«Des secousses à petite magnitude valent mieux qu’un silence assourdissant»

Les récentes secousses dans le nord rappellent que la région reste exposée. Des progrès ont été faits dans la connaissance de l’activité sismique du royaume, mais les constructions antisismiques sont encore loin d’être la règle.  

«Des secousses à petite magnitude valent mieux qu’un silence assourdissant»

Le 12 août 2013 à 17h00

Modifié 27 avril 2021 à 22h21

Les récentes secousses dans le nord rappellent que la région reste exposée. Des progrès ont été faits dans la connaissance de l’activité sismique du royaume, mais les constructions antisismiques sont encore loin d’être la règle.  

Une secousse de magnitude 4,6 degrés sur l’échelle de Richter a secoué la région d’Al Hoceima le jeudi 8 août. Une heure après, une réplique de magnitude 3 degrés a été ressentie. Pas de conséquences sur la ville, mais Al Hoceima est une région à fort risque qui enregistre continuellement des petites secousses. Pourquoi ? Peut-on prévenir une catastrophe ? Médias 24 a posé la question à Lahcen Aït Brahim, professeur et responsable de l’équipe Georisk à l’Université Mohammed V Agdalde Rabat.

Le Maroc est- il un pays à fort risque de séisme ?

Le Maroc est qualifié de pays à activité sismique faible à moyenne, qui a connu cependant depuis le XIème siècle à aujourd’hui un certain nombre de séismes destructeurs. Les séismes au Maroc sont la conséquence du rapprochement des plaques tectoniques de l’Afrique et de l’Europe depuis plus de 15 millions d’années et qui  continuent de bouger aujourd’hui à raison de 5 millimètres en moyenne par an. Par exemple, la naissance de l’Atlas et du Rif est due au choc entre ces deux plaques.

La déformation sismique au Maroc prend forme dans la croûte terrestre. Lorsque que le summum de la résistance est atteint, les roches cèdent et l’énergie est expulsée sous forme d’ondes sismiques, ce qui provoque un tremblement de terre.

Et c’est le Maroc qui absorbe toute la tension due à la confrontation entre les deux plaques tectoniques ?

Non. C’est toute la région du Maghreb. Partant de l’Atlantique jusqu’à la Tunisie. L’Algérie est la région qui enregistre le plus de séismes destructeurs avec des magnitudes de 6 à 7 sur l’échelle de Richter, voire plus. Pour ce qui est du Maroc, il y a des régions plus menacées que d’autres.

Aujourd’hui, peut-on identifier ces points menacés ?

Au cours de la  dernière décennie, le Maroc a perfectionné relativement son réseau sismique pour mieux enregistrer l’activité sismique. Le Maroc s’est doté aussi d’un réseau  de GPS pour mesurer les déplacements et la déformation des différents blocs.

Ces enregistrements permettent d’identifier les déplacements au niveau du Rif - région de Tétouan, Tanger, Al Hoceima - comme étant les plus menaçants.

Pourquoi Al Hoceima enregistre-t-il le plus de séisme ?

C’est une région caractérisée par la présence de déformations récentes et de failles actives.Le réseau de surveillance sismique a enregistré dans la région d’Al Hoceima au cours des deux derniers siècles le plus grand nombre de séisme, avec 2 destructeurs : celui de 1994 de magnitude 5,3 sur l’échelle de Richter qui a entraîné des dégâts considérables au niveau des campagnes et celui de 2004, de magnitude de 6,3 avec plus de 600 morts et des dégâts aussi bien importants en ville qu’à la campagne.

En tout cas, des petites secousses permanentes permettent de dégager de l’énergie. C’est mieux qu’un silence assourdissant qui s’explique par une tension silencieuse et allant exponentielle.

Justement, à partir de quel degré le séisme est il destructeur ?

Le séisme à 3 ou 4 degrés ne pose pas de problèmes, c’est à partir de 5 que cela devient dangereux. La profondeur - le foyer d’un séisme - intervient aussi comme paramètre : les séismes superficiels entre 1 à 5 kilomètres sont plus destructeurs que ceux entre 20 à 30 km.C’était le cas de la catastrophe d’Agadir de magnitude 5,7 à 6 mais dont le foyer du séisme était entre 1,5 à 2 km de profondeur, ce qui a engendré la mort de plus de 12.000 personnes.

Une magnitude de 4,6 degrés, comme la secousse qui a frappé Al Hoceima la semaine dernière, est à la limite de l’apparition de fissures, surtout dans les constructions sans armature métallique ou en terre pisée.

Aujourd’hui avec l’avancée de la science peut-on prévenir quand aura lieu le séisme ?

On ne peut pas prévoir à quel moment aura lieu le tremblement, même à l’échelle internationale. Je vous raconte une petite anecdote : en Chine, on a pu prévoir lors du siècle précédent un séisme destructeur. Toute la ville avait été évacuée. Les scientifiques chinois étaient contents de leur système de prévision des séismes. La même année, 5 mois à peu près après, la Chine a connu le séisme le plus destructeur de son histoire avec des milliers de morts. Des Américains, des Japonais, des Européens ont travaillé sur le même sujet, mais jusqu’à maintenant sans résultats. Le phénomène est très compliqué puisqu’il y a beaucoup de paramètres qui entrent en jeu mais la recherche continue.

S’il n’est pas possible de prévenir la date des séismes, comment peut-on éviter le pire ?

La prévention est la meilleure des solutions. Le Maroc a élaboré un règlement de construction parasismique qui est devenu par la force de la loi obligatoire depuis février 2002. Malheureusement, il n’est pas respecté. Les autorités qui délivrent les autorisations de construire n’insistent pas sur la réglementation et ne sanctionnent pas après. En 2008, une enquête a démontré que 30% des constructeurs seulement appliquent ce code. Le ministère de l’Habitat, après le séisme d’Al Hoceima de 2004, a procédé à l’élaboration d’un nouveau texte d’application qui doit bientôt voir le jour.

Cela permettra-t-il de protéger les villes des catastrophes ?  

Tout à fait. Depuis 2004, des instructions ont été données pour qu’Al Hoceima soit dotée de cartes d’aptitude à l’urbanisation. Un appel d’offre international a été lancé par l’agence urbaine d’Al Hoceima et une société franco-marocaine a décroché le contrat. Un projet de 16 millions de dirhams. Les travaux ont duré 4 ans. Ces  cartes tiennent compte de l’activité sismique, des inondations et des instabilités de terrain. Elles déterminent là ou il est permis de construire sans problèmes, là où il est défendu de construire et là ou il faut construire avec des recommandations obligatoires. C’est un projet pilote qui devrait ensuite se généraliser aux provinces à risques. Les provinces suivantes seront probablement Tanger, Tétouan, Fès et Agadir.

Donc, j’appelle à travers votre portail tous les Marocains à appliquer le code de construction parasismique RPS 2000 ainsi que les cartes d’aptitude à l’urbanisation au fur et à mesure de leur réalisation. C’est la meilleure et l’unique façon de se protéger des tremblements de terre à l’état actuelle des connaissances scientifiques à l’échelle mondiale.

Que va-t-il arriver si les deux plaques tectoniques Afrique-Europe continuent de se rapprocher à ce rythme ?

A l’échelle géologique, dans une dizaine de millions d’années par exemple, on n’aura plus besoin du pont entre l’Europe et l’Afrique (rires).

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