Le textile haut de gamme au Maroc, un secteur qui peine à se développer malgré la richesse du savoir-faire artisanal marocain

Sa réputation le précède. Dans l'industrie du textile, l'image de marque du Maroc est souvent associée à la production de la fast fashion, bien que le Royaume dispose d'entreprises opérant dans différents segments haut de gamme. Cette problématique a fait l'objet d'un panel à l'occasion du 1er Forum de l'innovation dans les industries de la mode, le "Fashion Frontier Morocco". Les détails.

Le textile haut de gamme au Maroc, un secteur qui peine à se développer malgré la richesse du savoir-faire artisanal marocain

Le 3 juillet 2024 à 18h28

Modifié 3 juillet 2024 à 19h12

Sa réputation le précède. Dans l'industrie du textile, l'image de marque du Maroc est souvent associée à la production de la fast fashion, bien que le Royaume dispose d'entreprises opérant dans différents segments haut de gamme. Cette problématique a fait l'objet d'un panel à l'occasion du 1er Forum de l'innovation dans les industries de la mode, le "Fashion Frontier Morocco". Les détails.

Casablanca a abrité ce mercredi 3 juillet le 1er Forum de l'innovation dans les industries de la mode, le "Fashion Frontier Morocco". Placé sous le thème "Repositionner les industries de la mode sur les métiers de l’avenir", cet événement, premier du genre au Maroc, a réuni des acteurs clés de l’industrie, des experts et des décideurs politiques pour explorer les nouvelles opportunités et les défis auxquels font face les industries de la mode dans le Royaume.

Parmi les questions débattues figure la production du textile haut de gamme au Maroc. Intervenant lors d'un panel dédié à ce sujet, Sara Siham Chraïbi, créatrice de mode, n'a pas manqué de souligner que le Maroc regorge de savoir-faire artisanaux particulièrement riches. La créatrice estime néanmoins qu'il y a un long chemin à parcourir pour se hisser au rang des industriels de luxe prestigieux et faire briller les produits haut de gamme à l'international.

Le Maroc doit passer d'une simple main de luxe à un producteur d'idées et de contenu

"Le Maroc a un chemin à faire surtout qu'il dispose de très beaux savoir-faire. Le Maroc a en effet quelque chose à apporter au secteur du luxe. C'est le pays de tous les possibles. Il y a une certaine facilité à mettre en œuvre votre idée tout de suite quand vous êtes au Maroc sans forcément avoir besoin de faire 100.000 devises, 100.000 tests ou 100.000 essais", explique la première marocaine à défiler comme membre invité de la Fédération de haute couture à la Fashion Week haute couture de Paris.

Sara Siham Chraïbi d'ajouter : "Pour développer sa production de haut de gamme, le Maroc doit d'abord encourager les savoir-faire manuels, domaine dans lequel nous sommes très forts. Il est donc question d'encourager tous ces secteurs qui sont aujourd'hui sans pour autant les scléroser et sans en faire des secteurs qui sont tellement codifiés, de les encourager à briller le plus simplement possible".

"Il y a aussi une autre chose qui nous permettrait d'aller de l'avant dans le secteur du luxe. Il s'agit en effet d'avoir notre propre scène culturelle. Il faut passer de petites mains de luxe à des vrais producteur. Pour le devenir, il faut être producteur de contenu et d'idées, voire même prescripteur culturel", suggère la créatrice.

Dans l'industrie du textile, l'image de marque du Maroc est souvent associée à la production de la Fast Fashion. Pour s'en défaire, Meryem Rachdi, directrice générale Moroccan Denim Fashion Cluster (MDFC), recommande de son côté d'augmenter la visibilité des entreprises qui opèrent déjà dans les différents segments haut de gamme, afin d'améliorer l'investissement dans le haut de gamme au Maroc.

Seules une vingtaine d'entreprises marocaines opèrent dans la mode haut de gamme 

"Nous disposons au Maroc de trois principales industries de haut de gamme, à savoir la maroquinerie, la chaussure et l'habillement. Malheureusement ces métiers sont proportionnellement inférieurs comparativement au nombre de producteurs de la fast fashion. En somme, le nombre d'entreprises marocaines opérant dans le haut de gamme ne dépasse la vingtaine. Pour qu'un investisseur s'intéresse à venir s'installer ici pour produire du haut de gamme et du premium, il va falloir qu'on communique sur le fait que dans notre territoire industriel, ces entreprises existe tout de même", souligne Meryem Rachdi.

