Enquête sur les femmes serveuses dans les cafés populaires. Lecture de Mohamed Mahdi

"Cafés d’hommes, services de femmes - Les serveuses dans les quartiers populaires à Casablanca" est un ouvrage signé par le Pr Sana Benbelli qui traite d’un fait de société intéressant : des serveuses qui travaillent dans des cafés exclusivement fréquentés par des hommes et où la mixité n’était pas tolérée. Le socio-anthropologue Mohamed Mahdi nous livre sa lecture de l’ouvrage.

Enquête sur les femmes serveuses dans les cafés populaires. Lecture de Mohamed Mahdi

Le 21 février 2024 à 12h27

Modifié 21 février 2024 à 15h50

"Cafés d’hommes, services de femmes - Les serveuses dans les quartiers populaires à Casablanca" est un ouvrage signé par le Pr Sana Benbelli qui traite d’un fait de société intéressant : des serveuses qui travaillent dans des cafés exclusivement fréquentés par des hommes et où la mixité n’était pas tolérée. Le socio-anthropologue Mohamed Mahdi nous livre sa lecture de l’ouvrage.

Cafés d’hommes, services de femmes - Les serveuses dans les quartiers populaires à Casablanca. Cet ouvrage, publié aux Éditions du Croquant (2023), est le fruit d’une patiente enquête conduite par le Pr Sana Benbelli dans le cadre de sa thèse de doctorat soutenue en 2019. Nous ne pouvons que la saluer et la remercier pour les efforts supplémentaires consentis pour son édition sous forme d’ouvrage. Ce dernier est doublement préfacé, signe de l’intérêt que les pairs lui ont accordé. De la lecture de ce bel ouvrage, souvent émouvante, le lecteur sort très instruit sur le métier de serveuse de café dans les quartiers populaires à Casablanca.

Pourquoi les serveuses de café ?

L’auteure est partie d’un constat très simple, que tout le monde aurait pu − ou a pu − faire : l’apparition des serveuses dans les cafés des quartiers populaires de Casablanca. Ce constat s’est mué en un objet de recherche portant sur "l’activité féminine au sein des quartiers populaires, dans des cafés exclusivement fréquentés par des hommes et où la mixité n’était pas tolérée".

L’auteure s’interroge sur l’entrée des femmes dans cet espace masculin, sur la manière dont elles gèrent leur présence au quotidien, sur les causes qui les ont amenées à ce métier jusqu’ici masculin, et enfin sur les formes d’actions et d’interactions qu’elles développent pour s’affranchir des contraintes sociales, en créant leurs propres formes de sociabilité féminine au sein d’un lieu masculin.

Mohamed Mahdi 

L’hypothèse qui sous-tend cette interrogation est la suivante : l’entrée des femmes dans les cafés des hommes favorise l’émergence d’une forme élémentaire de socialisation se situant au-delà des espaces traditionnels de socialisation féminines, la famille notamment. Pour vérifier cette hypothèse, Sana Benbelli est partie à la rencontre des serveuses, armée de la méthode ethnographique, pour conduire de minutieuses enquêtes au moyen d’observations exploratoires et d’entretiens approfondis. Elle nous livre les résultats de son enquête dans quatre parties qui structurent l’ouvrage.

Un détour par l’histoire et la fonction sociale du café

La chercheuse emprunte un détour, très bien documenté, par l’histoire et les fonctions du café et du café − café boisson et café espace − qui nous renseignent sur ses origines, son insertion dans l’espace urbain et sa polyfonctionnalité. On y apprend ainsi que le café est apparu au Moyen-Orient au XVIe siècle. Sa diffusion a suivi l’expansion de l’empire ottoman au Moyen-Orient, en Europe et en Afrique. Mais son introduction dans ces pays, depuis le XVIIe siècle, a été combattue et a donné lieu à des polémiques soulevées autour des enjeux politiques, sociétaux, religieux et économiques que cette boisson a suscités. L’introduction du café au Maroc a également bien eu lieu, comme partout ailleurs, mais n’est pas parvenue à concurrencer le thé, boisson nationale.

