Oui la productivité et la croissance sont possibles

Le 26 mai 2016 à 13h04

Modifié 10 avril 2021 à 4h45

Dans notre monde submergé par les passions tristes, le scepticisme est devenu un réflexe, y compris chez les experts.  

De nombreux économistes estiment que l’immense vague d’innovations que traverse le monde serait un gadget sans impact macroéconomique. Nous nous agiterions autour d’un feu de paille, mais ni les technologies NBIC (convergence des nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives), ni la robotique, ni l’économie collaborative ne seraient capables d’apporter autant de gains de productivité que la voiture, l’électricité, le chemin de fer ou la machine à vapeur en leur temps.

Il est vrai que, comme Internet il y a une vingtaine d’années, on ne voit pas les effets tangibles des NBIC, de la robotique ou de l’imprimante 3D dans les chiffres de la productivité.

Les chiffres récents de la productivité dans les grandes économies, y compris après la récession de 2008, sont très en deçà de 2% par an, leur trend de long terme. Or les gains de productivité constituent le principal facteur de croissance économique à long terme. Sans eux, c’est la "longue stagnation" qui nous attend, dette publique persistante et chômage de masse à la clé.

Néanmoins, pour les économistes "optimistes" dont je fais partie, ces NBIC vont entraîner une explosion de la productivité, qui va se traduire par le passage à un régime de croissance plus élevé.

Nos instruments de mesure de la productivité ne sont plus tous à jour, notamment parce qu’ils sont orientés vers la quantité produite et moins vers la qualité de ce qui est produit.

Nos statistiques ont des difficultés à appréhender le fait qu’une voiture sans chauffeur incorpore davantage de valeur ajoutée qu’une voiture à essence classique. Les systèmes de comptabilité nationale ont été pensés aux alentours de la deuxième guerre mondiale, pas à l’époque des NBIC et du transhumanisme.

De nombreux économistes recherchent les gains de productivité dans les secteurs définis par les nomenclatures statistiques du 20e siècle. Si les chiffres de productivité, en ces années 2015-2016 sont décevants, c’est aussi que le profil de diffusion de l’innovation est exponentiel, c’est-à-dire qu’il accélère progressivement. Or, au début de l’exponentiel, là où nous nous trouvons aujourd’hui, la vitesse de diffusion est encore lente, comme l’automobile au début du siècle.

Ceci dit, une connaissance approfondie de la littérature économique récente et du monde réel montre que les "stagnationnistes" commettent une erreur qui ne relève pas seulement de la statistique.

L’économiste israélo-américain Elhanan Helpman a montré dès la fin des années 1990 que l’apparition d’une innovation pouvait, non seulement ne pas générer d’augmentation de la productivité à court-terme, mais même déclencher une récession pendant quelques années.

Prenons l’exemple des robots chirurgicaux, qui illustrent parfaitement ce paradoxe apparent. Ces machines sont des merveilles technologiques qui permettent a priori de réaliser des gains de productivité extraordinaires: augmentation de la qualité des interventions chirurgicales, diminution des complications post-opératoires, accroissement de l’ambulatoire…

Et pourtant, quasiment tous les directeurs d’établissements qui en ont acheté dans le monde et avec qui j’ai pu en parler me tiennent le même discours: "nous pensions que cet investissement serait rentabilisé assez rapidement et nous sommes déçus, le coût des opérations est renchéri". L’explication se trouve dans les modèles d’Helpman et elle est double. D’une part, la mise au point ultime d’une innovation prend du temps et se nourrit des premières expériences d’utilisation. L’innovation reste inaboutie pendant un certain temps et il faut consacrer encore beaucoup de ressources intellectuelles et financières pour produire les outils qui lui permettront d’être pleinement utilisée. Le résultat, c’est que la productivité des institutions (par exemple des hôpitaux) qui utilisent ces innovations récentes va, dans un premier temps, reculer.

D’autre part, l’apparition d’une innovation radicale comme un robot chirurgical démode brutalement les anciennes technologies. L’obsolescence du capital physique comme humain s’accélère car les anciennes machines et une partie du savoir accumulé par les salariés (y compris les chirurgiens) ne valent plus grand chose.

Mais le remplacement des anciennes technologies par les nouvelles est un processus long et coûteux. Il faut réunir des financements, changer les machines, former les salariés…

En attendant que les nouvelles technologies soient parfaitement utilisables, la productivité et la croissance s’effondrent. Ce processus est transitoire, mais cette transition est pénible, ce pourquoi les gouvernements doivent l’accélérer. Le progrès technologique est une promesse majeure de productivité et de croissance, mais qui nécessite d’investir, de former, de réorganiser au plus vite. Pour retrouver de la croissance, voilà le défi.

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