Colorado : R&D, export, inflation, perspectives... le point sur l'activité avec Abed Chagar (DG)

| Le 7/8/2023 à 8:53
Le groupe a récemment décroché un soutien à l’innovation industrielle. L'occasion de développer un nouveau segment de peintures pour un marché encore inexploité. Médias24 s'est entretenu avec son directeur général sur les relais de croissance de Colorado et la manière dont l’entreprise a fait face à l’impact de la hausse des intrants.

Le 25 juillet dernier, les contrats de financement de 14 projets de R&D et d’innovation industrielle ont été signés par l’État, la CGEM et les porteurs de projets concernés pour un coût global de 50 MDH, dont 56% financés par le Fonds de soutien à l’innovation (FSI).

Parmi les entreprises et startups financées, figure le groupe coté Colorado, spécialisé dans la production et vente de peintures. Le projet de développement en question concerne un système de peintures pour recouvrir les bobines de tôles laminées (revêtement industriel).

Médias24 s’est entretenu avec Abed Chagar, directeur général du groupe Colorado et par ailleurs président de la Fédération de la chimie et de la parachimie, pour comprendre les enjeux de ce projet et revenir sur la stratégie mise en place pour développer ses activités et gérer les difficultés du secteur.

Un nouveau projet de diversification

Le groupe travaille dans plusieurs segments. Son cœur d’activité est la peinture en bâtiment, mais il produit également de la peinture industrielle et automobile.

En quête de diversification, le groupe a vu en ce projet l’occasion de franchir le pas en R&D pour faire aboutir un nouveau produit. "Nous voulions nous attaquer à un nouveau segment pour les laminés à chaud, qui sont de gros tubes d’acier, pour lesquels la peinture est totalement différente. Cette dernière est 100% importée au Maroc", nous explique le dirigeant de Colorado.

Désormais, avec cette prime à l’innovation industrielle, le groupe bénéficie d’une subvention lui permettant de mettre en place son projet de développement en mitigeant les risques. "Quand vous vous lancez dans un projet nouveau par rapport à votre expertise, vous prenez un risque. Le fait de bénéficier d'un soutien encourage à en prendre plus. C’est une initiative louable qui nous permet de mettre en place des équipements et des ressources humaines pour développer ce nouveau produit", soutient Abed Chagar.

En soi, l’entreprise ne perçoit pas directement de financement, mais bénéficiera d’un remboursement sur frais. "Quand le projet de R&D est réalisé et audité par le ministère et un cabinet spécialisé, un remboursement est effectué", précise notre interlocuteur.

Quoi qu’il en soit, l’entreprise peut utiliser ce tremplin pour faire aboutir un nouveau produit et capter plusieurs marchés potentiels du fait de l’absence de concurrence sur ce créneau. Une offre qui lui permettrait à terme de renforcer ses relais de croissance.

D’ailleurs, comment ces derniers se sont-ils comportés durant l’année 2022 et sur la première partie de 2023 ? Abed Chagar nous révèle comment Colorado a fait face aux difficultés induites par la guerre en Ukraine ainsi que les perspectives du groupe.

Des relais de croissance à l’export et dans les nouveaux produits

Le marché de la peinture au Maroc est mature et fortement concurrentiel. De fait, les relais de croissance potentiels consistent principalement à exporter et/ou attaquer de nouveaux segments. "Nous exportons et cela se passe bien, avec une part comprise entre 10% et 15% du chiffre d’affaires à destination de plusieurs pays d’Europe et d’Afrique", confie le dirigeant.

Le groupe exporte actuellement sur une vingtaine de marchés et souhaite développer cette activité. "Ce n’est pas toujours évident avec les contextes parfois instables en Afrique, mais nous avons bon espoir de voir une amélioration avec le projet de la Zlécaf (Zone de libre-échange continentale africaine, ndlr)", indique Abed Chagar.