"Deuxièmement, la formation. Il est très important qu'on reprenne un sens de formation qui est porté sur la qualité et sur la vraie technicité de l'habillement. Nous avons un grand manque de cadres sur des métiers qui sont néanmoins essentiels pour faire revivre ces filières. Les derniers modélistes sur ces segments partent à la retraite dans les 2 à 3 prochaines années. Le centre de formation du cuir de Fès par exemple ne forme plus malheureusement de techniciens. Il est donc impératif  de promouvoir le fait que nous sommes un pays qui contient dans sa masse démographique beaucoup de techniques artisanales qui peuvent être transposées dans l'industrie du luxe, mais aussi que sur le côté industriel, nous avons des entreprises qui produisent des produits de haut de gamme, en dépit de leur invisibilité", précise-t-elle.

La créativité, un aspect à améliorer

Les maisons de luxe les plus prestigieuses portent de l'intérêt pour le Maroc et ses produits, affirme pour sa part Angeline Danglser, experte dans le design et le luxe. Mais pour que pour que le produit made in Morocco soit porté par des grandes maisons de haut de gamme ou encore considéré comme un produit haut de gamme, il faut que le Maroc fasse preuve de plus de créativité dans sa mode haut de gamme, nuance l'experte.

"Comment faire pour que le produit made in Morocco soit porté par les grandes maisons ou encore considéré comme un produit haut de gamme ? Je pense que c'est en train de se mettre en place. De par ma propre expérience en tant que consultante pour le compte des maisons de luxe et haute couture, celles-ci veulent sourcer, produire et développer au Maroc", explique Angeline Danglser.

Elle enchaîne : "Mais avant tout, ces maisons cherchent un environnement sûr. Elles sont tout à fait persuadées de la main et du savoir-faire existant ici. Néanmoins, elles peuvent de temps en temps être, comment dire, réticentes sur une certaine image, notamment l'image de la fast fashion associée au Maroc. C'est quelque chose qui colle à la peau du Maroc, et je pense que le pays pourra en sortir en montrant des innovations et en faisant preuve aussi de créativité".

"Avant de vouloir attaquer ce marché pleinement, il va falloir que le Maroc montre de sa propre manière, avant de vouloir travailler pour les autres, qu'il peut créer des choses à partir de ses savoir-faire ancestraux qu'il a par exemple transformés, innovés, le montrer sur la scène internationale", recommande cette dernière.

Matières premières et réticence à l'achat : des difficultés soulevées par des producteurs locaux

Egalement intervenante dans le panel, Fadwa Mouassif, cofondatrice de la marque Idir, spécialisée en maroquinerie utilisant la technique Boucharouit, a soulevé pour sa part les défis qui entravent le développement d'un produit haut de gamme de la maroquinerie au Maroc.

"En gros, une des difficultés rencontrées, c'est le savoir-faire, notamment la difficulté de trouver des gens qui savent et des gens qui ont envie d'améliorer le savoir-faire. Parce qu'en général, on ne trouve que des artisans  qui ont envie de gagner de l'argent. Pour faire un produit premier ou un produit haut de gamme, il ne suffit pas de venir produire. Il ne suffit pas de venir juste suivre un process. Il faut vraiment donner du cœur au produit. Malheureusement, c'est difficile à trouver au Maroc", déplore-t-elle.

"Ensuite, il y a la partie matières premières. On a des entreprises qui font de très bons accessoires de garniture, etc. Mais il nous manque deux choses. D'abord, la facilité. Je ne peux pas acheter 8.000 accessoires quand je sais que je ne produirai que 5.000 produits de maroquinerie. Faire des achats énormes à des prix qui nous conviennent, en tant que petite marque, c'est difficile", souligne encore Fadwa Mouassif.

"Et à côté, il y a l'esthétique. Je prends l'exemple des doublures. Elles sont bonnes en qualité, mais pas esthétiquement. On est contraint de travailler avec des doublures plutôt fades et simples, en l'absence de doublures avec motifs ou de doublures de différents poids ou masse", ajoute la cofondatrice de la marque Idir.

"Nous rencontrons également des problèmes dans la partie vente. Les gens ici refusent d'acheter des produits haut de gamme sous prétexte qu'ils sont vendus chers et qu'à ce prix, ils peuvent ajouter une somme supplémentaire pour se procurer une marque de luxe connue", fait-elle par ailleurs savoir.

"C'est pour cela que nous demandons aux consommateurs marocains, à l'artisan et aux porteurs de marques marocaines de travailler avec du cœur et d'acheter avec du cœur, quand on parle du made in Morocco.  J'ai une petite devise que je répète toujours : Allons vers l'exigence et arrêtons de négocier".

"Pour qu'un produit soit de meilleure qualité, on ne peut pas casser nos prix jusqu'au bout. On peut être exigeant et faire que notre savoir-faire s'améliore petit à petit sans pour autant casser les prix", conclut-elle.

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