Colombie: crâne rasé et tatouages, un skinhead dans la guérilla des Farc

(AFP)

Le 29 septembre 2016

Crâne rasé et favoris, en ville Simon Nariño passerait pour un skinhead s'il n'avait vécu dans la jungle avec les Farc et même intégré l'escorte de l'un des chefs de la guérilla, qui vient de signer la paix en Colombie.

Sur chaque coude des toiles d'araignées tatouées, au poignet une hirondelle et deux fusils, et sur l'avant-bras un laurier orné du mot "Oi!", cri des combats de rue et style de musique des skinheads, qu'il a troqué il y a dix ans pour l'hymne des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc).

"J'aime l'image classique du skinhead : bottes et crâne rasé. Ici, j'essaie de rester moi-même, sans oublier que je suis d'abord et avant tout un guérillero", a expliqué à l'AFP ce jeune homme au visage marqué de tâches de rousseur, venu à El Diamante, au fin fond du Caguan (sud) pour participer à la Xe Conférence nationale des Farc durant laquelle les rebelles marxistes ont ratifié l'accord de paix conclu avec le gouvernement.

Né il y a 31 ans à Kennedy, quartier ouvrier de Bogota, il s'est engagé dès l'adolescence dans des mouvements étudiants qui l'ont mené au communisme. Il partageait alors son temps entre militance et football.

Il rêvait de devenir joueur professionnel, mais le syndrome de Guillain-Barré, qui attaque le système nerveux, a ruiné son ambition, le laissant deux ans incapable de marcher. Guéri, il se prend de passion à 16 ans pour la lutte révolutionnaire. "Un jour, on ouvre les yeux et on se rend compte qu'il ne faut pas se fier aux apparences", explique-t-il.

- Une raclée change sa vie -

Au lycée, il découvre des styles musicaux comme le ska, le punk et l'oi. Il s'intéresse aux revendications sociales des skinheads et commence à se considérer comme un redskin, les crânes rasés communistes.

Simon Nariño, son nom de guérillero, rappelle que ce mouvement urbain, relié aux idéologies d'extrême-gauche, est né dans les années 60 en Angleterre sous l'influence d'immigrants jamaïquains, et a été dès l'origine, "anti-raciste et ouvrier".

L'antagonisme entre racistes et anti-racistes est cause de multiples bagarres entre les factions d'extrême-droite et d'extrême-gauche des skinheads. Et c'est deux mois après avoir été "brutalement tabassé" par une bande néo-nazie de Bogota que Simon décide de rejoindre les Farc.

"Cela a été un facteur déterminant", dit-il. "J'ai pensé que si je rejoignais la lutte armé, je ne risquerais plus ma vie en me battant dans la rue."

En 2006, alors qu'il allait avoir 21 ans et après avoir longtemps réfléchi, il intègre les Farc, estimant que cette guérilla, issue d'une insurrection paysanne en 1964, répondait aux valeurs des "redskins".

Il rejoint le front Antonio Nariño, dans le centre de la Colombie, et y rencontre un autre crâne rasé, tué lors d'une opération militaire en 2009.

Malade d'un rein, il s'enfuit à Bogota après une autre offensive, mais l'armée le poursuit. Arrêté, il est emprisonné pour rébellion, terrorisme, extorsion et homicide. Faute de preuves, il n'est condamné que pour rébellion, à trois ans et demi de prison.

- 'Ils m'ont beaucoup appris' -

Une fois sa peine purgée, il milite à Bogota, puis est engagé dans la garde rapprochée du commandant Carlos Antonio Lozada, l'un des représentants des Farc qui a négocié la paix pendant près de quatre ans à Cuba.

Depuis qu'il a rejoint la guérilla, il a changé sa manière de s'habiller. Les T-shirts de groupes de musique, les bretelles et les chemises à carreaux ont laissé la place à l'uniforme vert olive. Il y a rencontré des punks, des rastas car "tout un chacun est respecté car il y a une discipline".

Il serait "probablement" mort aujourd'hui s'il avait continué à se battre dans les rues de Bogota. "Ici, ils m'ont beaucoup appris. Dans la rue, j'étais beaucoup moins rationnel."

Si les Colombiens votent dimanche en faveur de l'accord de paix signé par le président Juan Manuel Santos et le chef des Farc, Rodrigo Londoño, alias Timochenko, Simon Nariño entend "renforcer" l'organisation politique que va devenir la guérilla et éloigner les jeunes de la violence de rue.

"Je rêve, dit-il, d'une Colombie en paix, sans pauvreté et sans ses écarts si persistants qu'il y a encore."

Vous avez un projet immobilier en vue ? Yakeey & Médias24 vous aident à le concrétiser!

Le 29 septembre 2016

Médias24 est un journal économique marocain en ligne qui fournit des informations orientées business, marchés, data et analyses économiques. Retrouvez en direct et en temps réel, en photos et en vidéos, toute l’actualité économique, politique, sociale, et culturelle au Maroc avec Médias24

Notre journal s’engage à vous livrer une information précise, originale et sans parti-pris vis à vis des opérateurs.