L’aboutissement de ce projet de marché continental serait une aubaine pour l’industriel qui dessert déjà de nombreux pays d’Afrique subsaharienne; et l'opportunité de devenir encore plus compétitif sur ces marchés. En effet, comme nous le rappelle Abed Chagar, "l’importateur paie aujourd’hui 42% de droits entre la douane ainsi que la TVA, ce qui est énorme. En tant que société cotée en bourse, la transparence est totale, mais les entreprises qui ne respectent pas les règles, elles, sont mécaniquement plus compétitives que nous. Si demain, il n’y a plus de barrières douanières sur ces marchés où nous sommes déjà reconnus et présents, cela sera une opportunité".

Ces leviers pourraient aider le groupe à se développer, en plus de son nouveau projet sur les peintures de laminés à chaud. Une diversification qui aide à faire face aux aléas conjoncturels. L’an dernier, le groupe a d’ailleurs dû gérer une situation compliquée engendrée par la guerre en Ukraine.

Une stratégie de gestion de stock et de substitution des intrants pour contrer l’inflation

L’an dernier, Colorado a affiché un chiffre d’affaires en progression de 6,2% à 610 MDH, et une bonification de 6,6% de son résultat net à 35,3 MDH.

Une performance notable dans un contexte inflationniste, où l’intégralité des intrants du groupe ont été impactés. Dans son rapport financier annuel, Colorado informe que "la marge en 2022 est de 203 MDH, comparée à une marge réalisée en 2021 de 206 MDH, soit une baisse de 1.3%. Le pourcentage de la marge brute est passé de 35.9% en 2021 à 33.3% en 2022. La baisse du taux de marge s'expliqué par l’augmentation des prix des intrants en 2022".

Premièrement, le groupe a dû faire face à un dérèglement de la chaîne logistique avec la forte hausse du coût du fret. "Les prix ont été multipliés par quatre ou cinq sur toutes les destinations. Les pénuries ont commencé à se faire sentir, et l’effet sur les prix également. C’était pour nous historique. Tous les intrants ont été touchés, et cette hausse s’est poursuivie jusqu’au début de 2023", nous explique Abed Chagar.

La baisse des matières premières s'est fait ressentir vers les mois de mai et juin 2023. Cependant, cela n’impactera pas positivement les chiffres du premier semestre. Ce sera plutôt le cas sur la seconde moitié de l’année. "En tant qu’industriel, nous avons des stocks constitués qui tournent autour de trois ou quatre mois de consommation. L’impact positif sur les marges sera certainement perçu au S2-2023", estime le dirigeant.

Pour faire face à la hausse des prix et limiter l’impact sur la profitabilité, le groupe a mis en place une politique de gestion des stocks efficace. "Grâce à notre veille, nous avons constitué des stocks importants de matière première fin 2021, pour parer aux pénuries", confie le dirigeant. Cela s’est aussi accompagné d’efforts de R&D pour substituer certaines matières premières dont le coût était prohibitif. "Nous avons priorisé cela au détriment de nouveaux produits. Chaque année, nous en sortions une dizaine. L’an dernier, nous avons sorti uniquement trois produits, car les équipes R&D ont plus travaillé à trouver des équivalents de même qualité aux intrants onéreux. Cela a fonctionné", explique le directeur général.

Cette optimisation se poursuivra dans les mois et les années à venir, jusqu’à ce que la matière première initiale devienne plus compétitive au niveau du prix que le substitut.

Une opportunité potentielle sur la relance immobilière

En 2022, la forte hausse des matières premières (ciment, acier, verre, etc.) a fortement impacté le secteur du bâtiment. Le nombre de chantiers mis en construction a diminué et a naturellement affecté les activités de Colorado, dont le gros du marché demeure la peinture de bâtiment.

