Maroc-France : “L'arrivée du RN à Matignon pourrait déboucher sur une reconnaissance de la marocanité du Sahara” (E. Dupuy)

Après le raz-de-marée du Rassemblement national aux élections européennes et la dissolution de l’Assemblée nationale, le président de l'Institut prospective et sécurité en Europe (IPSE) avance que ce parti n’aura aucun mal à remporter les législatives de juillet et à trouver une majorité pour gouverner. Qu'est-ce que cela change pour le Maroc ? Réponses et analyse d'Emmanuel Dupuy.

Maroc-France : “L'arrivée du RN à Matignon pourrait déboucher sur une reconnaissance de la marocanité du Sahara” (E. Dupuy)

Le 11 juin 2024 à 18h36

Modifié le 12 juin 2024 à 15h36

Après le raz-de-marée du Rassemblement national aux élections européennes et la dissolution de l’Assemblée nationale, le président de l'Institut prospective et sécurité en Europe (IPSE) avance que ce parti n’aura aucun mal à remporter les législatives de juillet et à trouver une majorité pour gouverner. Qu'est-ce que cela change pour le Maroc ? Réponses et analyse d'Emmanuel Dupuy.

Ce qui devait arriver a fini par se produire, à savoir une déroute du parti présidentiel, ce qui a fait du Rassemblement national (RN) la première force politique de France, nous rappelle le président de l'Institut prospective et sécurité en Europe (IPSE).

Pour lui, l’arrivée très probable de son leader Jordan Bardella à Matignon va contraindre le président Emmanuel Macron à reporter sa visite au Maroc et, vraisemblablement, remettre en cause celle du président algérien à Paris qui était programmée pour la rentrée.

"La visite au Maroc du président Emmanuel Macron n’aura pas lieu dans l’immédiat"

Le politologue affirme que la venue au Maroc du président français, après la déroute de son parti aux élections européennes, n'est plus d'actualité.

En effet, les priorités de la politique étrangère ne seront plus les mêmes après la dissolution du Parlement, et la campagne des législatives qui devrait occuper tout son agenda au moins jusqu’à l’ouverture des Jeux olympiques le 28 juillet.

"À l’issue des consultations législatives des 30 juin et 7 juillet prochains, la principale priorité du président Emmanuel Macron sera de se préparer à gérer une cohabitation", estime le président de l’IPSE.

Et d'ajouter que la visite du Premier ministre Gabriel Attal, prévue en juillet, n’aura pas lieu puisque ce dernier ne sera vraisemblablement plus chef du gouvernement.

 "Le RN n’aura aucun mal à constituer une majorité gouvernementale"

À la question de savoir s’il ne faisait pas preuve d’un pessimisme exagéré en pronostiquant la victoire du RN qui devra trouver suffisamment d’élus pour constituer une majorité capable de gouverner, Emmanuel Dupuy affirme que tout porte à croire que le parti Renaissance du président Emmanuel Macron va perdre au moins 150 sièges sur un total de 245 députés actuellement.

Selon lui, plus personne ne croit à la possibilité d’un front républicain, car il apparaît plus clairement que la dissolution présidentielle n’était qu’une manœuvre du président pour minorer la défaite de son parti à l’occasion des élections européennes.

La situation politique actuelle, qui aboutira à une cohabitation avec le RN, résulte, selon lui, d’une nécessaire clarification par les urnes, sans quoi les Français n’auraient pas compris que leur président ne tienne pas compte du résultat des européennes avec 18 points de moins que la liste du RN.

"Il n’y a aucune raison que ce parti d’opposition, devenu la première force politique de France, ne trouve pas un nombre suffisant de députés pour constituer une coalition capable de gouverner", prédit le politologue.

Pour ce dernier, tout est désormais envisageable après l’annonce d’Eric Ciotti, président du parti Les Républicains, de participer à un gouvernement mené par le RN, et l'éventualité fort probable que d’autres élus non inscrits de sensibilité souverainiste se rallient à une alliance naguère fustigée.

Et d’expliquer qu’un énième cordon sanitaire contre l’extrême droite ne pourra pas être constitué en juillet, car les Français lui ont donné un quitus lors des élections européennes.

Ce qui ne manquera pas de se reproduire lors du scrutin législatif prévu dans seulement trois semaines.

Paradoxalement, un gouvernement de cohabitation mené par un parti d'extrême droite sera nettement plus pro-marocain 

Sur les changements pour le Maroc induits par une majorité conduite par le RN, Emmanuel Dupuy affirme que le Royaume ne sera plus prioritaire dans l'agenda diplomatique du président Macron.

"A contrario, la politique maghrébine du RN sera nettement plus pro-marocaine que l'actuel gouvernement de Macron, à l’instar du député européen RN, Thierry Mariani, considéré comme possible ministre des Affaires étrangères, qui a toujours prôné un déblocage immédiat de la question de la reconnaissance de la marocanité du Sahara", avance Emmanuel Dupuy.

S’il est vrai que cette question relève des attributions constitutionnelles du président de la République, rien n’empêchera le gouvernement de cohabitation de lui faire un pied de nez comme ce fut le cas lors du génocide au Rwanda, en 1994, entre le Premier ministre Edouard Balladur et le président François Mitterrand.

Un scénario plausible avec une cohabitation plus dure et des idées radicalement différentes qui auront pour effet d’affaiblir davantage le président Macron.

Ce dernier se retrouvera nu comme le roi Ubu avec, en face de lui, un gouvernement d’opposition structuré qui ne lui fera pas de cadeau.

"La nouvelle majorité profitera au Maroc, au moins sur la question du Sahara marocain"

Tout en affirmant que la politique de la France à l’égard des trois pays du Maghreb est appelée à connaître des mutations majeures, Emmanuel Dupuy estime que le Maroc sera le grand gagnant de la future majorité qui devrait soutenir publiquement la reconnaissance de la marocanité du Sahara.

Contrairement au Maroc qui a toujours été plus pragmatique à l’égard de la France, l’Algérie et la Tunisie, qui ont souvent cultivé des positions anti-françaises, seront, selon lui, les grands perdants de l’arrivée d’un gouvernement mené par le RN, dont une bonne partie des électeurs sont d’anciens Français d’Algérie ou ont participé activement à la guerre pour garder ce pays sous le giron de la France.

"Si vous vous attendez à ce qu'un gouvernement français reconnaisse la marocanité du Sahara, ce sera immédiat si Marine Le Pen arrive au pouvoir", avance le président de l’Institut prospective et sécurité en Europe.

Et de conclure que les dirigeants marocains ont toutes les raisons de se réjouir même s’ils doivent craindre, à juste titre, la stigmatisation structurelle des musulmans que ne manquera pas de mettre en exergue un gouvernement issu d’un parti fondamentalement xénophobe.

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