Malgré la résistance initiale, le café s’imposera par ses nombreuses fonctions : politique − en accueillant des débats politiques et économiques (il est notamment l’ancêtre des cafés de commerce ou des négociants) −, culturelle et artistique, en tant qu’espace où se produisent poètes et chanteurs, et sociale, la plus importante de ces fonctions, faisant du café un lieu de convivialité masculine et de passe-temps.

L’apparition du café à Casablanca, terrain de recherche de Sana Benbelli, est liée à l’histoire de l’essor urbain, industriel et commercial de cette ville. L’occasion pour elle de revenir sur cette urbanisation pensée, entre autres, par Lyautey et Écochard, et qui verra l’émergence de nombreux quartiers populaires et la naissance du prolétariat. Casablanca, ville de tous les paradoxes avec ses nombreux problèmes sociaux, politiques et économiques qui ont émaillé son histoire et l’ont constituée en tant que ville emblématique, et ont façonné le mode de vie de sa population et leurs relations sociales. La ville où seront implantés de nombreux cafés, la ville dont sont issues les serveuses de café objet de cette recherche. Le café a donc rapidement trouvé sa place dans le phénomène urbain casablancais ; il est même devenu "le signe de la citadinité et de l’appartenance à l’espace métropolitain" (p. 46).

Dis-moi quel café tu fréquentes, je te dirai qui tu es

La fréquentation du café devient un acte social par lequel on se met en société, on se montre, on devient visible à l’autre, nous dit Sana Benbelli. En une phrase : "dis-moi quel café tu fréquentes, je te dirai qui tu es". Car il n’y a pas un café ; il y a des cafés : "Dès le début du 20e siècle, les Casablancais opéraient une certaine catégorisation basée sur leur fréquentation sociale." Et l’auteure de nous rappeler la différence de fréquentation sociale des deux établissements qui se faisaient face sur l’actuelle Place des Nations : le café de France (fréquenté par des négociants, des ouvriers et des dockers) et le roi de la bière (fréquenté par des femmes en robe en compagnie d’hommes en costume). Le café, selon sa catégorie, sa classe, assigne un statut et prescrit un type d’attitudes et de comportements.

La chercheuse s’empare du sujet de la femme au café pour contribuer au débat sur la place de la femme dans l’espace public. Si l’un des aspects de la définition de l’espace public est l’accessibilité, les femmes marocaines ont bien eu accès à cet espace par leur travail dans les usines dès les années 1950, de même que la mixité dans la rue. Les cinémas leur étaient acquis, mais les cafés, en tant qu’espaces publics intérieurs et espaces privés marchands demeuraient les "établissement publics les plus hostiles aux femmes en raison du poids de la norme sociale et culturelle", selon la définition empruntée à la sociologue franco-canadienne Perla Korosec-Serfaty, native de Marrakech.

Après ce passage par l’histoire du café et du café, Sana Benbelli s’attèle à l’étude de la présence des serveuses dans des cafés d’hommes pour les observer au moment réel de la réalisation de leur travail et pour cerner les conditions particulières de ce dernier en termes d’interaction, de relation, de division du travail et de hiérarchie, et enfin pour comprendre leurs motivations à intégrer ce métier.

Les cafés des quartiers populaires

L’auteure s’intéresse aux cafés de certains anciens quartiers populaires de Casablanca (Sebata, Hay Mohammadi, Aïn Chock) où opèrent des femmes. Elle nous raconte sa longue pérégrination, à étapes multiples, au cours de laquelle elle est allée à la découverte de ces cafés et où elle s’arrête pour décrire, de façon très minutieuse et détaillée, chacun de ces espaces où elle va conduire son enquête.

Pour ce faire, elle adopte la méthode ethnographique, basée sur l’"observation dense", et fournit des descriptions de ces cafés comme si le lecteur y était : la morphologie du lieu, la logique qui préside à la séparation entre espace public et espace privé, la manière dont est organisée la relation entre l’intérieur et l’extérieur, la structure et la composition de l’ensemble, l’arrangement des objets de toutes sortes, le décor, la disposition des tables, la position du comptoir, les portes, les pots de fleurs et plantes, les "voies" de circulation... Rien n’est négligé car tout sert à la compréhension des relations de services et des interactions entre acteurs qui s’y déroulent. Le lecteur entrevoit presque la chercheuse depuis son poste d’observation, d’où rien ne lui échappe. Pour l’auteure, tous ces éléments d’arrangement du café (portes, pots de plantes, vitres, etc.) créent des obstacles ou frontières physiques, somme toute fluides, d’accès des femmes à ces espaces, et que d’autres frontières symboliques et culturelles viennent aggraver.