"Avant même la pandémie et la guerre en Ukraine, le secteur du bâtiment battait de l’aile au Maroc. Nous sommes directement corrélés à ce secteur", explique le dirigeant. Au-delà de la hausse des prix des intrants, le groupe a partiellement souffert de la fin des accords sur le logement social. Un impact relatif dans le sens où le groupe "n’est pas fortement concerné par le social. Nous avons une exposition supérieure sur le moyen standing, car c’est un marché qui nous intéresse", poursuit-il.

In fine, le groupe voit d’un bon œil la mise en place des aides directes aux primo-acquéreurs, notamment pour les logements haut standing. "Si les aides au logement fonctionnent, cela va constituer une bonne opportunité pour le développement du chiffre d’affaires du groupe », conclut le directeur général.

Vous avez un projet immobilier en vue ? Yakeey & Médias24 vous aident à le concrétiser!

Si vous voulez que l'information se rapproche de vous

Suivez la chaîne Médias24 sur WhatsApp
© Médias24. Toute reproduction interdite, sous quelque forme que ce soit, sauf autorisation écrite de la Société des Nouveaux Médias. Ce contenu est protégé par la loi et notamment loi 88-13 relative à la presse et l’édition ainsi que les lois 66.19 et 2-00 relatives aux droits d’auteur et droits voisins.
lire aussi
  • | Le 30/6/2024 à 13:20

    Label’Vie ambitionne de doubler ses revenus et son EBITDA d’ici 2028

    Le groupe ambitionne d’accélérer très fortement son nombre de magasins d’ici 2028 pour atteindre plus de 900 enseignes contre 179 fin 2023. Les format les plus porteurs de croissance identifiés par le groupe sont le Carrefour Express, l’Atacadao et le Supeco, les deux derniers étant peu consommateurs en Capex, à faible coût de distribution et proches des clients.
  • | Le 29/6/2024 à 10:16

    L'encours des crédits bancaires progresse de 48 MMDH en 12 mois

    D'un mois sur l'autre, en mai 2024, l'encours des crédits bancaires recule très légèrement. L'encours des crédits aux ménages progresse de 9,5 MMDH d'une année sur l'autre. Les créances en souffrance augmentent de 3,7 MMDH sur la même période.
  • | Le 29/6/2024 à 9:14

    En mai, le cash en circulation s’alourdit de 4,2 MMDH d’un mois sur l’autre

    Le cash en circulation continue de grimper en mai pour atteindre plus de 407 MMDH. Il progresse de près de 38 MMDH sur une année glissante. Les dépôts bancaires progressent légèrement pour atteindre 1.172,7 MMDH.
  • | Le 27/6/2024 à 14:47

    Immobilier : la baisse du taux directeur impactera modérément les taux des crédits

    La baisse du taux directeur de 25 pbs devrait faire baisser les taux débiteurs, mais cela de manière assez douce. Les taux des crédits immobiliers devraient en effet reculer progressivement. Plusieurs sources bancaires sondées estiment que la baisse sera limitée et prendra un peu de temps. D'autres sources du marché sont un peu plus optimistes.
  • | Le 26/6/2024 à 13:44

    L'incidence de la baisse du taux directeur sur le marché obligataire et actions

    La baisse du taux directeur de Bank Al-Maghrib a surpris tout le marché. Elle tirera à la hausse le prix des actifs sur le marché obligataire en faisant baisser la courbe des taux. Le marché actions devrait également en bénéficier du fait d'une meilleure valorisation fondamentale des entreprises cotées, liée à la baisse du taux d'actualisation. Le climat économique tel que présenté par la Banque centrale devrait également bénéficier au marché actions.
  • | Le 25/6/2024 à 16:55

    L’augmentation de capital d’Akdital financera l’ouverture de 28 établissements d’ici 2026

    A travers son augmentation de capital de 1 MMDH, Akdital a pour objectifs de financer son expansion et de renforcer ses infrastructures existantes pour atteindre 51 établissements et 5.700 lits à l’horizon 2026.