Les kinésithérapeutes en colère contre l’inscription de leurs actes sur la nouvelle classification des actes médicaux

Dans un courrier adressé au ministre de la Santé et de la protection sociale ce 14 février, la présidente de la Fédération nationale des kinésithérapeutes physiothérapeutes du Maroc conteste l’arrêté ministériel fixant la classification commune des actes médicaux, publié récemment au bulletin officiel.

Les kinésithérapeutes en colère contre l’inscription de leurs actes sur la nouvelle classification des actes médicaux

Le 17 février 2024 à 10h25

Modifié 17 février 2024 à 10h25

Dans un courrier adressé au ministre de la Santé et de la protection sociale ce 14 février, la présidente de la Fédération nationale des kinésithérapeutes physiothérapeutes du Maroc conteste l’arrêté ministériel fixant la classification commune des actes médicaux, publié récemment au bulletin officiel.

"Par la présente, et à travers notre rôle de représentation de la communauté des kinésithérapeutes au Maroc, nous tenons à vous signaler l’erreur figurant au niveau de l’arrêté 2808-23 fixant la classification commune des actes médicaux, et ce y rajoutant des actes de kinésithérapie comme étant des actes médicaux", lit-on sur ce courrier (fac-similé ci-dessous).

"Nous vous rappelons que les professionnels de santé sont les médecins, les infirmiers, les sages-femmes, les professionnels de rééducation et de réhabilitation… et ceci, selon les lois d’exercice approuvées par votre ministère, ce qui implique l’application de leur contenu, à noter les statuts professionnels ainsi que les actes de tous les professionnels sans qu’il y ait de chevauchement, vu que nos confrères médecins ne peuvent pas tout exercer", ajoute le document.

Un arrêté qui confie les actes de professionnels de santé aux médecins

Contactée par Médias24, Diae El Gharbi, présidente de la Fédération nationale des kinésithérapeutes physiothérapeutes du Maroc (FNKPM), nous confie avoir été "surprise, ainsi que la communauté des kinésithérapeutes, de voir cet arrêté ministériel publié au Bulletin officiel". "La version arabe de ce texte a été publiée en novembre 2023, tandis que la version française a été publiée en janvier 2024", précise-t-elle.

"Ce texte, qui entre dans le cadre des chantiers de la protection sociale et de la réforme du secteur de la santé, dans lesquels nous sommes partenaires, clarifie les actes entrant dans le cadre de l’exercice de la profession médicale, tant générale que spécialisée", poursuit Diae El Gharbi.

"Lorsque l’on parle d’actes médicaux, il s’agit des actes dédiés aux médecins, et lorsque l’on veut généraliser, on parle d’actes des professionnels de santé, que ce soit des médecins, infirmiers, rééducateurs, chirurgiens-dentistes ou toute autre profession sous la tutelle du ministère de la Santé. A travers l’appellation de cette ce texte, on est sûr qu’il s’agit d’actes propres aux médecins", poursuit Diae El Gharbi.

En effet, le ministère de la Santé a récemment publié la nouvelle classification des actes médicaux (CCAM), en remplacement de la Nomenclature générale des actes professionnels (NGAP). L’objectif de la CCAM est d’énumérer les actes que peut pratiquer un médecin et de les codifier pour simplifier le partage, l’usage et le suivi des dossiers/actes médicaux, notamment avec les caisses d’assurance maladie. Elle répertorie à présent près de 7.000 actes, contre environ 3.400 dans la NGAP.

"Plusieurs spécialités paramédicales vont disparaître si cet arrêté est maintenu tel qu’il est"

"On nous a donc retiré une bonne partie des actes kinésithérapeutes", regrette notre interlocutrice. "Sur cette nouvelle liste des actes médicaux, on trouve notamment l’élongation de la colonne vertébrale cervicale par traction sur table, avec ou sans massage, qui sera désormais réalisée par les médecins. Tous les actes que l’on réalise en termes de rééducation sur la colonne vertébrale, et ce que l’on nous a enseigné pendant des années, notamment pour les massages, seront à présent pratiqués par les médecins, ces actes étant devenus des actes médicaux."

"On trouve également la rééducation vésicosphinctérienne, qui fait référence à la rééducation des problèmes de vessie. Est-ce qu’un médecin passera une heure de son temps à rééduquer une vessie ?", s’interroge Diae El Gharbi.

"Nous retrouvons aussi la rééducation vestibulaire, qui fait référence aux problèmes de vertige, que l’on maîtrise, ainsi que la rééducation anorectale et la kiné respiratoire", ajoute-t-elle.

