Quand le Maroc a vacciné 11 millions de personnes en 4 semaines (Retour d'expérience)

La campagne de vaccination contre la Covid ciblant 25 millions de personnes est la plus importante jamais réalisée par le Maroc. Mais le Royaume n'en est pas à son coup d'essai. Retour sur une campagne menée en 2013 qui a permis de vacciner 11 millions de personnes en 4 semaines. 

Quand le Maroc a vacciné 11 millions de personnes en 4 semaines (Retour d'expérience)

Le 13 décembre 2020 à 16h03

Modifié 11 avril 2021 à 2h49

La campagne de vaccination contre la Covid ciblant 25 millions de personnes est la plus importante jamais réalisée par le Maroc. Mais le Royaume n'en est pas à son coup d'essai. Retour sur une campagne menée en 2013 qui a permis de vacciner 11 millions de personnes en 4 semaines. 

La campagne de vaccination contre la Covid-19 est en phase finale de préparation. Son coup d'envoi sera donné une fois le vaccin enregistré au Maroc et réceptionné.

Il est incontestable que cette campagne sera la plus importante jamais réalisée par le Royaume. Elle vise la vaccination de 25 millions de personnes, soit 80% des citoyens de plus de 18 ans en trois à quatre mois. 

Ce qui en fait un véritable challenge sanitaire et logistique et pousse certains à se demander si le Maroc a les moyens de réussir un tel défi.

Personne ne peut prédire l'avenir. Toutefois, il y a deux certitudes. D'abord, le Royaume s'organise pour mettre toutes les chances de son côté et ensuite il n'en est pas à son coup d'essai. 

En effet, le Maroc a déjà réalisé en quatre semaines une grande opération de vaccination ciblant 11 millions de personnes. Pour nous parler de cette opération, nous avons joint Dr Mohamed Benazzouz, responsable du programme national d’immunisation au ministère de la Santé. 

Le combat du Maroc contre la Rougeole

"C'est une campagne qui s'est déroulée en 2013 et concernait un seul type de vaccin. Celui contre la rougeole et la rubéole", nous précise Dr Benazzouz. 

"La rougeole est une maladie qui peut avoir des conséquences graves, et la rubéole est une maladie handicapante. Nous avions des chiffres importants de contamination à ces deux virus. Pour accélérer le pas vers l'élimination de la rougeole et le contrôle de la rubéole, le Maroc a organisé cette campagne de vaccination de masse en 2013. Elle a touché 11 millions de personnes âgées de 9 mois à 18 ans, ce qui représentait à l'époque le tiers de la population", ajoute notre interlocuteur. 

"Elle s'est étalée sur une période de quatre semaines. C'était la plus grande campagne de vaccination organisée dans l'histoire du Maroc. Nous avons atteint nos objectifs et un taux de couverture de 97%. D'ailleurs, c'est grâce à cette campagne que nous avons pu relever le niveau d'immunité de la population contre la rougeole et la rubéole. Nous sommes partis d'une situation où ces maladies étaient présentes dans tous les foyers, à une situation où l'on enregistre à peine 4 ou 5 cas de rougeole par an". 

"Nous n'avons plus d'épidémie de rougeole comme c'est le cas dans certains pays même développés à l'image des USA. Nous avons contrôlé la maladie grâce à la vaccination de masse. C'est cela l'intérêt de vacciner sur une courte durée, si possible, une grande partie de la population".

La gratuité du vaccin, un choix d'Etat

Selon notre interlocuteur, dans son histoire avec la vaccination qui remonte à l'époque du protectorat jusqu'à aujourd'hui en passant par les années 80 où le premier programme élargi de vaccination a vu le jour, ou les années 90 où le programme national d'immunisation a pris le relai, la gratuité a été un élément clé de la stratégie de vaccination. 

"L'Etat marocain croit en la vaccination comme une mesure de prévention de santé publique qui n'est pas conditionnée par le volet financier. Elle doit être accessible à tout le monde parce que la vaccination est une immunité individuelle pour un besoin collectif. C'est pour cela que l'Etat a pris en main ce dossier et assure la vaccination gratuitement", commente Dr Benazzouz. 

"Les récentes données dont nous disposons ont montré que le service public en matière de vaccination représente plus de 97%. Cela veut dire que 3% à peine de la population se dirige vers le privé et achète ses vaccins et c'est leur choix, alors qu'il est offert à tout le monde gracieusement", ajoute-t-il. 

C'est le même choix qui a été encore une fois fait par le Maroc pour la campagne de vaccination contre la Covid-19. 

"Cette campagne était un très bon exercice qui nous a permis d'accumuler une certaine expérience sur laquelle nous nous appuyons pour la campagne actuelle", avance Dr Benazzouz. Elle a permis au Maroc de bien roder son dispositif de vaccination de masse.

"Globalement, pour préparer une campagne, il faut en moyenne entre 6 mois à un an. C'est toute une logistique et toute une organisation. Mais l'exercice le plus important reste la mobilisation des partenaires en plus de la mobilisation générale". 

