Driss Yazami (CCME) : comment défendre les binationaux et MRE face à la montée de l’extrême droite en France

Une dizaine de jours avant le premier tour du scrutin législatif qui donne favori le Rassemblement national, le président du Conseil de la communauté marocaine à l'étranger se dit inquiet de la droitisation de la scène politique européenne. Cela n’empêche pas Driss Yazami de rappeler que les lois de la République française sont les garantes des droits des binationaux, des MRE et même des clandestins.

Driss Yazami (CCME) : comment défendre les binationaux et MRE face à la montée de l’extrême droite en France

Le 20 juin 2024 à 12h38

Modifié le 20 juin 2024 à 18h55

Une dizaine de jours avant le premier tour du scrutin législatif qui donne favori le Rassemblement national, le président du Conseil de la communauté marocaine à l'étranger se dit inquiet de la droitisation de la scène politique européenne. Cela n’empêche pas Driss Yazami de rappeler que les lois de la République française sont les garantes des droits des binationaux, des MRE et même des clandestins.

Confirmée par plusieurs sondages récents, la probabilité de victoire d’un parti d’extrême droite aux législatives inquiète de nombreux Marocains installés régulièrement dans l’Hexagone, ainsi que ceux qui se sont fait naturaliser ou qui ont acquis la nationalité française grâce au droit du sol.

"Une droitisation inquiétante de la scène politique"

Tout en exprimant des craintes sur cette hypothèse que certains n’hésitent pas à qualifier de scénario catastrophe, le président du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME) s’interroge surtout sur l’évolution générale actuelle de droitisation de la scène politique européenne.

"Ce bouleversement politique apparaît au niveau des élections européennes et nationales, comme cela a été le cas en Italie ou aux Pays-Bas", constate Driss Yazami en ajoutant que s’il n’est pas question pour le Maroc de s’immiscer dans leur vie politique interne, il y a une crainte que les nouveaux gouvernants mettent en place un arsenal législatif portant atteinte aux droits des populations étrangères.

De son point de vue, le critère essentiel d'un éventuel changement de majorité politique en France sera de voir si les législations promises par le Rassemblement national porteront atteinte au principe d'égalité de traitement des habitants de l'Hexagone.

Des promesses de campagne dont l'éventuelle concrétisation sera en parfaite contradiction avec tous les textes internationaux et la Convention européenne des droits de l'Homme, fondés sur l'égalité de traitement de tous les citoyens et aussi sur la lutte contre toute discrimination, quelle qu'en soit la raison.

"La situation actuelle découle de la politique de migration initiée par les pays européens"

Driss Yazami estime que la volonté affichée par le Rassemblement national de renvoyer dans leur pays d'origine les populations étrangères est paradoxale, voire hypocrite, quand on sait que ce sont les pays européens, dont la France, qui ont ouvert les vannes de l’immigration pour attirer les compétences dont ils manquaient, à travers des voies légales souvent agressives.

Et de rappeler que de tout temps, les pays européens ont développé des politiques d'attraction des ressources humaines étrangères, parfois très qualifiées qu'on appelle "cerveaux", mais également dans des secteurs qui n'exigent pas de compétences particulières, comme l'agriculture ou la restauration.

"Notre diplomatie et notre Constitution permettront de défendre les droits des MRE et des binationaux"

Tout en rappelant que le Maroc n’a pas à se mêler de l’évolution de la politique migratoire d’un pays comme la France, Driss Yazami estime cependant que les statuts du Conseil de la communauté marocaine à l'étranger, qu’il préside, ont justement vocation à défendre les droits des MRE et des binationaux.

Pour défendre les droits de ses citoyens confrontés à des discriminations, le président avance que les autorités marocaines ne sont pas dépourvues de moyens d'action dans le cadre des relations diplomatiques liant les deux pays.

Citant l'article 16 de la Constitution, notre interlocuteur rappelle que le Royaume du Maroc œuvre à la protection des droits et des intérêts légitimes des MRE et des Marocains devenus binationaux, dans le respect du droit international et des lois en vigueur dans les pays d'accueil.

En de préciser que la Constitution marocaine est l'une des rares au monde à souligner la double appartenance de ses binationaux qui doivent, par conséquent, bénéficier des droits à l’égalité de manière scrupuleuse.

"MRE, binationaux et personnes en situation irrégulière ont des droits"

Invité à fournir un exemple concret de réaction du Maroc en cas d'adoption de lois discriminatoires à l'égard de ses binationaux, Driss Yazami affirme que, du point de vue du droit international en vigueur dans l'Union européenne, un gouvernement ne peut pas légiférer et porter atteinte à une partie de la population qui porte sa nationalité.

"Cette éventualité est absolument inenvisageable car la France est encore, jusqu’à nouvel ordre, un Etat de droit avec un certain nombre d'institutions comme la Cour constitutionnelle qui offre des recours pour ne pas porter atteinte aux droits inaliénables des binationaux", estime le président du CCME.

Concernant les Marocains titulaires d'une carte de séjour, Driss Yazami avance que si le regroupement familial peut devenir difficile, voire impossible, une atteinte à leurs droits quotidiens constituerait une discrimination qui ne manquerait pas d'être condamnée par les lois françaises ainsi que par les traités européens et internationaux

Sans oublier le cas des Marocains en situation irrégulière (clandestins) ou des mineurs non accompagnés, qui ont aussi des droits prévus par la Convention internationale de protection des travailleurs immigrés et de leurs familles.

"S'il est vrai que ce texte n’a pas été ratifié par les pays européens mais, le Maroc l'a signé et nous estimons par conséquent qu’il doit être respecté, car il fait partie du noyau dur du droit international des droits de l'Homme", juge le président, en insistant sur le fait que la Cour européenne des droits de l'Homme a stipulé à plusieurs reprises que les immigrés illégaux étaient aussi titulaires de droits fondamentaux et que leur expulsion ne pouvait se faire que dans le cadre de la loi en vigueur.

"Il ne devrait pas y avoir de vague massive de retours, sauf..."

Concernant un mouvement massif de départ de France des binationaux ou des Marocains en situation régulière au lendemain de l’arrivée du Rassemblement national au pouvoir, Driss Yazami estime que le retour dans leur patrie ou la circulation des Marocains dans des pays européens ou du Golfe n'est pas un phénomène nouveau.

Tout en reconnaissant que le débat sur l'éventualité d’un retour se pose avec plus d’acuité face à un discours xénophobe croissant, notre interlocuteur affirme que la tendance à la mobilité d’une partie de la migration marocaine entre les deux rives et même au-delà se développe depuis plusieurs années.

Se voulant optimiste, le président du CCME estime qu’il devrait y avoir quelques centaines, ou alors quelques milliers de départs, mais que ce chiffre restera anecdotique par rapport au 1,3 million de Marocains vivant en France.

Et d’exclure, en conclusion, un mouvement migratoire d’ampleur, de retour vers le pays d’origine, en raison du discours d’un gouvernement d’extrême droite, sauf si un tel gouvernement devait s’installer durablement…

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