Arrêter de taxer les malades

Le 20 juin 2014 à 11h30

Modifié 10 avril 2021 à 4h19

WASHINGTON, DC − Le débat sur l'accès à des médicaments abordables dans les pays émergents et en développement néglige souvent un problème crucial : les gouvernements de ces pays infligent systématiquement des droits de douane et d'autres taxes très lourdes sur des médicaments d'importance vitale.

Bien que ces mesures aient tendance à générer des revenus modestes, elles augmentent les prix des médicaments concernés, ce qui peut les mettre hors de portée pour beaucoup de ceux qui en ont le plus besoin.

 

Comme les pays développés, les pays émergents et en développement importent certains sinon la totalité de leurs médicaments, dont les coûts sont principalement couverts par les patients eux-mêmes, étant donné le manque d'assurance maladie de ces pays. Par exemple, les Indiens paient de leur poche 70% de leurs dépenses de santé. Avec les droits de douane et d'autres taxes qui causent l'augmentation du prix des médicaments de près de 66% dans certaines régions, même les médicaments génériques les plus élémentaires deviennent inabordables pour les plus pauvres. Selon les conclusions d'un rapport de recherche sur le prix des médicaments à Delhi, ces prélèvements sont essentiellement une "taxe sur les malades" que le gouvernement pourrait facilement supprimer.

Des droits de douane très élevés

L'histoire est semblable sur de nombreux marchés naissants. D'après une étude de 2012 de l'Organisation mondiale du commerce, l'Argentine, le Brésil, l'Inde et la Russie imposent des droits de douane de l'ordre de 10% sur les médicaments importés, tandis que l'Algérie et le Rwanda maintiennent quant à eux un taux de 15%. Les droits de douane à Djibouti sont de 26%. Comme le mentionne ce rapport, il est difficile de comprendre pourquoi les petits pays maintiennent des droits de douane élevés sur les produits de santé : ce mouvement ne sert en effet qu'à faire grimper les prix du marché intérieur.

Mais les droits de douane ne sont qu'une partie du problème. De nombreux pays prélèvent également de lourdes taxes de vente. Le Brésil impose un taux de 28% sur les médicaments délivrés sur ordonnance, alors que les médicaments en Inde sont soumis à une TVA de 5% et à une taxe pour l'éducation de 3%, en plus des taxes d'État comprises entre 5% et 16%.

Les pays en développement justifient ces taxes en affirmant qu'elles financent les dépenses sociales. Mais en 2011 l'Inde a levé davantage d'impôts sur les médicaments par rapport à ce que le gouvernement a dépensé en médicaments pour la population. La crise des soins de santé en Inde pourrait se résoudre à condition que le gouvernement arrête de faire grimper artificiellement les prix des médicaments dont la population a besoin.

En outre, malgré les pressions budgétaires, il semble très réactionnaire, voire carrément pervers, de faire peser le plus lourd fardeau financier sur ceux dont la santé est la plus fragile (et qui sont vraisemblablement la cible de ces programmes sociaux). Cela est aussi économiquement contre-productif. L'augmentation des prix des médicaments fait baisser la consommation, ce qui conduit à plus de maladie, à la baisse de la productivité et à une croissance plus lente du PIB.

Il existe une meilleure façon de faire. Plusieurs pays, dont la Colombie, l'Éthiopie, la Malaisie, le Nicaragua, le Pakistan, la Tanzanie et l'Ouganda, ont sensiblement réduit ou éliminé les droits de douane et les taxes sur les médicaments. Les résultats ont été spectaculaires. Par exemple, une fois que le Kenya a supprimé les droits de douane et les taxes sur les produits de lutte contre le paludisme, on a signalé une diminution de 44% de la mortalité infantile et des maladies entre 2002 et 2009.

Suppression des taxes et droits de douane

L'Inde et la Chine, grands exportateurs de produits pharmaceutiques, ont un intérêt évident à la réduction des droits de douane internationaux sur les produits médicaux. L'Inde, saluée comme "la pharmacie du monde en développement", est l'un des plus grands exportateurs de médicaments finis, tandis que la Chine produit entre 70% et 80% des principes actifs de ces médicaments.

L'abolition des droits de douane pharmaceutiques suivrait l'exemple donné par les pays développés lorsqu'ils ont créé l'OMC il y a deux décennies. Comme l'a déclaré l'Organisation Mondiale de la Santé: "les gouvernements devraient taxer les choses qui rendent les gens malades, pas les choses qui les guérissent."

Évidemment, les réductions d'impôts ne vont pas régler les nombreux défis autour de l'accès aux soins de santé dans les pays émergents et en développement, comme le manque d'hôpitaux, de cliniques, de médecins et d'assurances publique et privée. Mais la suppression des droits de douane est une mesure que l'on peut mettre en œuvre rapidement et dont les personnes nécessiteuses pourraient immédiatement bénéficier.

En tant que principaux pays producteurs de médicaments (et où vivent de nombreuses personnes les plus touchées par ces taxes), l'Inde et la Chine devraient mener un effort international de libéralisation. Le Sommet BRICS, qui se tiendra du 15 au 17 juillet à Fortaleza au Brésil, pourrait être un bon point de départ.

Ces pays ont bien démontré leur capacité à agir ensemble. En début d'année, la Chine a rejoint 13 autres membres de l'OMC en réclamant le retrait des droits de douane sur les biens d'environnement. La Chine, l'Inde et les autres membres des pays BRICS devraient former une coalition similaire et faire pression pour supprimer des droits de douane pharmaceutiques, élargissant ainsi l'accès aux soins de santé dans l'ensemble du monde en développement. Les personnes malades et vulnérables à travers le monde n'ont pas à souffrir inutilement.

© Project Syndicate 1995–2014
 

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