Un économiste anglais explique comment la baisse démographique a boosté l'économie marocaine

S.E.H. | Le 27/1/2020 à 15:53

Charles Robertson, l'économiste en chef de Renaissance Capital, avance que la baisse du taux de fécondité au Maroc a entraîné un boom dans l'épargne, ce qui a favorisé le développement du secteur bancaire et des taux de crédits bas, et par conséquent un taux d’investissement plus élevé.

"Nous pensons que l’Afrique du Nord mènera la seconde vague d’industrialisation de l’Afrique. C’est pour cela que nous organisons une conférence dédiée à l’investissement dans la région et que nous l'organisons précisément au Maroc, qui chapeaute cette vague d’industrialisation dans la région", a indiqué Charles Robertson, l'économiste en chef de Renaissance Capital, une banque d'affaires russe qui organisait ladite rencontre à Marrakech le 22 janvier dernier.

Dans son éloge de l'économie marocaine, Charles Roberston mentionne divers atouts, dont notamment l'industrialisation du pays et l'amélioration de son taux d'alphabétisation. Mais l'économiste estime que l'une des principales raisons pour la percée du Maroc est la baisse du taux de fécondité en dessous de trois enfants par femme comparativement à 20 ans auparavant, entraînant ainsi un "boom" dans l’épargne: "Lorsque vous avez moins d’enfants, vous épargnez plus", indique-t-il.

M. Robertson avance que l’épargne au Maroc a augmenté de façon spectaculaire et que les dépôts bancaires sont passés de 20% du PIB en 1980 (le niveau où se trouvent actuellement de nombreux pays d’Afrique subsaharienne) à 31% du PIB en 1990, avant de grimper à 95% du PIB en 2010: "Un secteur bancaire développé aboutit à des taux d’intérêt bas, et c'est ce qui a favorisé un boom dans les prêts et donc un taux d’investissement plus élevé" explique-t-il.

Il ajoute: "Le Maroc est la Chine de l’Afrique. Avec un financement tellement bon marché, son secteur bancaire et ses entreprises peuvent se permettre une expansion à travers le continent".

Dans ce contexte, notre interlocuteur s'étonne que le Maroc fasse appel à davantage de financements étrangers. "Comme des banquiers qui vous offrent un parapluie alors que le temps est ensoleillé, il est un peu ironique que l’un des pays africains qui a le moins besoin de financements étrangers en obtienne autant et à des taux aussi bas. Au cours des trois derniers mois, l’Allemagne a accordé au Maroc 571 millions d’euros de financement pour améliorer l’environnement des affaires. La Banque Africaine de Développement (BAD) a prêté 100 millions d’euros supplémentaires à un fonds d’équipement municipal, pourtant le total de ses prêts à 3 milliards de dollars et faisant du royaume le principal bénéficiaire des financements de la BAD en Afrique", souligne-t-il.

"Peut mieux faire"

En dépit de l’enthousiasme de Charles Robertson pour le Maroc, ses travaux en lien avec la bonne démographie du royaume démontrent que celui-ci devrait croître aux alentours de 4,5% ; alors que les taux de croissance enregistrés par le pays sont en moyenne de 3,5%.

L’économiste attribue cette sous-performance en partie à la faiblesse des marchés à l’export du Maroc. Charles Robertson fait remarquer qu’en 2018 par exemple, 62% des exportations marocaines sont allées vers l’Union Européenne, et 26% du total des exportations marocaines sont parties vers l’Espagne, "un pays qui a connu plus de 25% de chômage il y a quelques années seulement", selon lui.

Par ailleurs, et en dépit de son industrialisation, le Maroc reste pour l'économiste une économie beaucoup plus fermée que celles par exemple d’Europe Centrale comme la Pologne, la Hongrie ou la Tchéquie. Le ratio Exportations/PIB du Maroc n’est qu’à la moitié de celui de la Pologne et à un moins d’un tiers de la Hongrie.

"Nous pensons qu’une productivité plus élevée en Europe Centrale est fonction de l’ouverture de cette dernière. A mesure que davantage d’investissements directs étrangers affluent vers l’Afrique du Nord, nous prévoyons une augmentation de ce ratio et une accélération de la croissance du PIB", ajoute-il. Il estime que la stabilité politique du Maroc, ainsi que la stabilité de sa monnaie, pousseront à attirer davantage d'IDE, en dépit d'un dirham élevé qui favorise la hausse des salaires.

Charles Robertson avance d’autres explications macroéconomiques pour la sous-performance de la croissance marocaine, dont le pourcentage de la main d’œuvre employée dans l’économie, qui reste pour lui très faible: "En 2016, le taux d’emploi était de 41% alors que la moyenne de l’UE est de 71%. Alors que le Maroc compte 1,9 adultes pour chaque enfants, ce qui est un bon ratio que les Nations Unies prévoient de rester stable jusqu’en 2040, il est clair qu’une part élevée de ces 1,9 adultes ne contribue pas au PIB. Ceci est principalement dû à au faible taux d’emploi des femmes", explique-t-il.

Des progrès sur ces volets là pourraient porter la croissance à 4-5% au cours des cinq prochaines années, et de 5 à 6% à la fin des années 2020 et 2030, selon Charles Robertson.

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