L’outsourcing en pleine concentration : les tendances décryptées par deux leaders marocains

Le secteur de l’outsourcing, considéré comme un important vivier d’emplois au Maroc, connaît des transformations stratégiques. Alors que la croissance au niveau mondial est toujours importante, les opérateurs font la course à la grande taille. Décryptage avec Youssef Chraibi, PDG d’Outsourcia, et Karim Bernoussi, PDG d’Intelcia.

PH MEDIAS24

L’outsourcing en pleine concentration : les tendances décryptées par deux leaders marocains

Le 16 mai 2023 à 20h46

Modifié 17 mai 2023 à 16h50

Le secteur de l’outsourcing, considéré comme un important vivier d’emplois au Maroc, connaît des transformations stratégiques. Alors que la croissance au niveau mondial est toujours importante, les opérateurs font la course à la grande taille. Décryptage avec Youssef Chraibi, PDG d’Outsourcia, et Karim Bernoussi, PDG d’Intelcia.

Le mouvement de concentration dans le secteur de l’outsourcing prend de plus en plus d’ampleur. Même si le secteur connaît toujours une forte croissance, les opérateurs cherchent à s’agrandir en réalisant des opérations de croissance externe pour des raisons plus stratégiques que purement financières.

Le projet de rachat du groupe Majorel par Téléperformance s’ajoute au rapprochement annoncé entre Webhelp et Concentrix. Si ces deux opérations ont récemment fait parler d’elles par leur importance, cette course vers le gigantisme a démarré il y a quelques années et n’est pas près de ralentir.

Contactés par Médias24, les leaders de deux acteurs nationaux du secteur, à savoir Youssef Chraibi, PDG du groupe Outsourcia et président de la Fédération marocaine de l’outsourcing, ainsi que Karim Bernoussi, PDG du groupe Intelcia, nous expliquent les raisons de ce mouvement de concentration et partagent leur avis sur les tendances dans le secteur.

Etendre l’empreinte géographique

Nos deux interlocuteurs s’accordent à dire que le principal moteur de ces opérations de fusion-acquisition est l’ambition de couvrir de plus en plus de marchés mondiaux et d’assurer une présence dans les différentes "destinations" où l’industrie de l’outsourcing est compétitive.

Pour ces acteurs, couvrir les principales langues des marchés émetteurs et être présents sur les différents fuseaux horaires revêt une importance capitale. Pour les plus grands d’entre eux, la compétition est rude pour décrocher les principaux clients, qui ne sont autres que des multinationales présentes partout dans le monde. L’objectif est donc de pouvoir servir ces donneurs d’ordre partout où ils sont présents.

Autre enjeu : la capacité à gagner de nouveaux clients et à réaliser des synergies qui favorisent la croissance des ventes. "Par exemple, lorsque l’on a acquis les espagnols (Unisono, ndlr), certains clients travaillaient avec eux sur la partie hispanophone (Espagne et Amérique Latine), et nous les accompagnons désormais sur la partie francophone (Maroc, France et Sénégal), et vice versa", explique Karim Bernoussi.

"Si vous voulez par exemple accompagner les GAFA, présents dans le monde entier et qui ont pratiquement besoin de toutes les langues, ils ne peuvent travailler qu’avec des géants qui peuvent traiter une trentaine de langues avec un spectre d’expertise très large", affirme Youssef Chraibi.

Se développer sur de nouveaux métiers et de nouvelles technologies

Ainsi, le marché de l’externalisation des services, qui a commencé au Maroc principalement sur le métier de la relation-client et visait initialement le marché français, s’élargit aujourd’hui à plusieurs grands marchés mondiaux. Il comprend une multitude de métiers qui vont des fonctions back-office aux fonctions d’ingénierie et d’étude en passant par le développement IT. Le tout peut être compris sous le parapluie du Business process outsourcing (BPO), plus communément appelé l’outsourcing.

C’est là la deuxième raison pour laquelle les opérateurs du secteur cherchent à faire de la croissance externe. Car en absorbant un autre acteur, on peut aussi acquérir son portefeuille métier et son savoir-faire. D’autant que les métiers à plus forte valeur ajoutée peuvent accroître la rentabilité, et que les métiers de niche sont moins concurrentiels. L’opérateur peut ainsi élargir sa gamme de services pour ses clients, et ainsi gagner en chiffre d’affaires et en rentabilité.

