Ahmed Faouzi

Ancien ambassadeur. Chercheur en relations internationales.

L’ONU, des duels au sommet

Le 2 octobre 2023 à 16h29

Modifié 2 octobre 2023 à 17h11

L’Assemblée générale des Nations unies est un forum où tous les pays peuvent exprimer leurs préoccupations, proposer des politiques, ou tout simplement négocier des compromis et des solutions aux différends qui les opposent et aux autres défis auxquels se confronte l’humanité. La session de cette année, centrée sur les objectifs de développement durable, a surtout mis en valeur la mésentente totale entre les grandes puissances, et entre ces derniers et les pays en développement.

Les crises et les tensions entre les grandes puissances ont déteint sur les travaux de cette session. Elles ont rendu difficile la recherche d’issues pacifiques aux conflits qui parsèment les continents. Mais loin de reprocher aux grandes puissances leur manque de volonté de favoriser la paix, c’est à l’Organisation des Nations unies que les critiques s’adressent pour dénoncer son incapacité à agir efficacement pour favoriser la paix.

Bien que l’Ukraine ait accaparé l’attention des différentes interventions, c’est en Afrique où les risques sont grands de voir ces puissances y trouver le terrain idéal pour étaler leurs forces et externaliser leurs conflits. L’éviction de la France de plusieurs pays africains, qu’elle tenait sous sa domination depuis les indépendances, a créé un vide aussitôt rempli par la Russie et son groupe paramilitaire Wagner. Ce brusque basculement risque d’envenimer davantage la situation sécuritaire en Afrique.

La prestation du président guinéen Mamadi Doumbouya à l’Assemblée générale a bien résumé la situation des pays africains qui cherchent à s’émanciper du modèle occidental en général, et plus particulièrement de la domination française. Pourtant proche de Paris, et ayant pris le pouvoir par la force en septembre 2021, il a tenu à porter son soutien à ses frères d’armes dans les autres pays africains qui ont évincé les civils et pris leur distance avec la France.

Ces coups d’État sont pour lui la résultante des processus non tenus d’endormissement des peuples, de tripatouillage des constitutions par des dirigeants qui ont pour seul souci de se maintenir au pouvoir. À ses yeux, l’Afrique souffre d’un modèle de gouvernance imposé de l’extérieur. Ce modèle est certes bon pour l’Occident qui l’a conçu au fil de l’histoire, mais il a du mal à s’adapter à la réalité africaine, a-t-il souligné.

Le président guinéen a résumé ce que d’autres chefs d’État africains pensent de l’interventionnisme français sans oser le dire. Il s’est offusqué de ce qu’il a qualifié de discours paternaliste des puissances occidentales sur l’Afrique, notamment durant cette session. Il a assuré ces dernières que les populations africaines sont désormais décidées à prendre leur destin en main.

Les discours des africains à l’Assemblée générale ont trouvé, à l’évidence, un écho dans celui prononcé par le ministre russe des Affaires étrangères. Sergueï Lavrov a aussi accusé les États-Unis et le collectif occidental, comme il l’a appelé, de générer des conflits pour empêcher la formation d’un ordre mondial véritablement multipolaire et juste. Cette position plaît aux Africains qui, pour diverses raisons, ont marqué leur neutralité sur la guerre en Ukraine.

Pour Lavrov, l’avenir de l’humanité se dessine dans une lutte entre une majorité d’Etats qui prônent la diversité civilisationnelle, et une poignée d’autres qui utilisent des méthodes néocolonialistes d’assujettissement pour maintenir leur domination. Il ne s’est pas empêché d’accuser Américains et Européens, habitués, selon lui, à mépriser le monde et à multiplier les promesses avant de s’y soustraire. La diplomatie russe est consciente que ce genre de discours est porteur, et trouve un écho favorable en Afrique.

Comme de plus en plus d’Africains reprochent à la France son impérialisme, Lavrov a fait savoir que le monde ne veut plus vivre sous les ordres de l’Occident, mais cherche à échanger avec lui sur un pied d’égalité. Il a dénoncé, comme l’ont fait certains responsables africains à la tribune onusienne, la division artificielle de l’humanité en blocs hostiles du fait des conflits générés. Ses critiques ont également visé l’ONU, le FMI et la Banque mondiale qui ont besoin, selon lui, de réformes urgentes.