"Malheureusement, nous ne sommes pas les seuls à être touchés par cet arrêté", nous confie la présidente de la FNKPM. "Presque toutes les spécialités des professionnels de santé sont concernées, notamment :

- les sages-femmes, auxquelles le ministère a retiré l’accouchement par voie naturelle ;

- les orthophonistes, en leur enlevant la rééducation de la voix, de la parole et/ou du langage ;

- les orthoptistes, en leur enlevant la rééducation de la vision ;

- les orthoprothésistes, en leur retirant la confection de l’appareillage. Ces derniers travaillent sur le remplacement des jambes et des bras par exemple. Un médecin peut-il faire de la confection ? Prendra-t-il de son temps pour faire des moulages en plâtre ou fabriquer des membres artificiels avec du plastique ? C’est un travail de technicien que l’orthoprothésiste est habitué à faire ;

- l’ergothérapeute, habitué à travailler avec tous les problèmes de handicap et sur les déformations du doigt et autres. Selon la nouvelle classification, les médecins seront en charge de la confection des prothèses de doigt… ;

- les infirmiers, qui ne pourront plus faire de pansements ou mettre en place des sondes vésicales."

Et la présidente de la Fédération de poursuivre : "En ce qui concerne les kinésithérapeutes, le ministère a choisi les actes les plus faciles. Il n’a cependant pas évoqué le travail réalisé avec les handicapés et les paralysés, qui est très lourd et nécessite beaucoup de temps. De nombreuses spécialités paramédicales vont disparaître si cet arrêté est maintenu tel qu’il est. Et si celles-ci touchent à des actes médicaux, il s’agira d’un exercice illégal de la médecine, ce qui relève là du pénal."

"C’est plus qu’un chevauchement des actes"

"Tout ceci remettra en cause la qualité des services offerts aux citoyens. Ce n’est plus un chevauchement des actes. Le ministère a plutôt enlevé à des spécialistes des actes qu’ils ont l’habitude de faire et les a transférés aux médecins. Le travail sera soit bâclé, soit confié aux assistants" par manque de temps, s’inquiète Diae El Gharbi. "Les lois d’exercice, qui clarifient nos actes, avec liberté de travail, doivent être respectées", insiste-t-elle.

"On a l’impression que le ministre confond médecins et professionnels de santé. Ou alors, il est en train de nous conduire vers une réforme où le médecin sera payé pour des actes que les professionnels paramédicaux exécuteront. Nous n’accepterons jamais cela. Nous avons également l’impression que ministère de la Santé veut que les médecins deviennent la tutelle de tous les paramédicaux."

"J’insiste sur le fait que nous n’avons aucun problème avec les médecins. Je ne crois d’ailleurs pas qu’ils accepteront d’avoir une charge supplémentaire. L’Ordre des médecins a sûrement été consulté lors de l’élaboration de cette nouvelle classification, mais nous ne connaissons pas son approche ni ne savons s’il a répondu ou pas", déclare encore Diae El Gharbi.

Les kinésithérapeutes monteront au créneau si le silence du ministère se poursuit

"Nous n’avons pas encore reçu de réponse à notre lettre adressée au ministre de la Santé. On aimerait que cela passe directement avec le ministre. Il s’agit d’un arrêté ministériel, et non d’une loi, d’une loi-cadre ou d’un décret. Ce texte peut donc être facilement modifié et republié au Bulletin officiel", nous fait savoir notre source.

"Si nous n’avons pas de retour, nous monterons au créneau en passant par le chef du gouvernement et plus encore", prévient-elle.

"Dans le secteur public, parmi les formes de contestation qui se préparent, l’arrêt de l’exécution de tous les actes médicaux inscrits dans cette liste par tous les professionnels de santé et laisser les médecins s’en occuper."

"On aimerait être partenaire de ce chantier royal de généralisation de la couverture maladie, mais on aimerait y contribuer en existant", conclut-elle.

 

Courrier de la FNKPM adressé au ministre de la Santé 

Vous avez un projet immobilier en vue ? Yakeey & Médias24 vous aident à le concrétiser!

Si vous voulez que l'information se rapproche de vous

Suivez la chaîne Médias24 sur WhatsApp
© Médias24. Toute reproduction interdite, sous quelque forme que ce soit, sauf autorisation écrite de la Société des Nouveaux Médias. Ce contenu est protégé par la loi et notamment loi 88-13 relative à la presse et l’édition ainsi que les lois 66.19 et 2-00 relatives aux droits d’auteur et droits voisins.

A lire aussi


Communication financière

AFRIC INDUSTRIES : Publication du Rapport Financier Annuel 2023

Médias24 est un journal économique marocain en ligne qui fournit des informations orientées business, marchés, data et analyses économiques. Retrouvez en direct et en temps réel, en photos et en vidéos, toute l’actualité économique, politique, sociale, et culturelle au Maroc avec Médias24

Notre journal s’engage à vous livrer une information précise, originale et sans parti-pris vis à vis des opérateurs.