La description physique se poursuit par une description des actions des acteurs (l’auteure utilise sciemment le masculin) qui nous introduit à une certaine "culture de café". En fait, poursuit Sana Benbelli, le café des quartiers populaires est un espace d’intimité et d’entre-soi, un espace quasi-privé où les clients habitués s’y comportent comme si c’était effectivement un espace privé. C’est un lieu qui réunit des hommes et favorise leur proximité, surtout lors de la diffusion de grands matchs de foot. La proximité favorise forcément le contact et l’intimité corporelle, intolérable pour les femmes.

La culture du café est faite, d’un côté, de réciprocité et de coopération, et de l’autre, de défis et de concurrence ; concepts empruntés au philosophe allemand Georg Simmel qui rendent bien compte du type d’interactions développées par les clients, qui structurent leurs relations et conduisent à leur socialisation. L’espace, l’interaction/socialisation et le temps sont constitutifs de l’observation tridimensionnelle des cafés des quartiers populaires à laquelle s’est livrée l’auteure. Le temps du café est partagé entre le temps de travail, que le patron/gérant organise de façon à maximiser ses profits, le temps des clients qui viennent au café pour y passer ou y perdre du temps. En réalité, précise l’auteure, les clients viennent au café pour passer le temps et non pour le perdre, car c’est un temps vécu ; ils le vivent, en profitent et en retirent un plaisir.

Et donc, que fait cette femme dans le café ?, s’interrogent les clients. La position d’une femme chercheuse dans un espace masculin intrigue. Cette présence féminine dans un espace homosexué pour mener des observations conduit Sana Benbelli à "un retour réflexif sur cette expérience selon le statut de genre" (p. 99) et son influence sur les résultats. Cette réflexivité sur la dimension sexuée de son rapport aux enquêtés, hommes et femmes, montre toute son habileté à contourner les difficultés qu’oppose la situation d’enquête pour une chercheuse non accompagnée dans un espace réservé aux hommes et qui l’expose à des comportements malveillants ou agressifs (drague, remarques sexistes, grossièreté verbale...), avant d’être finalement acceptée quand son statut académique est connu.

Les premiers résultats de cette laborieuse et passionnante enquête apparaissent à partir de la page 105.

Qu’est-ce qui motive l’entrée des femmes dans ce métier d’homme ?

La réponse se trouve dans l’évolution de la société marocaine et la déliquescence des liens traditionnels de la sphère primaire et familiale. Les liens traditionnels, structurés par trois types de relations avec les parents, avec la fratrie (frères et sœurs) et avec le partenaire, n’assurent plus leurs fonctions primaires suite aux changements de valeurs qui les fondaient. Les parents ne sont plus pourvoyeurs de tendresse, lamhana, et de prise en charge.

De même que les liens que la culture valorise entre frères et sœurs sont mis à mal par l’évolution des modes de vie et la montée de l’individualisme ; par ce "chacun pour soi" qui l’emporte sur la solidarité et la cohésion familiales.

Enfin, la relation au partenaire est de plus en plus fondée sur le calcul et l’intérêt personnel. Les femmes sortent de ce temps où l’union leur "procure des sentiments de stabilité et d’assurance" (p. 112) et comprennent que, désormais, seul l’argent gagné en travaillant peut le leur assurer.

Par le métier de serveuse, les femmes recherchent de nouvelles formes de socialisation hors des sphères traditionnelles, dans l’espace public/café. Elles sont en quête de tout ce que l’espace privé/familial ne leur offre plus (tendresse et prise en charge) depuis que les relations basées sur les valeurs de solidarité et de cohésion sociale sont supplantées par des relations fondées sur le calcul et l’intérêt personnel. Elles sortent, pour ainsi dire, de la sphère familiale, où les liens sont fruits d’héritage, et intègrent ce lieu de travail où de nouveaux liens seront co-construits sur la base de la négociation, de la coopération et de la réciprocité, notions qui fondent le concept de reliance que Sana Benbelli utilise, à bon escient, pour rendre compte de ces nouveaux liens.

