Ce qu'il faut faire pour drainer plus de capitaux dans le private equity au Maroc (conférence AMIC)

Ph. Médias24
| Le 1/6/2023 à 9:10
Dans le cadre de la 10e conférence sur le capital investissement au Maroc organisée par l'AMIC, un panel de professionnels du secteur a livré ses observations sur les facteurs à développer et à améliorer pour une plus grande mobilisation des capitaux vers le private equity au Maroc. Amélioration du dealflow, diversification des investisseurs, mobilisation de l'investissement privé... Voici ce qu'ils en disent.

Le premier panel présent lors de la 10e conférence du Capital Investissement de l’AMIC a abordé la problématique des différents chemins à emprunter pour mobiliser des capitaux vers le Private Equity (PE) au Maroc.

Avec l’arrivée du Fonds Mohammed VI pour l’investissement (FM6I), l’industrie du capital investissement s’apprête à prendre un nouveau virage, notamment grâce à l’implication des institutionnels privés marocains, encore peu présents sur cette classe d’actifs.

La ministre de l’Economie et des finances, Nadia Fettah, a évoqué avec franchise, lors de la conférence de l’AMIC, les ratés de cette coopération il y a une vingtaine d’années, lors du lancement de l’industrie du capital investissement. "Je pense qu’il y a un post-mortem à faire. Il y a des expériences qui se sont mal passées il y a quelques années et qui ont fait que les institutionnels ne viennent pas et que les privés ne sont jamais venus. Il faut le dire. Ces institutionnels sont très accompagnés par les régulateurs et doivent avoir cette conversation avec le capital marocain pour pouvoir le mobiliser davantage", a souligné la ministre.

L’occasion pour le premier panel de la conférence de revenir sur les éléments à mettre en place pour mobiliser plus de capitaux vers le Private Equity ainsi que leurs attentes concernant les fonds.

Améliorer la diversité des segments d’investissement disponibles au Maroc

Le directeur Maroc de la BERD, Antoine Sallé De Chou, est revenu notamment sur les expériences de la banque de développement en Europe de l’Est et en Turquie dans le PE.

Pour le directeur Maroc de la BERD, le Maroc a besoin de mobiliser plus de fonds pour faire décoller son industrie du capital investissement. Mais ce n’est pas là que le plus gros effort est à fournir. Revenant sur ses précédentes expériences, il raconte : "Le focus n’a pas été mis sur le déploiement du capital en soi, mais plutôt sur la façon de créer une industrie du PE qui soit diversifiée. Le sujet au Maroc n’est pas tant sur le niveau de mobilisation du capital mais sur le manque de diversification, qui est aujourd’hui un risque pour la profession. La BERD est ici depuis dix ans et le paysage du PE n’a pas beaucoup changé sur le plan des investisseurs, encore dominé par les banques de développement. Cela a même régressé, surtout depuis la période post-Covid. Un autre aspect est qu’il n’y a pas assez de nouvelles équipes de gestion."

Pour le reste des facteurs, à savoir le dealflow ou encore la liquidité, le Maroc fait bonne figure avec une jeune génération d’entrepreneurs qui sont bien plus ouverts au capital investissement et aux désirs d’expansion à l’international. "Le second point important, c’est la possibilité de pouvoir adresser un marché avec assez de dealflow. Il faut que cela soit assez diversifié en termes de risque. Il faut des tailles critiques à atteindre pour attirer des investisseurs dont les tickets commencent à 20 ou 30 millions d’euros. Je pense qu’en termes de dealflow au Maroc, on a une bonne dynamique. C’est un must have dans les portefeuilles africains", explique-t-il.

Pour le directeur Maroc de la BERD, ce qui mériterait une attention particulière, c’est une ouverture des différents segments d’investissements pour faire venir de nouveaux investisseurs. "En Turquie et en Europe de l’Est par exemple, on a un marché dynamique avec big cap, small cap, mid cap, VC, immobilier, infrastructures… Au Maroc, nous sommes peut-être encore dans une industrie du PE qui a un biais vers le capital investissement traditionnel. Je pense que le FM6 va avoir un rôle clé, celui d’ouvrir de nouveaux compartiments, notamment le venture capital, encore naissant au Maroc lorsque l’on sait que les startups marocaines ont levé l’an dernier 30 fois moins que leurs homologues kényanes", souligne-t-il.

Supprimer le risque de l’investissement privé et améliorer la coopération DFI / institutionnels

L’un des autres panélistes, Xavier Reille, directeur Maghreb de l’IFC (International Finance Corporation), est revenu sur les attentes des investisseurs institutionnels des fonds et du marché du PE. Au-delà de la performance financière et ESG, Xavier Reille met également l’accent sur la mobilisation des investissements privés.

