Les économies émergentes toutes seules

Le 6 mars 2014 à 11h00

Modifié 11 avril 2021 à 2h35

Il y avait une similitude entre la déclaration du président de la Banque centrale européenne à l’issue d’une réunion du Conseil des gouverneurs de la BCE et un témoignage devant le Congrès de la présidente de la Réserve fédérale américaine : leurs décisions politiques ne prendront en compte que les conditions domestiques.

En d'autres termes, les pays émergents, bien que soumis à des effets de débordement importants de la politique monétaire des pays avancés, doivent se débrouiller seuls.

 

NEW YORK – Cela confirme ce que les autorités des pays émergents savent depuis un certain temps. En 2010 – après l'annonce par la Fed d'un troisième tour d'assouplissement quantitatif – le ministre brésilien des Finances Guido Mantega avait accusé les pays développés de mener une «guerre des devises» au niveau mondial. Après tout, les politiques des pays avancés dirigeaient de larges flux de capitaux volatiles vers les grands marchés émergents, poussant leurs taux de change à la hausse et nuisant à la compétitivité de leurs exportation – un phénomène que la présidente brésilienne Dilma Rousseff a ultérieurement comparé à un « tsunami de capitaux ».

Les politiques des pays avancés sont «égoïstes»

Récemment, l'impact du retrait des mesures de relance monétaire des économies avancées a été tout aussi fort. Depuis mai dernier, lorsque la Fed a annoncé son intention de commencer à diminuer ses achats d'actifs, le capital est devenu moins accessible et plus coûteux pour les pays émergents – un changement qui a été particulièrement douloureux pour les pays dont les larges déficits courants les rendent dépendants des financements étrangers. En réponse, Raghuram Rajan, gouverneur de la Reserve Bank of India, a qualifié les politiques des pays avancés d’« égoïstes », déclarant que « la coopération monétaire internationale est en panne ».

Il est vrai que les économies émergentes ont énormément de problèmes propres qui devraient être solutionnés. Mais on ne peut nier que ces pays ont été victimes des politiques monétaires des pays avancés, qui ont augmenté la volatilité des flux de capitaux au cours des trois dernières décennies. Selon la publication du Fonds monétaire international « Perspectivesde l'économie mondiale » d’avril 2011, bien que la volatilité des flux de capitaux ait augmenté dans le monde entier, elle est plus élevée dans les économies émergentes que dans les économies avancées. Les cycles financiers d’expansion-récession sont en grande partie attribuables à des chocs provenant des économies avancées, mais ils représentent des déterminants majeurs des cycles économiques des marchés émergents.

De plus, les effets de débordement des politiques monétaires des pays avancés vont au-delà des chocs financiers. Les économies émergentes sont également touchées par les conséquences des déséquilibres extérieurs des pays développés – en particulier le gonflement de l'excédent du compte courant de la zone euro.

Au cours des dernières années, les économies déficitaires de la périphérie de la zone euro – ainsi que, plus récemment, l'Italie – ont entrepris des ajustements externes massifs, tandis que l'Allemagne et les Pays-Bas ont maintenu leurs importants excédents. En conséquence, la charge de la compensation de l'excédent croissant de la zone euro est incombée en grande partie aux économies émergentes, contribuant au ralentissement de leur croissance.

Pareils débordements sont précisément ce que la coopération politique internationale – comme le « processus d'évaluation mutuelle » établi par le G-20 en 2009 – était censé prévenir. Le FMI a créé un système élaboré de surveillance multilatérale des politiques macro-économiques des principaux pays, dont les « rapports consolidés de surveillance multilatérale », les rapports sur les effets de débordement pour les pays appelés « les cinq systémiques » (États-Unis, Royaume-Uni, zone euro, Japon et Chine), ainsi que les « rapports sur le secteur extérieur » qui évaluent les déséquilibres mondiaux.

Changer le statu quo

Mais ce système s'est avéré totalement inefficace dans la prévention des débordements – en grande partie parce que la Fed et la BCE l’ignorent purement et simplement. Étant donné que le dollar américain et l'euro sont les deux principales monnaies de réserve internationales, les retombées sur le reste de la planète devraient être considérées comme la nouvelle norme.

Le mois dernier, le Congrès américain a dépassé les bornes en votant un projet de loi budgétaire pour 1,1 billions de dollars destinés à financer les opérations du gouvernement fédéral en évitant d’y inclure un centime pour recapitaliser le FMI, le principal instrument de coopération monétaire internationale. Cette décision représente un nouveau revers pour les réformes du FMI visant à accroître l'influence des économies émergentes.

Étant donné les avantages considérables que des pays émergents stables et prospères apportent à l'économie mondiale – tels qu’illustrés par le rôle que ces pays ont joué pour soutenir la croissance mondiale dans le sillage de la récente crise – il est dans l'intérêt de tous de changer lestatu quo. Le Comité monétaire et financier international du FMI et du G-20 doit chercher à aligner la réalité avec la rhétorique de la coopération politique macroéconomique. Pour cela, les récentes déclarations de Draghi et Yellen devraient être considérées comme le niveau zéro.

Traduit de l’anglais par Timothée Demont

© Project Syndicate 1995–2014


 

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