Samir Chaouki

Président d'OMEGA Center for Economy & Geopolitics Researchs

Maroc-Algérie. L’enjeu géopolitique des gazoducs

Le 28 août 2021 à 13h11

Modifié 28 août 2021 à 13h11

Dans un contexte diplomatique tendu, le non renouvellement du contrat du gazoduc Maghreb-Europe est le sujet d’une vive polémique. Quel est l’enjeu géopolitique de ce dossier ? Quel est l’impact économique pour le Maroc ? Quelles sont les pistes alternatives pour l’Algérie ?

Il aura suffi de quarante-huit heures après l’annonce par l’Algérie de la rupture des relations avec le Maroc pour que le ministère algérien de l’Énergie et des mines déclare que l’Algérie allait couvrir l’ensemble des approvisionnements de l’Espagne en gaz naturel à travers le gazoduc Medgaz, reliant directement l’Algérie à l’Espagne à travers la Méditerranée. Une décision qui, si elle est avérée, est supposée mettre fin à un quart de siècle d’exploitation du gazoduc Maghreb-Europe (GME), traversant le Maroc.

Impact de la rupture

La théorie conspirationniste qui domine l’état psychique des responsables algériens n’a pas épargné la déclaration d'Amina Benkhadra, directeur général de l’ONHYM, qui affirma, il y a quelques jours, que le Maroc n’a aucune objection sur le renouvellement du contrat d’exploitation du GME qui expire le 31 octobre 2021.

Ce dernier, long de 1.300 kilomètres, traverse le territoire marocain sur une distance de 540 kilomètres et présente une capacité maximum d’exportation de 13,5 milliards m3 par an. Il accorde au Maroc un droit de passage de 7% des quantités transportées vers l’Espagne et le Portugal, soit une moyenne annuelle de 700 millions m3 sur un total d’importations nationales en gaz naturel de 1,3 milliard m3, ce qui représente 65% des besoins marocains importés.

Cette part relative, aussi importante en apparence, est-elle pour autant décisive dans la politique énergétique du pays ? La réponse est non puisque le gaz en général ne contribue qu’à hauteur de 5% dans la production électrique du Maroc, qui a su gagner en diversification (60% en pétrole, 25% en charbon, 10% en énergies renouvelables).

En d’autres termes, le gaz algérien ne pèse pas plus que 3,3% de la production électrique nationale. En impact budgétaire, le Maroc mettra désormais la main à la poche pour payer l’équivalent du gaz qui ne coulerait plus depuis le GME, soit une moyenne annuelle de 160 millions de dollars. Une somme sans impact réel sur le budget de l’État puisqu’elle n’y représente pas plus de 0,65% !

Cependant, le Maroc, dans sa stratégie nationale de transition énergétique, table sur l’augmentation de la part relative du gaz naturel, dans la production d’énergie, de 5% à 13,5%, soit 5 milliards m3, à horizon 2030, et ce par le remplacement progressif du charbon par le gaz, conformément aux engagements pris par le royaume dans les accords de Kyoto. Pour ce faire, le Maroc devra augmenter ses capacités de stockage car il va désormais recourir à l’importation du gaz naturel liquide et diversifier la liste de ses fournisseurs.

Dans l’immédiat, il n’y aucun risque sur l'alimentation du marché local étant donné les capacités de stockage disponibles et capables e couvrir  la consommation domestique de plusieurs mois.

Pistes alternatives

En 2011, l’Algérie avait inauguré le gazoduc Medgaz reliant directement l’Algérie à l’Espagne (Almeria). L’objectif affiché étant l’augmentation des capacité d’exportation en appui au GME, mais les intentions des gouvernant à Alger allaient plutôt vers une réduction de la dépendance au Maroc dans l’approvisionnement de ses clients en Espagne et au Portugal.

Depuis lors, l’Algérie a sciemment réduit progressivement les quantités conduites via le GME au profit du Medgaz, dont la capacité maximale est de 10 milliards de m3 par an. Est-ce une alternative définitive au GME ? Cela a été la conclusion d’une étude posée sur le bureau de l’ancien chef de gouvernement algérien. Cependant cette piste a été préconisée en 2019 dans une conjoncture de baisse de consommation mondiale. Medgaz serait-il capable de faire  face à une explosion de demande en guise de reprise économique dans les mois à venir, conformément aux prévisions des spécialistes des marchés de l’énergie ? Rien n’est moins sûr. L’Algérie doit alors faire le choix entre deux pistes. Un, reconduire le contrat du GME en attendant l’extension de la capacité du Medgaz à 15 milliards m3 et plus. Une solution qui prendrait au moins cinq années comme période de transition.

Deux, assumer la rupture avec le GME au risque d’être dans l’incapacité de livrer dans l’immédiat les quantités demandées par les clients. Si le choix paraît évident, tout plaide pour que les gouvernants à Alger optent pour le second choix au grand dam des économistes!

Ainsi, l’enjeu géopolitique l'emporterait sur toute logique économique de construction, d’intégration et de perspectives d’avenir. Après la rupture des relations diplomatiques, le non-renouvellement du GME serait le dernier clou dans le cercueil du projet mort-né qui s’appelle l’UMA.

Il reste à savoir si l’Espagne, qui importe 25% de ses besoins gaziers de l’Algérie resterait passive à ces tiraillements qui risquent d’impacter sa dynamique économique. Enfin, faut-il prendre au sérieux les tentatives algériennes de ressusciter le projet de gazoduc subsaharien afin d’enrayer le projet du gazoduc Nigeria-Maroc ? Mais cela est une autre histoire.

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