Ressources minières : l’Afrique en voie de devenir un acteur majeur de la transition énergétique (2/2)

Doté d’une richesse minière abondante et diversifiée, le continent africain devrait bien profiter de la demande grandissante en métaux stratégiques. Dans cette deuxième partie, nous revenons sur les enjeux économiques et politiques de l’exploitation minière africaine.

La mine de cuivre et de cobalt à ciel ouvert de Mutanda, située en République démocratique du Congo

Ressources minières : l’Afrique en voie de devenir un acteur majeur de la transition énergétique (2/2)

Le 14 mai 2024 à 10h39

Modifié le 14 mai 2024 à 12h12

Doté d’une richesse minière abondante et diversifiée, le continent africain devrait bien profiter de la demande grandissante en métaux stratégiques. Dans cette deuxième partie, nous revenons sur les enjeux économiques et politiques de l’exploitation minière africaine.

La course vers les métaux africains s'intensifie, car ils représentent pour l'Europe et les États-Unis la meilleure alternative au monopole minier de la Chine. L'abondance des ressources minières, le faible coût d'exploitation, le taux d'exploration relativement bas du continent, la proximité de l'Europe et l'urgence de la transition énergétique sont autant de paramètres qui attirent de plus en plus d'investissements miniers extérieurs.

Dans une première partie, nous avons mis en lumière la richesse et la diversité des minerais stratégiques présents dans le sous-sol africain. Ces ressources, cruciales pour la transition énergétique, font du continent un acteur clé dans la chaîne d'approvisionnement. Cependant, cette richesse ne se traduit pas dans la réalité sociale et économique de nombreux pays africains, qui continuent de lutter contre la pauvreté, l'insécurité, le chômage et les pandémies. Cette course effrénée vers les métaux stratégiques place le continent face à un dilemme : il doit saisir cette opportunité pour relancer son développement tout en préservant la durabilité de ses ressources.

En l'absence d'une vision commune, cohérente et stratégique, la situation actuelle risque, si elle n'est pas bien gérée, d'aggraver les problèmes sociaux et environnementaux plutôt que de faire profiter les populations de ces richesses, en particulier dans les pays qui dépendent principalement de ces ressources.

Les retardateurs du secteur minier africain

Plusieurs pays africains accusent un retard considérable en matière de développement économique. La population ne profite guère de ces ressources naturelles, et ce pour plusieurs raisons, dont certaines relèvent d'un héritage historique dont le continent peine à se libérer.

En premier, l'exportation de matières premières brutes reste la pratique dominante, en raison du manque d'infrastructures de valorisation et de transformation. Cette situation prive les pays africains de la valeur ajoutée générée par la transformation et leur donne un désavantage économique par rapport aux pays qui importent ces matières premières et les transforment en produits finis.

L'industrie extractive africaine se caractérise par une dualité entre l'exploitation artisanale et industrielle. Cette dichotomie alimente le trafic illégal de minerais, prive les États de ressources fiscales importantes et expose les mineurs à des conditions de travail précaires et inhumaines.

Exploitation artisanale d'une mine d'Or (Crédit: Reuters)

S'ajoutent à cela les contrats d'exploitation, mal négociés ou issus de l'héritage colonial, souvent désavantageux pour les États, qui ne permettent pas un contrôle adéquat sur les ressources naturelles et qui ne reflètent pas la juste valeur des minerais exploités, ce qui prive les États de recettes fiscales importantes. L'absence de compétences de négociation de nombreux pays face à ces entreprises minières fait de ces contrats miniers un obstacle majeur au développement économique plutôt qu'une opportunité, et transfère le contrôle de ces minerais des États vers les compagnies minières. En ce moment, plusieurs pays africains, dont la République démocratique du Congo, première réserve mondiale de cobalt, ont annoncé ou sont en cours de renégociation de contrats d'exploitation de leurs principales mines.

Un continent au cœur des enjeux géopolitiques

Durant les dernières années, les tensions politiques n'ont cessé d'augmenter dans plusieurs pays africains, ce qui a conduit à de grandes ruptures d'approvisionnement en métaux stratégiques et a entraîné la montée rapide de leurs prix. Ces tensions politiques ont principalement conduit à la diminution de la sécurité et ont favorisé l'entrée de groupes de mercenaires étrangers sous l'appellation de forces de sécurité privées qui avait pour objectif initial la sécurisation des mines importantes, en particulier l'or.

Outre les problèmes politiques, la menace terroriste s'intensifie avec la présence grandissante de Da'ech en Afrique. Récemment, une crise humanitaire de grande ampleur est en train de se développer suite à de nouvelles vagues d'attaques terroristes dans la province de Cabo Delgado, provoquant la fuite d’environ 80.000 personnes.

Crise de Cabo Delgado: plus de 500 familles ont été contraintes de quitter leur foyer dans la communauté de Mumane, située à proximité de Montepuez, une région connue pour son exploitation du rubis (source: Médecins Sans Frontières).

Située au nord du Mozambique, la région de Cabo Delgado abrite d'importantes ressources minières, dont l'exploitation de graphite et des pierres précieuses, ainsi que des champs gaziers offshore. L'insécurité croissante dans la région représente une menace sérieuse pour l'activité de plusieurs sites miniers importants pour le pays. Cette situation pourrait entraîner un manque à gagner important pour les compagnies minières et l'État. Outre la baisse des recettes fiscales provenant de l'activité minière, l'État est dans l’obligation de consacrer des ressources supplémentaires au renforcement de ses capacités militaires, au lieu d'investissements au service des défis sociaux et économique du pays.