"Le point sur lequel nous nous sommes concentrés en 2013, outre la formation et l'approvisionnement, était justement l'implication des partenaires. C'est une clé de réussite. Dans cette campagne, nous avons mobilisé le ministère de l'Education nationale qui nous a prêté ses locaux et parfois même du personnel", raconte le responsable au ministère de la Santé. " Si l'équipe de vaccination est composée de deux personnes, au lieu que l'un vaccine et l'autre s'occupe de l'enregistrement de l'acte de vaccination, les deux sont affectés à la vaccination et l'opération d'enregistrement est confiée à un agent du ministère de l'Education qui n'a pas besoin d'être qualifié en matière de vaccination".

"Il y a aussi le ministère de l'Intérieur et les autorités locales. C'est un partenaire important qui agit notamment sur le volet de la mobilisation et de l'organisation territoriale. On avait également mobilisé le ministère des Habous pour sensibiliser les citoyens lors de la prêche du vendredi". 

"En plus de tout cela, le lancement officiel de cette campagne s'est fait par SAR Lalla Meriem, la présidente de l'observatoire national des droits de l'enfant. Un haut patronage de ce niveau-là a un impact très important pour la réussite de la campagne qui renforce notre capital confiance chez la population. C'est cette confiance qui nous a permis de toucher 97% des populations cibles en 2013".

Des similitudes, mais beaucoup de différences

Si cette campagne permet au Maroc d'avoir une expérience non négligeable en matière de vaccination de masse, elle n'en reste pas moins différente de ce qui se prépare actuellement, comme nous l'explique si bien le responsable du programme national d’immunisation au ministère de la Santé. 

"La stratégie en 2013 était différente de celle que nous préparons maintenant sur bien des volets", nous dit-il. 

D'abord, des différences au niveau de la population à vacciner et sa taille. "En 2013, on a ciblé presque 12 millions de personnes, là nous sommes sur une population de 24 à 25 millions. C'est le double. Donc l'effort doit être double", nous explique-t-il. 

"En 2013, nous avons ciblé les jeunes que nous avions l'habitude de vacciner. Cette population était subdivisée en deux groupes : le groupe des enfants non scolarisés ou qui n'ont pas encore atteint l'âge de la scolarisation et le groupe des scolarisés. Pour le premier groupe, il y a eu un grand travail de communication et de sensibilisation pour que les mamans amènent leurs enfants aux centres de santé pour les faire vacciner. Pour les enfants scolarisés, en plus de la communication nous avons adopté une autre stratégie active où nous déplacions des équipes de vaccination dans les écoles qui devenaient des lieux de vaccination. On convenait d'une date avec l'école et on connaissait le nombre d'enfants à vacciner et donc on établissait notre programmation en fonction des informations précises que nous avions", explique-t-il. 

"Dans le cadre de la campagne contre la Covid-19, nous sommes face à une population d'adultes. Le traitement n'est pas le même". "Le principe global de la vaccination est d'assurer l'accessibilité du vaccin. Il faut que l'opération soit faisable et pratique. Nous réfléchissons donc à des solutions simples pour rapprocher le vaccin du citoyen et pour que l'accessibilité à la station de vaccination ne soit pas en elle-même un frein". 

Le deuxième point de différence est le vaccin. "En 2013, nous avons utilisé un vaccin qu'on connaissait et qui était largement utilisé, alors qu'aujourd'hui nous sommes face à un vaccin nouveau. Donc sur le plan de la communication et de d'information il faudra rassurer les citoyens. Il faut communiquer et expliquer".

"Le vaccin contre la rougeole est un vaccin à dose unique contrairement à celui contre la Covid-19 qui est à double dose. Donc on doit être vigilant sur le fait que les personnes ayant reçu la première dose reçoivent aussi la seconde. L'objectif est que la personne soit complètement immunisée. Il faut sensibiliser les citoyens et mettre en place tout un dispositif pour appeler la personne, la rappeler, l'informer qu'elle doit encore faire la seconde dose et l'inciter à le faire", avance Dr Benazzouz.

La campagne de vaccination contre la Covid-19 va bon train

Autant de différences avec la campagne de 2013 qui représentent de véritables défis. Comment se présentent alors les préparatifs de cette campagne ? "Nous ne sommes pas seuls dans cette campagne. C'est une campagne nationale qui se prépare avec l'implication de grande valeur du ministère de l'Intérieur qui appuie dans le sens de la réussite de cette campagne. De manière globale, les préparatifs vont bon train", répond notre interlocuteur. 

"Nous sommes en train de préparer tous les éléments du plan c'est-à-dire la logistique, la communication, la formation, le système d'information, le système de relance, le volet stockage et conservation du vaccin, l'identification des équipes, l'identification des stations et des points de vaccination".

"Ce qui se prépare actuellement est un travail qui fait partie de la planification de la mise en œuvre de la stratégie contre la Covid-19. Jusqu'à date d'aujourd'hui, des équipes de l'administration centrale du ministère de la Santé sont dans les régions et les territoires et apportent leur soutien et leur accompagnement aux directeurs régionaux et aux délégués du ministère de la Santé pour valider avec eux les dispositifs mis en place. Nous sommes même allés jusqu'à faire des simulations dans certains centres de santé", nous confie notre interlocuteur. 

Le Maroc s'arme donc de ses expériences passées, "de son capital humain qualifié, qui a montré à chaque fois qu'il le fallait le sens des responsabilités et de l'engagement et sa maîtrise des opérations de vaccination, de la logistique et des chaînes de froid", pour relever le défi. 

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