L’auteure nous introduit à ces nouvelles formes de socialisation et nous fait découvrir la vie au sein du café où le personnel forme une "unité commensale", mangeant au même pot (l’gamila), ou organisant des tontines, ce moyen d’épargne solidaire pour faire face à l’imprévu... Autant d’éléments qui manifestent la coopération que les serveuses découvrent dans l’espace café. La réciprocité dans le café nous renvoie à toutes ces actions qui permettent de tisser des liens avec les clients au-delà de l’acte de service : "Il ne s’agit pas seulement de faire le service mais de bien le faire, de montrer aux clients qu’elles ont plaisir à le faire." (p. 123). En retour, les serveuses attendent reconnaissance, pourboire, soutien en cas de difficultés... Mais la réciprocité s’exprime par des actes aussi simples que l’écoute, l’échange de paroles : "Avoir quelqu’un à qui parler, quelqu’un qui t’écoute."

Le café, en plus de l’argent qu’il permet de gagner, constituera pour les serveuses un tremplin pour constituer un capital social fait de réseaux de relations afin de tirer avantage, le cas échéant, des services qu’ils peuvent leur rendre. Ce capital social et l’argent gagné par le travail permettront aux serveuses de négocier une place dans la sphère familiale. C’est ce que Sana Benbelli exprime par la notion de reliance, pour désigner ce retour dans la sphère familiale où la serveuse retrouve une bonne place.

De la sorte, le travail au café conduit les serveuses à se reconstruire et à s’autonomiser. Car la condition de serveuse fait souvent suite "à une épreuve familiale ou financière qui lui [à la serveuse, ndlr] a révélé les limites de la solidarité familiale" (p. 130) et la place face à un choix : servir ou se prostituer, servir ou rester à la maison, servir ou tendre la main. Les serveuses sont des femmes jeunes, divorcées, mères célibataires, certaines sont mariées ou vivent en concubinage.

Mais cette irruption des serveuses dans l’espace masculin du café de quartiers populaires n’a pas eu lieu sans résistance. Une clientèle conservatrice (des hadjs retraités) peut s’opposer à la présence d’une femme de service au café, une femme qui traîne au milieu des tables et qui souille et profane le lieu. La femme étant liée dans leur représentation à la séduction et au plaisir. Mais ce stéréotype de la "femme publique", dont l’unique fonction est de séduire et divertir, n’a pu venir à bout et "diminuer la valeur du travail qui est réellement accompli par les femmes au café" (p. 142). Un travail honnête exercé pour gagner de l’argent et subvenir à ses besoins, qui renforce "l’ordre individualiste chez les serveuses" (p. 142).

Par le travail et l’argent, les serveuses s’affranchissent de "la relation domestique avec l’argent" ; elles se libèrent de la dépendance vis-à-vis des parents, de la fratrie, du conjoint pour en avoir, de l’argent. Par cet argent, les serveuses s’autonomisent et se donnent du pouvoir, autrement dit cette capacité de pouvoir agir sur "les actions, les représentations et les discours des autres" (p. 146).

Au café, les serveuses travaillent dans l’informel, ce qui ne les gêne pas outre mesure ; elles trouvent même des avantages à cette situation, comme la liberté, la flexibilité, des suppléments de revenu, l’absence de prélèvement étatique. En fait, ce choix dérive d’une perte de confiance envers la solidarité de l’État (système de sécurité sociale, CNSS). Car ces femmes ne sont pas destinées à cette fonction à vie. C’est pour elles une activité de transit vers d’autres projets comme le mariage, la migration, l’investissement dans de petits projets générateurs de revenus.

Nous voilà donc en présence d’une nouvelle catégorie socio-professionnelle, les serveuses de café des quartiers populaires. Sana Benbelli consacre la dernière partie du livre à leur paraître, leur être, leur quotidien et leurs aspirations.

Bien que le métier de serveuse soit classé parmi les professions modestes, les serveuses accordent un soin particulier à leur aspect esthétique et vestimentaire afin de répondre à cette fonction de séduction qui, in fine, importe et rapporte au patron. Le soin touche à tout ce qui entre dans le cadre de l’apparence externe de la serveuse : son visage, son corps, ses habits et sa posture.

