Dépendance aux importations et lenteur des AMM, principales limites de l'industrie pharmaceutique (CESE)

Dans son rapport annuel 2021, le Conseil économique, social et environnemental a consacré un volet à l'industrie pharmaceutique, son poids et ses limites. Il a également formulé quelques recommandations. Détails.

Dépendance aux importations et lenteur des AMM, principales limites de l'industrie pharmaceutique (CESE)

Le 5 novembre 2022 à 8h34

Modifié 5 novembre 2022 à 8h34

Dans son rapport annuel 2021, le Conseil économique, social et environnemental a consacré un volet à l'industrie pharmaceutique, son poids et ses limites. Il a également formulé quelques recommandations. Détails.

"La pandémie Covid-19 a permis de mettre en avant l’importance stratégique de l’industrie du médicament pour un pays comme le Maroc. Les médicaments, les vaccins et les différents produits connexes ne sont pas des biens classiques, mais plutôt des ressources stratégiques qui devraient bénéficier d’un traitement spécial dans les politiques publiques", lit-on dans le rapport annuel 2021 du Conseil économique, social et environnemental (CESE).

16 MMDH de chiffre d’affaires en 2019

"Dans ce contexte, le développement de l’industrie pharmaceutique, qui relève des secteurs de l’économie de la vie, s’impose aujourd’hui comme une urgence pour la souveraineté sanitaire du pays et pour garantir l’accès du citoyen aux médicaments à des prix adéquats, d’autant plus que le potentiel de cette activité est important, aussi bien en termes de substitution à l’importation que d’exportation, notamment vers les autres pays du continent africain."

Selon le CESE, l’industrie pharmaceutique constitue la deuxième activité chimique du Maroc après les dérivés de phosphates. Le Maroc y occupe la deuxième place à l’échelle du continent.

Le pays bénéficie de plus de cinquante ans d’expérience dans le secteur, avec plus de 50 établissements pharmaceutiques industriels au niveau national, qui produisent aux normes de qualité européennes et/ou américaines.

En termes de poids dans l’économie nationale, le secteur de l’industrie pharmaceutique réalise un chiffre d’affaires de près de 16 milliards de dirhams (2019) et représente environ 1,5% du PIB. Il emploie 12.000 postes directs et compte 9.155 emplois à productivité élevée.

Le secteur a tiré son épingle du jeu durant la pandémie

Depuis le déclenchement de la pandémie, le secteur de l’industrie pharmaceutique s’est montré résilient, au moment où la plupart des autres branches ont évolué négativement, estime le CESE.

Cette situation s'explique par la forte demande en médicaments, en particulier ceux liés au virus Covid-19.

Forte dépendance aux importations

Dans son rapport, le Conseil a également listé un ensemble de dysfonctionnements dont souffre le Royaume, à leur tête, le niveau élevé de dépendance aux importations de médicaments.

En effet, le Maroc couvre 60% de ses besoins en médicaments par la production nationale et reste, par conséquent, dépendant à hauteur de 40% des importations, en particulier celles en provenance de l’Union européenne (60% des importations du secteur).

Le Maroc a connu une baisse significative et continue de son taux d’autosuffisance en médicaments, passant de 75% dans les années 1990 à 60% actuellement.

Les matières premières sont importées presque en totalité, avec une concentration des fournisseurs autour de l’Inde et de la Chine, ce qui accroît le risque de rupture d’approvisionnement et constitue un handicap majeur pour le développement de l’industrie pharmaceutique nationale.

11% seulement de la production nationale est exportée

Le Conseil relève également une capacité à l’export limitée, avec une aggravation du déficit commercial du secteur. En effet, les exportations représentent à peine 11% de la production nationale.

Sur la période 2015-2019, les exportations ont évolué à un rythme (4,3%) inférieur à celui des importations (6,4% par an).

Dans ce contexte, le déficit de la balance commerciale pharmaceutique ne cesse de se creuser, passant de 3.707,2 millions de DH en 2010 à 5.332 MDH en 2019, soit une hausse de près de 30%.

Complexité et lenteur dans l'octroi des AMM

La persistance de certains freins réglementaires est la troisième limite du secteur, évoquée par le CESE. "En dépit des améliorations apportées par la réforme du système des autorisations de mise sur le marché (AMM) en 2015, cette réforme n’a pas permis d'évolution dans le processus d’octroi des AMM, toujours marqué par la complexité et la lenteur ", explique le Conseil.

"Les données publiées par le Conseil de la concurrence, dans son avis sur le secteur du médicament, montrent une baisse des AMM octroyées de près de 51% entre 2016 et 2018. Selon la même institution, les professionnels déplorent la dispersion et la longueur de la procédure d’examen et de validation des projets d’investissement et d’octroi d’autorisation d’exercer sur le marché du médicament, à cause de la multiplicité des missions de contrôle et des phases de validation."

