Allan H. Meltzer

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Qu’attend l’Europe ?

Le 26 avril 2013 à 12h55

Modifié 11 avril 2021 à 2h34

PITTSBURGH, 16 avril 2013 – Lors de sa récente visite en Grèce, le président français François Hollande a déclaré qu’il en était fini du déclin de l’Europe, encourageant les entreprises françaises à investir en Grèce. Une recommandation peu avisée. En effet, si les coûts de production français sont élevés, ces coûts le sont encore plus en Grèce. Malgré l’ampleur du déclin du PIB réel grec (de même qu’italien et espagnol) depuis 2007, les efforts d’ajustement sont loin d’avoir abouti.  

En réalité, il est difficile de trouver partisan de l’analyse d’Hollande ailleurs en Europe. Avant les dernières élections italiennes, les marchés financiers ont montré un certain nombre de signes d’optimisme, encouragés par la politique de la Banque centrale européenne consistant à garantir la dette souveraine des États membres de la zone euro, à étendre son bilan, et à abaisser les taux d’intérêt. Les détenteurs d’obligations y gagnent lorsque les taux d’intérêt baissent. Le chômage continue cependant d’augmenter dans les pays du Sud les plus lourdement endettés, et leur production demeure à la traîne derrière l’Allemagne et les autres pays d’Europe du Nord.

La raison principale de ce retard ne réside pas simplement dans la faiblesse de la demande ou l’importance des dettes. Il existe en effet une différence significative entre les coûts unitaires du travail – à savoir les salaires réels ajustés à la productivité – en Allemagne par rapport aux pays lourdement endettés de l’Europe du Sud. Lorsque la crise est apparue, les coûts de production en Grèce étaient environ supérieurs de 30% à ceux de l’Allemagne, ce qui explique pourquoi la Grèce exportait peu et importait beaucoup. Les coûts de production dans les autres pays lourdement endettés étaient quant à eux 20 à 25% plus élevés que ceux de l’Allemagne.

La croissance ne reprendra que lorsque les coûts de production des pays endettés auront diminué, ce qui exigerait soit un accroissement substantiel et durable de la productivité, soit une réduction des salaires réels, soit la combinaison des deux. Bien qu’un certain ajustement ait été réalisé, la plupart des changements effectués ne sont pas permanents. L’austérité a réduit le nombre de travailleurs employés, particulièrement ceux présentant des compétences réduites et de faibles niveaux de productivité. Or, les gains de croissance de la productivité mesurés sur cette base ne constituent pas des changements permanents, et c’est pourquoi les réductions rapportées en termes de coûts unitaires du travail restent en grande partie temporaires.

En effet, un certain nombre d’écarts considérables en termes de coûts demeurent. En Grèce, le secteur privé a été contraint de s’ajuster, mais le gouvernement a échoué à honorer sa promesse de réduction de l’emploi public. Ceci est voué à prolonger les dépenses gouvernementales excessives, et à conduire à l’impossibilité d’atteindre les objectifs de déficit de manière durable. L’ampleur de la réduction des salaires du secteur public a permis de réduire le déficit primaire, mais le maintien de l’emploi abaisse la productivité, augmente les coûts, et retarde l’ajustement.

En Italie, le gouvernement de l’ancien Premier ministre Mario Monti a entrepris un certain nombre de réformes, mais a continué de soutenir les monopoles des syndicats et des entreprises. Le parlement italien a rejeté un grand nombre de réductions des dépenses publiques proposées par Monti. Le marché du travail ainsi que de nombreux marchés de produits demeurent fermés, malgré le besoin urgent d’accroître la concurrence, d’abaisser les coûts de production, et d’augmenter la productivité.

Après cinq années de croissance lente et d’escalade du chômage, il est très probable que les électeurs d’autres pays endettés, comme les Italiens (et les électeurs français avant eux), rejettent de nouvelles réductions des dépenses, de nouvelles augmentations des impôts, ainsi qu’une dérégulation encore plus douloureuse. Il est nécessaire que l’Europe mette en place des politiques efficaces qui permettraient de réduire les coûts de production jusqu’à les faire se rapprocher des niveaux allemands.

L’historien de l’économie Harold James démontre dans un ouvrage récent qu’au cours des 40 années de négociation ayant abouti à l’adoption de la monnaie unique, l’ensemble des problèmes qui frappent aujourd’hui la zone euro ont été débattus à maintes reprises. Chacun a compris qu’une union monétaire exigerait des règles budgétaires et bancaires exécutoires. Or, ces règles n’ont jamais été adoptées.

Avant l’existence de l’euro, les États ajustaient leurs coûts de production mal alignés en procédant à une dévaluation ou à une réévaluation de leurs taux de change. L’austérité budgétaire n’en est qu’un piètre substitut. Elle fonctionne lentement, voire pas du tout, dans la mesure où les gouvernements élus sont souvent réticents à mettre en œuvre leurs promesses – et dans la mesure où  ils sont susceptibles de ne pas se sentir liés par celles des administrations précédentes (particulièrement lorsqu’ils doivent leur victoire au fait que les électeurs se sont élevés contre des années d’austérité n’ayant fait naître aucun espoir de croissance). De même, les responsables politiques sont souvent réticents à procéder à des dérégulations qui anéantissent les privilèges spécifiquement attribués par l’État.

Je suis depuis plusieurs années partisan d’une politique qui combinerait croissance et rigueur budgétaire. Pourquoi ne pas permettre aux États d’Europe du Sud lourdement endettés de convenir ensemble de rejoindre un euro faible, qui évoluerait parallèlement à l’euro plus fort de l’Europe du Nord ; une fois que cet euro faible aurait réduit de 20 à 25% les coûts de production des États lourdement endettés, ces États pourraient alors rejoindre l’euro « fort » en acceptant des réformes budgétaires qui seraient soumises à l’approbation de la Commission européenne (et par conséquent à celle des États créanciers de l’euro fort). Après tout, un taux de change fixe et une monnaie commune ne requièrent-ils pas une restriction de l’indépendance budgétaire.

Les élections italiennes ont envoyé un message. Après cinq années de déclin du niveau de vie, les électeurs s’opposent à davantage d’austérité et à davantage de sacrifices non créateurs de croissance. La restauration d’un euro sain exige des mesures qui permettraient de raviver la croissance, de freiner les dépenses publiques, et de réformer la lourde réglementation des marchés du travail et des produits.

Traduit de l’anglais par Martin Morel

© Project Syndicate
 

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