Le visage étant la "demeure du regard et de la parole, [il] retient l’attention au moment de l’interaction de face à face" (p. 158). Pour faire bonne figure, les serveuses apportent beaucoup de soins à leur visage pour aller au travail et par une fréquentation régulière des salons de coiffure. Le corps des serveuses est l’autre aspect de cette apparence externe, définie par des attributs liés à la rondeur des fesses, des hanches, de la poitrine ; attributs différemment appréciés selon les expériences particulières des clients. Mais la norme corporelle est par excellence la rondeur (p 164).

Pour parler de la posture des serveuses, la chercheuse convoque Marcel Mauss pour nous rappeler que les techniques du corps sont le résultat d’une construction sociale et culturelle et que la posture des serveuses elle-même est construite dans ce milieu masculin qui dispose de sa propre culture, la "culture de café", dont l’auteure parle à plusieurs reprises dans l’ouvrage. La posture, définie par la façon de marcher, de se tenir, de servir, est un apprentissage que les serveuses acquièrent dans le café des quartiers populaires.

Les serveuses accordent beaucoup d’importance à leur habit et à leur manière de s’habiller. Car l’aspect vestimentaire est un constituant du corps qui indique l’appartenance sociale, pour paraphraser le sociologue et anthropologue français David Le Breton, cité par Sana Benbelli.

L’"être serveuse" nous introduit à cette obligation dans laquelle se trouve la serveuse au moment du service de "concilier entre ce qu’elle est ou ce qu’elle n’est pas, avec ce qu’elle doit être afin de jouer son rôle et d’assumer ses fonctions sociales, chose qui s’avère souvent problématique" (p. 170).

Les serveuses ne forment pas un groupe monolithique

Les serveuses des cafés du quartier populaire ne constituent pas une catégorie homogène. L’auteure les classe en quatre types ou profils : l’épanouie, l’immasculinée, la coincée et la temporaire.

L’épanouie est la serveuse satisfaite de son travail, qui développe une perception valorisante de soi et de son métier. Pour ce type, mieux vaut travailler plutôt que de "sortir", lakhrij, notion qui renvoie à la débauche, voire à la prostitution ; le travail étant associé au sérieux, Lma’qol, et à l’honneur, echcharaf. C’est le travail qui a d’ailleurs changé ce type de serveuse, changement qu’elles expriment par des locutions comme "le travail remonte le moral", "le travail combat l’ennui", "le travail permet de prendre soin de soi".

L’immasculinée est la serveuse qui refuse de se conformer à la norme du paraître, vestimentaire et corporelle, qui fait de la femme un objet sexuel. Pour elle, le "café est un lieu de travail et non un podium de défilé". Les femmes appartenant à ce type de serveuses sont traitées comme si elles étaient des hommes et se disent elles-mêmes qu’elles sont à la fois femmes et hommes, rejetant la féminité et adoptant les valeurs et les rôles de la masculinité, notamment quand elles sont les pourvoyeuses de la famille ou du conjoint. Durant le travail au café, elles ne se laissent pas marcher sur les pieds et n’hésitent pas à répondre à la violence par la violence.

La coincée, quant à elle, est une serveuse prisonnière de sa situation et sans perspective d’avenir, incapable d’agir et d’avancer. Très souvent, les serveuses de ce type sont addictes au haschich et aux cigarettes qu’elles peuvent fumer sur des lieux de travail qui le tolèrent. Ces femmes vivent un double enfermement, dans l’espace du café et dans le temps, du fait qu’elles ne peuvent se projeter dans l’avenir.

Enfin, les temporaires sont des serveuses qui se projettent dans l’avenir. Le travail au café n’est pour elles qu’un tremplin, un pont ; notion empruntée à Georg Simmel. Le travail au café représente une étape indispensable pour la construction d’une "carrière de vie sociale".

En conclusion, Sana Benbelli reconnaît, avec beaucoup d’humilité, l’insuffisance de l’approche par genre pour comprendre la nature des rapports dans le café et la nécessité de la compléter par une recherche sur le travail des hommes dans des espaces de sociabilité masculine. Aveu à appréhender comme l’annonce d’une nouvelle perspective de recherche dans son chantier de la sociologie du quotidien.

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