Par ailleurs, malgré les avancées réalisées, la réglementation en vigueur ne favorise pas suffisamment le développement des génériques.

Le marché monopolisé par quatre établissements

Selon le dernier rapport du Conseil de la concurrence (2021) sur l’industrie pharmaceutique, le ratio de concentration du marché privé du médicament, indique que les quatre premiers établissements pharmaceutiques industriels (EPI) accaparent 33% du marché. Si globalement pour un marché de cette taille renfermant 51 opérateurs, la structure actuelle n’est pas considérée comme étant concentrée, l’analyse de la concentration par classe thérapeutique et par molécule montre que certains segments sont quasiment monopolistiques et à très haut risque.

Une telle configuration n’est pas sans impacter négativement le pouvoir d’achat des citoyens et leur niveau d’accès aux médicaments, en particulier les plus défavorisés, en raison des prix élevés de nombreux produits, bien que plusieurs baisses aient eu lieu depuis l’entrée en vigueur en 2014 du décret sur les modalités de fixation des prix.

Le reste à charge des citoyens avoisine 51%

Par ailleurs, le Conseil estime que le marché de l'industrie pharmaceutique au Maroc est étroit. "La demande de médicament au Maroc a été depuis longtemps limitée par le niveau élevé des prix, le manque d’inclusion du système de protection sociale et l’importance du reste à charge supporté par le citoyen qui tourne autour de 51%."

Le chantier de généralisation de la couverture médicale, lancé récemment, pourrait toutefois améliorer la demande domestique de médicament.

Enfin, le Conseil évoque l'insuffisance de l’appui à la recherche et développement et à l’innovation dans le secteur, ce qui limite sa capacité à évoluer et à gagner en compétitivité face à une concurrence agressive.

Les recommandations du CESE

Pour améliorer le secteur, le Conseil a formulé dans son rapport un certain nombre de recommandations, qui se présentent comme suit :

- Renforcer et adapter le cadre réglementaire afin de fluidifier le développement de nouveaux produits et promouvoir la recherche dans le secteur, notamment dans les domaines des essais cliniques, de la bioéquivalence pour le développement des génériques, etc.

- Encourager la R&D dans le domaine pharmaceutique via la création de partenariats public-privé d’innovation et d’investissement en R&D, ainsi qu’en nouant des partenariats avec des pays émergents ayant connu des expériences réussies dans le secteur, notamment l’Inde.

- Accorder un soutien financier et fiscal plus important en faveur de la fabrication locale du générique.

- Au niveau des appels d’offres publics, instaurer une préférence nationale en faveur des produits fabriqués localement avec un taux de valeur ajoutée domestique minimum à respecter.

- Encourager l’exportation vers le marché africain et développer des chaînes de valeur dans le domaine pharmaceutique avec l’Europe et l’Afrique.

- Renforcer la formation dans le secteur sur les plans quantitatif et qualitatif.

- Inciter à la création et au développement d’entreprises et startups spécialisées dans la matière première des principes actifs et des excipients, et faciliter l’installation de sociétés étrangères spécialisées dans ce domaine tout en veillant à assurer une intégration entre celles-ci et les entreprises locales.

- Diversifier géographiquement les fournisseurs étrangers en intrants nécessaires à l’industrie nationale afin de réduire le risque de rupture d’approvisionnement.

- Réduire les délais réglementaires de traitement des AMM et veiller au strict respect de ces délais.

- Dématérialiser complètement le processus d’enregistrement et d’octroi des AMM.

- Accélérer le processus de mise en place d’une agence nationale du médicament, organe essentiel pour la régulation et la promotion du secteur.

- Garantir le respect strict des règles de concurrence saine et de transparence par les opérateurs de l’industrie en question, afin de ne pas pénaliser le pouvoir d’achat des citoyens. Il s’agit en plus de veiller à ce que les sanctions en cas d’infraction soient suffisamment dissuasives et donc proportionnelles au délit, surtout que le marché est caractérisé par la présence de grands groupes étrangers avec des chiffres d’affaires et des capacités financières importants. Une concurrence saine pousserait, par ailleurs, les opérateurs à multiplier les efforts de R&D et à chercher constamment à se situer sur des niveaux de prix compétitifs.

- Réviser l’approche et le benchmark de pays adoptés pour la fixation des prix de référence des médicaments, et renforcer les capacités des services chargés de collecter, traiter et vérifier l’information nécessaire pour définir les niveaux des prix adéquats et réduire l’asymétrie d’information qui pourrait profiter aux acteurs en situation de monopole/oligopole au détriment du citoyen, sachant que le niveau de prix des médicaments demeure globalement très cher au Maroc.

- Généraliser, systématiser et rendre effective les conventions de tiers payant dans le but de faciliter l’accès des citoyens aux médicaments, notamment pour les personnes qui souffrent de maladies graves ou chroniques.

Lire aussi : Industrie pharmaceutique : CA, emplois et engagements des signataires... le nouveau contrat-programme

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