Le secteur est aussi de plus en plus technologique. Pour monter en gamme et proposer des services de meilleure qualité et à plus forte valeur ajoutée, les opérateurs cherchent à se doter des meilleures technologies, qui sont parfois disponibles chez les concurrents. C’est un facteur supplémentaire qui les pousse à se développer en externe.

Le secteur est toujours en croissance

Voir autant de mouvements de concentration dans un secteur peut donner l’impression que le marché arrive à maturité, que sa croissance s’estompe et que la seule façon d’être plus compétitif, c’est de rechercher les économies d’échelle et d’absorber les concurrents. Mais comme nous l’avons vu, les raisons sont autres ; ce genre d’opération reste le moyen le plus simple d’atteindre les objectifs cités plus haut.

En vérité, le secteur est toujours en croissance, il est même promis à un bel avenir. Youssef Chraibi n’hésite pas à comparer la situation du secteur à celle de l’industrie, où la sous-traitance s’est développée dans les pays à bas coût, renforçant ainsi leur industrialisation. La même tendance est observée depuis une vingtaine d’années dans le domaine des services qui, avec le développement des TIC, peuvent être plus facilement externalisés.

Karim Bernoussi voit également le secteur grandir davantage. "En Europe, beaucoup de PME ont d’énormes difficultés à recruter, que ce soit pour les profils techniques ou commerciaux. L’Europe, vieillissante, aura de plus en plus besoin de s’appuyer sur les pays africains et les pays jeunes comme le nôtre, où il y a des compétences bien formées avec une véritable envie de travailler. Faire appel à des outsourceurs sur d’autres territoires est donc une opportunité pour eux, voire une nécessité", estime-t-il.

Les effets de l’intelligence artificielle encore incertains

Mais d’après Karim Bernoussi, la présence croissante de l’intelligence artificielle dans les métiers de l’outsourcing peut avoir un effet inverse, puisque l’on prédit que plusieurs métiers risquent d’être automatisés, partiellement ou totalement. Mais ce n’est pas pour demain, rassure Karim Bernoussi. Selon lui, la croissance des emplois dans le secteur se poursuivra au moins sur les cinq prochaines années.

S’il n’y a pas de réelle visibilité sur les effets qu’aura l’intelligence artificielle sur la prospérité du secteur et les emplois, Karim Bernoussi précise que pour son groupe, la préservation des emplois est prise très au sérieux.

Pour sa part, Youssef Chraibi estime qu’il n’y a pas de réel danger pour les emplois, car l’intelligence artificielle ne sera qu’un outil en plus, qui améliorera la qualité de la prestation de service. Pour lui, l’intelligence artificielle sera un soutien aux collaborateurs, qui deviendront des "agents augmentés", leur permettant d’être plus performants et productifs.

Alors que la concurrence s’intensifie, le Maroc doit adapter son offre

Mais selon Youssef Chraibi, ces changements qui adviennent doivent pousser le Maroc à s’y préparer sérieusement, notamment en ce qui concerne le capital humain. "On est dans un métier où notre seule ressource, c’est le capital humain. Aujourd’hui, il ne suffit plus d’apporter les ressources à moindre coût ; il faut qu’elles soient expertes dans les différents métiers que l’on cible, mais aussi dans leur communication et leur savoir-être."

"Les besoins actuels ne portent plus sur des formations courtes ; ils remettent en question l’intégralité du système éducatif marocain. C’est un énorme chantier que nous ne sommes pas les seuls à avoir réclamé. Ce chantier a démarré mais nécessitera plusieurs années avant qu’il porte ses fruits", poursuit-il.

Pour Karim Bernoussi aussi, relever le niveau de compétences des ressources humaines marocaines sera capital dans la décennie à venir. "Les acteurs du secteur qui deviennent désormais des acteurs globaux vont naturellement commencer à comparer le Maroc aux autres destinations sur lesquelles ils sont présents. Il est donc important que la destination Maroc continue à être compétitive."

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