Les projets phares de valorisation minière

La route de métaux : le corridor de Lobito

Le Corridor de Lobito est un projet d'infrastructures visant à relier les mines de la région minière frontalière entre la République Démocratique du Congo et la Zambie, au port de Lobito en Angola, sur la côte atlantique. A travers ce projet, un chemin de fer existant d’une longueur de 1.300 km devrait se connecter aux différentes infrastructures minières du Copperbelt. À l'achèvement du projet, le délai de transport des métaux du Copperbelt sera réduit à 20 jours, contre 40 à 35 jours par la route. Ce nouveau corridor offre un itinéraire alternatif, rapide et plus efficace pour l'exportation des minerais vers les marchés internationaux.

Chemin du corridor ferroviaire pour l'acheminement des minerai provenant de la zone à vocation minières (en couleur orange) vers le port de Lobito.

Avec un soutien technique et financier des États-Unis et de l'Union Européenne, ce projet d'infrastructure permettra de renforcer la chaîne de valeur d'approvisionnement en métaux critiques et stratégiques dont disposent la République démocratique du Congo et la Zambie. Exploité par Lobito Atlantic Railway, les concentrés de cuivre extraits des mines congolaises et zambiennes seront acheminés par le corridor de Lobito vers la Zambie pour leur valorisation avant d'être transportés vers le port de Lobito en Angola pour l'exportation.

L’initiative atlantique Maroc-Pays du Sahel

Lancée par le Roi Mohammed VI à l’occasion du discours de la 48e marche verte, l'Initiative Atlantique a pour objectif de faciliter l'accès des pays du Sahel (Mali, Niger, Burkina Faso et Tchad) aux marchés internationaux via la façade atlantique marocaine. Ce projet stratégique vise à mieux commercialiser et valoriser leurs produits, en particulier leurs ressources minières. A travers cette initiative, les pays du Sahel pourront ainsi renforcer leur contrôle sur leurs richesses et bâtir un avenir prospère pour leurs populations.

Le projet du port de Dakhla Atlantique, en cours de construction, constituera le maillon principal de cette initiative. Ce nouveau projet est ambitionné pour être d'envergure internationale, à l'instar du succès réalisé dans le port de Tanger Med et qui permettra aussi de renforcer son lien avec ses partenaires africains.

Actuellement, l'initiative fait l'objet de concertations entre le Maroc et les pays du Sahel concernés. Ces derniers ont exprimé leur accord de principe et manifesté un vif intérêt pour ce projet qui vise à bâtir des partenariats stratégiques.

Le projet de construction d’usine de fertilisants en Nigéria

Conscient de l'importance de la dimension africaine, le Maroc développe de bons exemples de partenariats avec plusieurs pays africains. Dans le domaine minier, cette politique se concrétise par l'importance accordée à l'Afrique par OCP.

Initié par la création d'OCP Africa, le géant de la production de phosphates et dérivés s'est engagé dans la durabilité du continent à travers des projets fondés sur la reconnaissance des besoins des pays africains partenaires, en tenant compte des caractéristiques des sols de chaque pays. Parmi les projets phares du groupe qui permettront une meilleure coopération entre les pays africains figure la construction d'une usine d'engrais azotés à l’Est du Nigéria. Cette usine permettra de produire 1 million de tonnes d'engrais azotés. Grâce à cette synergie entre les ressources phosphatées marocaines et les ressources gazières nigériennes, le Nigéria pourra ainsi produire ses propres engrais phosphatés.

Vers un secteur minier africain prospère et responsable ?

"Face à la communauté des destins qui caractérisent ses peuples et aux enjeux du futur, l'Afrique doit choisir soit de s'intégrer pour progresser et prospérer ensemble dans une perspective de co-développement, soit de demeurer un simple agrégat pour stagner et dépérir immanquablement"

Félix Tshisekedi, Président de la République démocratique du Congo.

A travers sa vision minière, l'Union africaine ambitionne d’encadrer les pays africains pour une meilleure gestion des ressources naturelles permettant la prospérité économique des pays membres. Pour y arriver, six orientations stratégiques ont été définies, dont le renforcement de la durabilité, la gouvernance et l’établissement de plateforme d’infrastructure africaine compétitive permettant de mieux se positionner dans le marché des capitaux au niveau international.

En quête de sa ratification par au moins 15 pays membres, le Centre africain de développement, en tant qu'agence spécialisée de l'Union africaine, permettra de mieux concrétiser cette vision et les objectifs de développement de l'Agenda 2063. Il apportera également une assistance technique aux pays africains afin de promouvoir la durabilité de leurs ressources.

À présent, plusieurs pays africains ont compris l'importance des enjeux de durabilité et travaillent à mieux utiliser leurs ressources pour le développement économique du pays. La numérisation du secteur permettra d'accroître la transparence, de garantir les droits de l'État et d'instaurer la confiance des investisseurs étrangers, notamment par la mise en place d'un cadastre minier.

Il s’agit d’une plateforme géospatiale qui permet de remettre en ordre le secteur de présenter d’une part, en toute transparence, les informations sur les zones minières en activité, fermé ou ouvert pour l’exploitation et d’autre part une plateforme dématérialisé pour les demandes des différents autorisations requis, contrôle des autorisations octroyées ainsi que les décisions du pouvoir exécutif émanant du secteur… Ce type de cadastre a déjà été adopté par plusieurs pays à vocation minière, dont la Guinée, la Tanzanie et l'Afrique du Sud. Au Maroc, le cadastre minier devrait être mis en œuvre dans le cadre de la prochaine réforme de la loi sur les mines.

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