"Quand on regarde les tendances au Maroc avec 23% de financement via DFI sur la période 2000-2010, et actuellement à 65% des levées effectuées par ce biais, ce n’est pas du tout satisfaisant et ce n’est pas notre mission. Notre mission est de mobiliser et dérisquer l’investissement privé. Donc nous devons travailler ensemble pour mobiliser plus d’investisseurs privés marocains et aussi internationaux", explique le directeur Maghreb de l’IFC.

L’un des moyens d’y parvenir repose selon lui sur une meilleure communication des atouts du pays et du continent en appuyant la communication sur les réformes sectorielles en cours, la nouvelle Charte de l’investissement, etc. "Nous assistons à un point d’inflexion actuellement, il est nécessaire que les investisseurs le sachent. Nous vendons aussi la stabilité économique et politique du pays. En plus de vingt ans, le dirham a très peu bougé, de l’ordre de 5%, du jamais vu sur les marchés émergents", précise-t-il.

Pour lui, il est nécessaire d’instaurer une meilleure coopération entre les DFI et les institutionnels. "Il faut voir comment mieux partager notre expérience et notre politique d’investissement afin d’avoir pour objectif de doubler la part des institutionnels sur le marché marocain. Il faudra également faire venir les investisseurs internationaux. Le dernier point serait le dealflow. Il faut plus de dealflow et plus d’équipes de gestion qui travaillent avec un modus operandi qui ait plus à chercher le deal dans différents secteurs. Il faut arriver à aller plus en amont pour arriver à faire éclore un bon pipeline de projets", conclut-il.

Mais qu’en disent les institutionnels justement ? Eux qui seront amenés à jouer un rôle clé dans ce virage de l’industrie du capital investissement. Bachir Baddou, directeur général de la Fédération marocaine des sociétés d’assurances et de réassurance (FMSAR) s’est exprimé sur le sujet, concernant son secteur.

Le secteur des assurances pourrait investir jusqu’à 30 MMDH dans le PE

Parmi les grands institutionnels du pays, il y a les compagnies d’assurances, grandes collectrices d’épargne. Ces dernières disposent d’un montant important d’actifs sous gestion de plus de 220 MMDH. "Ce qu’il faut savoir, c’est que l’investissement dans l’equity est important. Pas dans le PE à proprement parler, mais plutôt dans les actions cotées, qui représentent plus de 45% du total des actifs sous gestion des entreprises d’assurances. Cela démontre un appétit d’investir dans de l’equity", explique le DG de la FMSAR.

En effet, le PE, lui, représente seulement 8% du total de l’actif sous gestion du secteur des assurances, soit 18 MMDH, dont une grande partie d’actifs stratégiques (transport, télécommunications, tourisme...).

Comme annoncé au début, les institutionnels, déçus par les expériences d’il y a 20 ans, se sont éloignés du secteur. Cependant, une appétence émerge de nouveau depuis 2 à 3 ans. "Il y a un regard plus positif sur le Private Equity, nous le sentons", confie Bachir Baddou.

Il poursuit : "Nous sommes un secteur très régulé et nous avons des limites d’investissement par classe d’actifs. Sur le PE, nous pouvons tabler sur 15% de nos provisions techniques, soit près de 30 MMDH. Nous en sommes très loin. Cependant, le PE va être de plus en plus privilégié par les assureurs, nous l’avons compris depuis deux ou trois ans. Cela vient du fait qu’il y a eu une baisse importante des taux avec une bourse de Casablanca qui n’était pas au meilleur de sa forme. Les assureurs cherchent donc un complément de rendement avec l’obligataire et les actions cotées."

Un appétit qui a été catalysé depuis le début d’année, notamment suite à une très forte hausse de la courbe des taux. "La hausse début 2023 a eu un impact très fort sur les plus-values latentes des assurances. La baisse de nos stocks de plus-value latente est assez inquiétante. Ce qui fait que nous regardons vers d’autre classe d’actifs qui n’était pas privilégiées par les assureurs", explique le panéliste.

En plus de l’attrait boosté par la conjoncture, la liquidité offerte par le secteur du PE, notamment des fonds de PE, séduit les institutionnels. "Pour une entreprise d’assurance, ce qui est fondamental c’est la liquidité, même si nous sommes investisseurs à long terme. Nous faisons des arbitrages et nous ne pouvons parfois pas attendre le long terme. Les OPCC (organismes de placement collectif en capital, ndlr) représentent l’opportunité de savoir que nous investissons dans quelque chose de beaucoup plus liquide que si nous intervenions directement sur de l’equity. Les assureurs seront beaucoup plus ouverts pour investir dans des fonds que d’aller directement investir dans du PE", conclut Bachir Baddou.

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La 10e conférence du capital investissement au Maroc de l'AMIC

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