civile, les autorités locales et le secteur privé».

En visite à Tanger en 2002, le chef du gouvernement espagnol de l’époque José Maria Aznar, son ministre des Affaires étrangères Josep Piqué et l’ambassadeur d’Espagne Jorge Dezcallar s’étaient réunis avec des intellectuels et des membres d’ONG de la région pour discuter du dossier.

Convié à cette réunion, Rachid Taferssiti président de l’Association Al Boughaz rappelle aujourd’hui que «cette réunion n’a pas été très utile. Le Cervantès a été inscrit au patrimoine national en 2007 certes,  mais inscrit ne veut dire ni classé, ni protégé», précise-t-il.

Entre les deux dates de 2002 et 2007, une convention culturelle entre Madrid et Rabat a été signée en 2006 pour redynamiser le projet. Cela a abouti au déblocage par Madrid d’un budget de 300 000 euros pour la conduite de travaux de rénovation du théâtre l’année suivante.

Au moins 55 MDH pour rénover le théâtre

Le diplomate Arturo Reig Tapia rappelle également de son côté qu’en 2008 le secrétaire d’Etat espagnol aux Affaires étrangères avait écrit à Mohamed Hassad alors wali de Tanger pour lui suggérer «la création d’une fondation culturelle».

Depuis sa fermeture il y a plus de 20 ans, le théâtre a suscité diverses initiatives pour le ressusciter. Conférences et pétitions, interventions de la société civile auprès des autorités espagnoles ou des autorités marocaines se sont multipliées. L’une des initiatives les plus récentes a été la mise sur pied en 2004 de l’Association Cervantès de l’amitié hispano-marocaine. Elle a fait des suggestions en matière d’aménagement de l’environnement  urbain du théâtre. «Car, rappelle Rachid Taferssiti d’Al Boughaz, quand nous abordions le sujet avec les Espagnols, ils nous répliquaient souvent qu’ils ne voulaient pas mettre de l’argent dans la rénovation d’un bijou sans que son environnement ne soit propre !». Mais rien n’y a fait. A chaque fois, les initiatives ont échoué.

L’approche du centenaire de ce lieu culturel cet automne commence à susciter de nouvelles initiatives. Le libraire et éditeur Simon-Pierre Hamelin de la Librairie des Colonnes prépare ainsi une lecture publique de textes de théâtre sur le trottoir devant le Cervantès le 5 octobre prochain. Pour cela, il a invité des hommes de théâtre Marocains et Espagnols, mais aussi Français, Anglais et Américains.

Un collectif nommé «Soutenir ce qui tombe» défend le projet de rénover le Cervantès  afin qu’il puisse accueillir différents types de manifestations culturelles, dans le style des centres culturels  multimédias que l’on trouve à Barcelone ou à Amsterdam.

Cette année du centenaire va-t-elle marquer une inflexion dans la conduite du dossier ? Un modèle économique sera-t-il enfin trouvé pour le théâtre ?

Pour le diplomate Arturo Reig Tapia, «il manque une étude pour savoir exactement comment redimensionner le théâtre et quelles activités y mener». Celui-ci rappelle que « le Cervantès de 2013 ou 2015 ne peut être celui de 1913; la population a changé, les besoins culturels aussi ». Les coûts de rénovation du théâtre ont été estimés à moins de 5 millions d’euros en 2007.

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