Gita Gopinath

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Le prochain défi du FMI

Le 3 octobre 2013 à 9h42

Modifié 11 avril 2021 à 2h34

  CAMBRIDGE – En ce mois d’octobre, un certain nombre de banquiers centraux, responsables politiques, dirigeants du secteur privé, universitaires et représentants d’organisations de la société civile se réuniront à Washington DC dans le cadre du forum conjoint annuel du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale. Comptera parmi les développements les plus importants de cette année la décision du Conseil des gouverneurs du FMI sur la question de savoir comment appréhender les problématiques monétaires internationales actuelles.  

Le contexte économique international demeure aujourd’hui fragile : absence de signe d’une croissance saine du PIB dans la zone euro, fébrilité de la reprise aux États-Unis, difficultés de pays exportateurs de matières premières comme l’Australie face à la baisse de la demande chinoise, ou encore troisième année de ralentissement économique des marchés émergents. Dans un environnement aussi incertain, même les changements à priori les plus insignifiants relatifs à la politique monétaire des pays développés sont susceptibles de déstabiliser les économies en voie de développement.

La simple annonce au mois de mai de la volonté de la Réserve fédérale de «tempérer» sa démarche d’achat d’actifs à long terme a fait chuter la valeur de la monnaie des différents marchés émergents. La Fed envisageant de cesser totalement sa politique d’assouplissement quantitatif et de rehausser les taux d’intérêt au cours de la prochaine année, les marchés mondiaux sont voués à subir d’importantes perturbations.

Le monde a besoin de stratégies pour atténuer cette menaçante volatilité. Le FMI – dont le mandat consiste à maintenir la stabilité de la balance des paiements à travers le monde – devrait pouvoir incarner l’institution capable d’élaborer ces stratégies. Plutôt que de se contenter d’attendre qu’une crise apparaisse pour intervenir, il serait bon que le FMI formule des «lignes directrices» quant à la manière dont il entend faire face aux perturbations susceptibles d’affecter les marchés financiers internationaux.

Les différentes banques centrales recourent de plus en plus à de telles orientations pour communiquer leur politique monétaire et fixer les prévisions de marché. La Fed s’est par exemple engagée à maintenir un faible niveau de taux d’intérêt au moins jusqu’à ce que le taux de chômage ait été ramené à 6,5% – une démarche qui a sans doute contribué à abaisser les coûts d’emprunt à long terme. De même, dans le cadre de ses premières mesures politiques en tant que gouverneur de la Banque d'Angleterre, Mark Carney a annoncé une orientation d’avenir en matière de taux d’intérêt à court terme. Bien que les effets de telles directives de taux d’intérêt sur l’économie ne puissent être déterminés en l’absence de données supplémentaires, les arguments abondent en faveur de cette démarche.

Peut-être l’exemple récent le plus illustratif de l’efficacité du recours aux orientations d’avenir de la part d’une banque centrale réside-t-il dans l’annonce de juillet 2012 du président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, selon laquelle la BCE ferait «tout le nécessaire» pour garantir la survie de l’euro. Cette promesse a en effet permis à elle seule de stabiliser les coûts de l’emprunt et de réduire considérablement les écarts de taux d’intérêt pour les pays de la zone euro les plus en difficulté. La confiance des investisseurs en l’idée que la BCE rachèterait la dette étatique si les rendements des obligations s’élevaient excessivement a suffi à rétablir le calme ; aucune intervention de banque centrale sur les marchés secondaires n’a en effet été nécessaire depuis.

Ici, l’outil politique du FMI réside dans la quantité de dollars que le Fonds est prêt à engager en tant que filet de sécurité en cas de crise de la balance des paiements. En promettant d’intervenir sur les marchés les plus vulnérables face à une situation de volatilité financière excessive, le FMI en tant qu’acteur majeur, permettrait de réduire les problèmes de coordination entre les différents investisseurs. Par ailleurs, en communiquant ex ante sa volonté de fournir des fonds d’urgence, le FMI contribuerait à atténuer le traumatisme des États qui se tournent vers lui afin d’obtenir de l’aide – une gêne qui a conduit un certain nombre d’États à retarder la demande d’assistance jusqu’à ce qu’il soit trop tard pour faire face aux dégâts politiques sur le plan national.

La bonne nouvelle, c’est que le FMI a d’ores et déjà fait preuve d’un certain intérêt à l’égard de l’éventuelle formulation de telles orientations. Lors de la réunion annuelle des banquiers centraux qui s’est tenue en août à Jackson Hole, dans le Wyoming, la directrice générale du FMI Christine Lagarde a laissé entendre que le Fonds interviendrait pour aider les marchés émergents en crise.

Pour ce qui est de la mauvaise nouvelle, il semble que le relatif flou de l’annonce de Lagarde ait peu contribué à façonner les anticipations du marché, ou à rendre les gouvernements plus à l’aise dans leur demande d’aide auprès du FMI. Ceci souligne un aspect fondamental : la réussite des orientations d’avenir exige par-dessus tout une certaine crédibilité.

À la suite de l’effondrement de la banque d’investissement américaine Lehman Brothers en 2008, à l’origine d’une crise financière internationale dont les retombées se font encore aujourd’hui sentir, les États du G-20 se sont fermement engagés à accroître les ressources de prêt du FMI, habilitant ainsi le FMI à atténuer les effets de la crise. Désormais, il appartient à nouveau aux dirigeants du G-20 d’user de leur influence sur les politiques du FMI, cette fois en direction de la formulation en temps opportun d’orientations d’avenir, ainsi qu’en faveur d’une nouvelle vague de réformes de l’architecture internationale.

La décision de la Fed annoncée en septembre dans le sens d’une atténuation de son programme d’assouplissement quantitatif a permis aux marchés émergents de respirer un peu plus profondément, un bol d’air dont ces marchés auraient intérêt à profiter afin de se préparer à l’inversion inévitable des flux entrants facilités en provenance des États-Unis. Il y a là également une opportunité pour le FMI de formuler et d’annoncer sa politique d’appréhension des perturbations existant sur le marché financier international.

Certes, les problématiques qui seront abordées lors du prochain forum FMI-Banque mondiale ne manquent pas – éradication de la pauvreté, efficacité des aides, ou encore développement international. L’échec des dirigeants du FMI dans l’élaboration d’une stratégie d’avenir face aux futures difficultés du marché compliquerait cependant l’accomplissement de progrès dans tous ces domaines. La dernière chose dont a besoin une économie mondiale encore fragile n’est autre que davantage d’incertitude.

Traduit de l’anglais par Martin Morel

© Project Syndicate 1995–2013

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