Affaire CGI: la sentence crée un grand malaise dans les milieux d'affaires

M.M. | Le 5/2/2020 à 13:27

La condamnation à un an de prison ferme d'Anas Alami et de Ali Ghannam, réputés pourtant pour leur sérieux et leur honnêteté, a jeté un grand froid sur la communauté des affaires. Accentuant, s’il en fallait, le climat d'incompréhension et de méfiance.

Cinq ans après l’éclatement de l’affaire Madinat Badès, du nom du complexe immobilier développé par la CGI à Al Hoceima, la sentence est tombée. L’ex-patron de la CDG, Anas Alami, et l’ex-DG de la CGI, filiale immobilière du groupe financier public, Ali Ghannam sont condamnés à un an de prison ferme et 5.000 DH d’amende chacun. Cette décision est susceptible d'appel, ce qui sera probablement fait.

Anas Alami et Ali Ghannam ont été condamnés pour avoir "dispoé, de mauvaise foi, de biens inaliénables en fraude des droits d'un premier contractant". Ce délit a été retenu après requalification des faits par le juge du fond. Au préalable, ils étaient poursuivis, depuis 2014 pour "dilapidation de biens publics et escroquerie, faux et usage de faux, constitution de bande criminelle".

Les 25 autres personnes, poursuivies dans le même procès, ont été acquittées par la Chambre des crimes financiers de la Cour d’appel de Fès, qui statuait dans l’affaire. Il s’agit d’anciens cadres de la CGI, d’ingénieurs, d’architectes, de notaires… impliqués dans la construction de ce projet immobilier où des défaillances techniques ont été relevées.

Aux origines de l’affaire

En vérité, nous ne connaissons pas à ce jour le fond du dossier. Ni ce qui est reproché exactement à Anas Alami et Ali Ghannam.

L’affaire a commencé quand des clients de la CGI se sont plaints de retards de livraison de leurs biens immobiliers achetés dans ce projet résidentiel d’Al Hoceima. La qualité des matériaux, des équipements et le non-respect du cahier des charges de départ étaient également soulevés dans les plaintes qu’ils avaient adressées au Roi au cours de l’été 2014.

Une enquête avait alors été ouverte, par trois corps différents : la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ), l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale de l’administration territoriale.

Loin de se limiter au projet Madinat Badès d’Al Hoceima, les investigations se sont étendues à plusieurs projets lancés par le CGI dans le nord du pays. On parle depuis de malversations financières, de dilapidation de deniers publics, d’escroquerie, de faux et usage de faux… Sans que l’on puisse connaître réellement la teneur de ces accusations.

La justice a en tout cas tranché.

Des parcours exemplaires

Dès le départ, l’affaire et son déroulement ont créé un gros malaise dans le milieu des affaires. Et surtout de l’incompréhension, Anas Alami et Ali Ghannam étant considérés comme des gens sérieux, professionnels, honnêtes. Personne ne s’attendait à ce qu’ils soient poursuivis pour de tels chefs d’accusation.

Le premier a eu en effet un parcours exemplaire. Fils d’un facteur, Anas Alami a démarré sa carrière dans la finance après l’obtention de son diplôme d’ingénieur à l’Ecole Mohammedia des ingénieurs (EMI). Il s’est fait connaître à Upline, banque d’affaires indépendante dont il a été co-fondateur au milieu des années 1990. Il était alors considéré comme l’un des meilleurs analystes financiers du pays, un des conseillers privilégiés des investisseurs internationaux qui commençaient à s’intéresser au marché actions de la place casablancaise. Mais sans jamais traîner la réputation de « loup » de la finance qu’on colle souvent aux cols blancs des marchés.

En 2006, il est appelé à jouer de grands rôles dans la fonction publique. Nommé d’abord patron de Poste Maroc, il sera propulsé trois ans plus tard patron de la CDG, en remplacement de Mustapha Bakkoury.

Une brillante carrière qui faisait de lui un des technocrates les plus en vue du pays. Respecté pour ses compétences et pour ses qualités humaines, il est pourtant resté humble, affable.

Cette affaire l’a ébranlé. Et crée de l’incompréhension chez les gens qui le connaissent de près.

Ali Ghannam jouit, lui aussi, de la même réputation de sérieux et d’honnêteté. Ancien PDG de la Somaca, il a également passé le gros de sa carrière dans le public : au ministère du Commerce et de l’Industrie où il a été directeur de la production industrielle, à Med Z, filiale d’aménagement territorial de la CDG, puis à la CGI où il a été nommé DG en 2010. Par ailleurs, Ali Ghannam a fait aussi partie de la génération de « super » Walis, nommés au début du règne de Mohammed VI pour incarner la nouvelle ère, puisqu’il a été Wali d’Agadir de 2001 à 2004.

Stupeur et tremblements

La confirmation de tout ou partie des lourdes charges qui les poursuivent depuis 5 ans et leur condamnation prononcée lundi 4 février à un an de prison ferme ont jeté un grand effroi sur le monde économique. Au lendemain de la sentence, les gens sont atterrés. Aussi bien dans les milieux des affaires que dans la fonction publique.

C’est connu, plusieurs patrons et responsables d’établissements publics n’osent plus, depuis quelques années, prendre des décisions, des initiatives ou des risques, par peur d’enfreindre un règlement ou une procédure, et de tomber dans les filets de la Cour des Comptes ou de l’Inspection générale des Finances.

Ce climat s’est notamment amplifié après la montée du PJD au gouvernement. Ce dernier a fait depuis 2011 de la lutte contre le "fassad" sa priorité, un slogan dont il s'est servi, en réalité, pour écarter ses adversaires ou faire pression sur les hauts cadres de l’administration qui leur tenaient tête. C'est en tous les cas une opinion largement partagée dans la haute sphère publique.

Cette condamnation prononcée à l’encontre d’Anas Alami et Ali Ghannam vient alourdir cette atmosphère de méfiance dans les arcanes de l’administration. Elle handicapera aussi, fort probablement, les tentatives des pouvoirs publics de rétablir la confiance dans les cercles économiques.

Mais tout n’est pas fini puisqu'Anas Alami et Ali Ghannam disposent d’un délai légal de 10 jours pour faire appel.  

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