La filière du cognac se mobilise face à la menace de taxes chinoises

(AFP)

Le 17 septembre 2024

Pour la première fois depuis 1998, les producteurs de cognac ont manifesté mardi contre la menace de surtaxes chinoises sur les eaux-de-vie européennes à base de vin, refusant de faire les frais du bras de fer sino-européen sur les voitures électriques.

Au total, quelque 800 personnes se sont réunies à la mi-journée devant la sous-préfecture de Cognac, accompagnées d'une centaine de tracteurs, selon la préfecture de Charente. "T'chine, T'chine, le Cognac trinque", "Barnier courbe l'(é)chine", pouvait-on lire sur des banderoles du cortège parti du siège de l'Union générale des viticulteurs pour l'AOC cognac (UGVC), à l'origine de la manifestation.

"Il y a urgence. Dès que l'Europe se sera positionnée sur les voitures électriques, les taxes seront définitives et mettront en péril l'activité entière de la filière", craint Anthony Brun, président de l'UGVC.

Dans un contexte de tensions commerciales entre la Chine et l'Union européenne (UE), Pékin a lancé en janvier une enquête sur les eaux-de-vie à base de vin importées de l'Union européenne, ripostant à une enquête de Bruxelles sur les subventions chinoises aux voitures électriques.

Fin août, Pékin a dit avoir trouvé des preuves de dumping en excluant "pour le moment" d'imposer des droits de douane temporaires aux "brandys" européens — dont près de 95% de cognac.

Les maisons de négoce ont récemment reçu des "notifications d'intentions de taxes", selon Florent Morillon, président du Bureau national interprofessionnel du cognac, qui indique qu'elles pourraient être de l'ordre de 35% en moyenne.

- "Engrenage infernal" -

"Depuis un an déjà, nous alertons les autorités françaises et européennes sur ce risque et sur la nécessité qu'il y avait de stopper l'engrenage infernal dont nous sommes victimes sans aucunement en être la cause (...) Nous n'avons pas été écoutés", écrit le porte-parole des viticulteurs dans un courrier adressé au nouveau Premier ministre Michel Barnier et remis mardi en sous-préfecture. Une rencontre avec Matignon a été actée "sur le principe", selon l'interprofession.

"Les autorités françaises et européennes ont décidé de nous sacrifier, déplore l'UGVC. Peu importe nos emplois, notre poids dans l'économie du territoire, notre apport au commerce et à l'image de la France."

L'interprofession juge également "insupportable et inadmissible d'être pris en otage".

"Depuis l'ouverture de l'enquête début janvier, on a collaboré totalement et pleinement avec les autorités chinoises. Les maisons ont ouvert les portes, leurs dossiers et comptabilités. On a des millions d'euros de frais de procédures et administratifs pour un résultat nul", se désole Florent Morillon.

Des contrôleurs chinois doivent en outre venir dans les prochaines semaines, regrette encore M. Morillon, pointant du doigt "un risque important d'espionnage industriel".

- "Variable d'ajustement" -

Les professionnels craignent d'être amenés à "disparaître du marché chinois", qui absorbe "un quart des exportations en valeur" de l'eau-de-vie charentaise et représente jusqu'à 60% du chiffre d'affaires de "certaines maisons", selon M. Morillon.

Ils appellent l'Union européenne à surseoir à sa position sur le dossier des véhicules électriques, attendue le 25 septembre. Le ministre du commerce chinois Wang Wentao est attendu mercredi à Bruxelles.

"On n'a pas de porte de secours. Si l'Europe ne nous suit pas, on est mort", abonde Rodolphe Texier, membre du syndicat des Jeunes Agriculteurs en Charente, redoutant des licenciements dans toute la filière, des chaudronniers et tonneliers jusqu'aux maisons de production et transporteurs.

L'appellation qui regroupe 4.400 exploitations, 120 bouilleurs de profession, 270 négociants et représente 15.000 emplois directs, 70.000 indirects, souffre déjà d'une chute des ventes (-22% en volume en 2023) et a drastiquement réduit la surface autorisée pour les nouvelles plantations de vignes, près plusieurs années fastes.

La filière Armagnac, pour qui la Chine est le deuxième marché en valeur et le troisième en volume, a également soutenu la manifestation, refusant d'être à son tour une "variable d'ajustement des tensions géopolitiques".

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Le 17 septembre 2024

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