Les budgets de la zone euro sous le feu des projecteurs

Le 17 octobre 2014 à 10h40

Modifié 11 avril 2021 à 2h36

DUBLIN – C’est bien connu, les marchés obligataires se caractérisent par leur inconstance, fondés davantage sur les passions que sur de rigoureuses analyses macroéconomiques, et sont loin d’être infaillibles, comme l’a démontré la crise financière mondiale de 2008. Ils présentent également bien souvent un manque de fiabilité manifeste dans l’évaluation des perspectives à long terme d’une économie.  

Bien que les taux d’intérêt atteignent actuellement des niveaux historiquement bas dans l’Union européenne, la dette étatique de la zone euro pourrait subir une forte pression si ces marchés obligataires venaient à réévaluer le risque associé aux emprunteurs souverains. Il y a là une considération susceptible de peser lourdement sur les gouvernements débiteurs, lors de la soumission de leur budget à l’examen de la Commission européenne.

Les traders d’obligations ne sont pas les seuls à se laisser influencer par les exubérances (ou les inquiétudes) les plus irrationnelles. Le verdict des agences de notation autour de la qualité des actifs peut lui aussi se trouver biaisé. Ces agences se contentent trop souvent de suivre les tendances, plutôt que de les influencer. Tels le chauffeur de bus trop concentré sur ce qu’il se passe dans son rétroviseur pour regarder correctement la route, nombre d’analystes des obligations considèrent les données économiques historiques comme un déterminant clé de la performance future.

C’est dans ce contexte que les plans budgétaires présentés par les gouvernements de la zone euro le 15 octobre devront faire l’objet d’une évaluation. Cette modalité du Pacte de stabilité et de croissance de la zone euro, spécifiée par l’Article 126 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, s’applique aux États membres échouant à honorer leur engagement d’abaissement de leur déficit budgétaire en-dessous de 3% du PIB.

La principale source d’inquiétude réside en ce que les faibles taux d’intérêt auxquels empruntent actuellement la plupart des gouvernements européens ne sauraient durer encore longtemps, et ce pour deux raisons.

Tout d’abord, les obligations souveraines détenues par les banques sont traitées comme des actifs non risqués dans le cadre des règles européennes de calcul de la solvabilité des banques et de leurs niveaux d’adéquation du capital. Or il s’agit d’un postulat risqué, dans la mesure où l’on sous-entend ici qu’aucun gouvernement européen n’échouera à rembourser son obligation en intégralité, avec tous les intérêts exigibles, et dans les délais convenus. En réalité, le niveau d’endettement de certains pays européens par rapport à leur revenu soulève de sérieuses interrogations quant à cette prétendue absence de risque que présenteraient leurs obligations. Et même si l’on mise sur une absence de poussée d’inflation ou de croissance économique, la menace d’un défaut ne peut être aussi aisément écartée.

Deuxièmement, la faiblesse des taux d’intérêt conduisant de larges sommes d’argent à n’engendrer que peu d’opportunités de rendements décents, il est compréhensible que les investisseurs se soient tournés vers les obligations étatiques, poussant encore davantage les rendements à la baisse. Cette situation ne saurait cependant persister ; si la circulation des fonds venait à ralentir, ou si des actifs à plus fort rendement devenaient disponibles, la demande en obligations étatiques pourrait nettement diminuer. Dès lors, les taux d’intérêt sur la dette souveraine devront augmenter, afin que demeurent soutenables les niveaux d’endettement des États.

Un tel scénario n’est pas inconcevable, et sa concrétisation plongerait dans le chaos le budget de nombreux États membres endettés de la zone euro. Ainsi, dans l’examen des plans budgétaires de ces États membres, les gouvernements et la Commission auraient tort de miser sur la persistance de faibles taux d’intérêts sur obligations d’État dans un avenir proche.

Si les investisseurs venaient effectivement à décider que les rendements des obligations d’État ne justifient plus l’investissement, les choix des emprunteurs souverains pourraient s’en trouver restreints. Peut-être seraient-ils en mesure de défier la Commission européenne, mais leur résistance face aux sentiments des marchés obligataires leur imposerait une pression colossale. Après tout, les grandes places financières mondiales ne sont pas seulement sujettes à l’irrationalité, elles sont également moins influençables par les discours politiques de nature à trouver complaisance au sein de la Commission, ou parmi les collègues ministériels du Conseil de l’Union européenne. De plus, le marché a tendance à retourner sa veste de façon soudaine et sans sommation, ne laissant que peu de temps aux gouvernements pour procéder aux ajustements budgétaires nécessaires.

Il serait moins probable que ceci se produise si le système européen de coordination des politiques budgétaires des 18 membres de la zone euro (les fameux Two Pack et Six Pack) était davantage respecté – notamment par les plus grands États, tels que la France et l’Italie.

En revanche, si ce système se trouvait défié, ou réinterprété en direction d’une altération de sa signification initiale, les marchés obligataires pourraient à nouveau faire preuve de nervosité. L’Irlande compte parmi les pays les plus conscients des difficultés associées au fait d’avoir à emprunter à des services de fonds, et à rembourser des dettes proches de l’échéance.

Traduit de l’anglais par Martin Morel

© Project Syndicate 1995–2014


 

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