Les ravages psychosociaux de Lbouffa exposés par le Dr Hachem Tyal

Communément appelée "drogue des pauvres" pour son prix de vente à la portée de tous, Lbouffa fait des ravages au Maroc ces dernières années. Zoom sur ce qui distingue cette substance terriblement addictogène des autres drogues dures, à travers les explications du Dr Hachem Tyal, président de la Fédération nationale de la santé mentale.

Les ravages psychosociaux de Lbouffa exposés par le Dr Hachem Tyal

Le 29 août 2023 à 12h59

Modifié 30 août 2023 à 9h27

Communément appelée "drogue des pauvres" pour son prix de vente à la portée de tous, Lbouffa fait des ravages au Maroc ces dernières années. Zoom sur ce qui distingue cette substance terriblement addictogène des autres drogues dures, à travers les explications du Dr Hachem Tyal, président de la Fédération nationale de la santé mentale.

Comme indiqué dans un précédent article, au centre d’addictologie du CHU de Casablanca qui reçoit en moyenne une quarantaine de patients par jour, depuis près de deux ans, une admission sur deux concerne désormais des toxicomanes accros à Lbouffa. C’est dire à quel point cette drogue se répand fortement.

Il s’agit de débris de cocaïne, synthétisés à partir d’une réaction chimique avec de l’ammoniac ou des bicarbonates de soude. Brûlés puis inhalés, ces cristaux, qui peuvent être extrêmement toxiques (l’ammoniac est un puissant corrosif), produisent un effet "stimulant", et confèrent une forte assurance et une estime de soi accrue.

Cette drogue de synthèse, apparentée à de la cocaïne de très mauvaise qualité, provoque non seulement des troubles du comportement, mais aussi des dépassements qui peuvent aller jusqu’au passage à l’acte criminel, alerte le Dr Hachem Tyal, président de la Fédération nationale de la santé mentale, contacté à ce sujet.

La drogue se répand rapidement, notamment à cause de son prix de vente abordable. À titre de référence, Lbouffa est vendue à 100 DH le gramme, l’équivalent de 5 à 7 doses, soit moins de 20 DH la dose, contrairement à la cocaïne "crue", c’est-à-dire non synthétisée, ou "cuite", dont le prix du gramme varie entre 600 et 700 DH.

C’est pourquoi Lbouffa est surnommée la "drogue du pauvre". L’accessibilité de cette drogue est d’ailleurs une des raisons principales pour lesquelles elle fait des ravages. "Le prix est tellement bas qu’on en consomme à tour de bras", constate notre interlocuteur.

Accro dès la première prise

Lbouffa est aussi et surtout "la drogue qui a le plus gros pouvoir addictif jusqu’à présent. Dès la première prise, une envie irrépressible incite à en reprendre et on est prêt à tout pour assouvir ce besoin", fait savoir le Dr Tyal.

D’autant plus que son mode d’utilisation n’est pas très compliqué. Le produit est chauffé dans un premier temps sur une plaque à feu doux, puis mélangé à de l’ammoniac jusqu’à ce qu’il prenne la forme de cristaux, nous explique-t-on.

Il est ensuite soit inhalé à l’aide de pipes en verre, soit fumé. Les jeunes aspirent généralement la fumée dans une petite bouteille d’eau bricolée, à travers un stylo à bille vidé de son encre qui fait office de paille.

Lbouffa provoque chez le consommateur un effet immédiat, et la descente est aussi rapide que l’euphorie intense produite au moment de la prise. Le drogué peut ainsi vite devenir très irritable et violent, ce qui explique "l’envie irréfrénable" d’en reprendre aussitôt, précise le spécialiste.

Par ailleurs, pour apaiser ces montagnes russes émotionnelles, les consommateurs de Lbouffa se retrouvent souvent à prendre d’autres drogues, notamment une benzodiazépine (le rivotril en l'occurence). Cela leur permet de surmonter l’état de dépression qui survient peu après la consommation, poursuit-il.

L’adolescent, victime parfaite de Lbouffa

L’accessibilité de cette drogue et l’immédiateté de la sensation d’euphorie séduisent les jeunes et adolescents, principales victimes de Lbouffa, nous fait savoir le spécialiste. Leur fragilité émotionnelle favorise également le processus d’addiction.

"Les adolescents ont généralement à ce stade un comportement qui défie l’autorité et résiste aux règles établies. Ils aiment aussi prendre des risques, et sont à la recherche de nouvelles expériences et d’une validation des pairs en reproduisant leurs comportements pour ne pas être exclus."

L’adolescence est ainsi le moment par excellence pour tomber dans l’addiction, car toutes les conditions sont réunies. "Certains peuvent développer des maladies mentales à l’occasion d’une seule prise, mais la plupart développent des troubles du comportement plus ou moins graves."

À la moindre sensation de manque, les consommateurs accros ont une attitude agressive et peuvent faire du mal aux autres comme à eux-mêmes. En dehors des dépassements que provoque cette drogue, les retombées sur l’appareil cardiovasculaire et respiratoire, ainsi que le système nerveux, sont fréquents, voire irréversibles, nous explique-t-on.

Mettre le doigt sur la plaie

Pour le Dr Tyal, "expliquer ce qu’est Lbouffa et parler de ses effets non seulement sur le consommateur, mais aussi sur son entourage, est nécessaire". "On a tendance à penser que ces malheurs n’arrivent qu’aux autres, mais personne n’est à l’abri de l’addiction."

Il faut aussi sensibiliser les parents et l’entourage à être vigilants et à savoir détecter l’addiction, souligne notre interlocuteur. "Les ruptures entre un avant et un après sont assez claires, et il ne faut pas les prendre à la légère. Ainsi, dès qu’on a le moindre doute d’addiction, il faut mettre la personne potentiellement accro à Lbouffa entre les mains d’un spécialiste qui, dans un premier temps, a les moyens de confirmer l’addiction à travers des examens urinaires, avant le démarrage du protocole de prise en charge."

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