Le discours de Lavrov semble bien huilé pour quelqu’un qui a passé une dizaine d’années au sein de cette organisation, à New York, en tant que représentant permanent de son pays. Son discours était une réponse évidente à celui du président américain John Biden par lequel celui-ci inaugurait la session. Biden a tenu à survoler quelques thèmes en abordant les objectifs du développement durable, et en défendant la protection de l’environnement et les droits des migrants entre autres.

Il a surtout rappelé devant son audience son récent voyage au Vietnam, affirmant qu’il aurait été impensable pour un président américain de visiter Hanoï et d'annoncer un engagement mutuel après l’héritage douloureux de la guerre. Or, pour lui, l’histoire ne dicte pas l’avenir, et les adversaires peuvent devenir des partenaires, faisant certainement allusion à la Russie et à la guerre en Ukraine. A ses yeux, Moscou porte seul la responsabilité de ce conflit, et a le pouvoir d’y mettre fin.

Mais Biden ne s’est pas appesanti sur la Russie. Il a évoqué les autres dossiers, du Moyen-Orient à la Corée du Nord en passant par l’Iran. C’est surtout la Chine, grande concurrente économique à la superpuissance américaine et qui pose à Washington de grands défis, qui a été l’objet de son intérêt. Biden a assuré que son pays cherchait à gérer de manière responsable la concurrence bilatérale, afin qu’elle ne bascule pas dans un conflit ouvert.

Contrairement à la Russie, la Chine privilégie le commerce et le partenariat à la confrontation armée pour renforcer son influence. Pour répondre à Biden, son vice-président Han Zheng a formulé, durant cette session, une proposition en quatre points pour mieux gérer les affaires du monde. Défendre l’équité, la justice, la paix et la sécurité, chercher des bénéfices mutuels et des partenariats gagnant-gagnant, rester ouvert et inclusif pour faire progresser la civilisation humaine, et enfin rester fidèle au multilatéralisme pour améliorer la gouvernance mondiale.

Inutile de dire que les propositions chinoises trouvent peu d’écho chez les Occidentaux, à commencer par les Américains, peu enclins à aller vers la paix avec les Chinois. Par réflexe naturel, l’Occident soupçonne la Chine de faire le jeu de Moscou. Pékin avait déjà essayé par le passé d’être l’intermédiaire dans la guerre d’Ukraine, mais sans grands succès. Les protagonistes de ce conflit veulent absolument en découdre à travers les armes. Ils laissent peu de chance à la négociation et au compromis.

Face à ces tentatives de trouver une issue pacifique aux conflits qui gangrènent notre monde, le discours du président ukrainien Volodymyr Zelensky, était un véritable réquisitoire contre Moscou. De la tribune des Nations unies, il a accusé la Russie de génocide et de déportation d’enfants. Il a aussi dénoncé l’usage de l’arme alimentaire comme arme de guerre. Le président n’a été applaudi chaudement que quand il a invité tous les pays à l’aider à organiser un sommet de la paix. C’est dire combien la communauté internationale est en attente d’un apaisement.

Cette dernière est réellement lassée de cette guerre d’Ukraine et de ses effets sur la paix et la sécurité. Ce conflit est venu se greffer à un monde tétanisé par la pandémie Covid et qui, de surcroît, fait face à des changements climatiques de grande envergure. Zelensky n’a pas eu tort de critiquer la lassitude des opinions publiques qui veulent voir son pays négocier la paix, quitte à abandonner une partie de son territoire national.

La session de l’Assemblée générale des Nations unies de cette année ne diffère en rien des précédentes. Elle est ce qu’elle a toujours été, une foire d’empoigne. Chaque pays vient y faire valoir ses droits, défendre ses intérêts, nouer des relations et observer le comportement des adversaires. Les seuls thèmes qui assurent une certaine cohésion de la communauté internationale demeurent les mêmes.

Le climat, les objectifs du développement durable, les réformes des institutions de l’ONU et du Conseil de sécurité sont parmi ceux-là. La réalité du monde est que les luttes géopolitiques sont toujours à l’œuvre. Créée après la Deuxième Guerre mondiale pour promouvoir la paix et la coopération, l’ONU ne répond plus efficacement à ces exigences. Le monde a considérablement évolué depuis, et de nouveaux défis apparaissent qui nécessitent l’adaptation urgente de cette organisation, et surtout sa réforme. C’est même devenu une question de salubrité internationale.

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