Le PLF 2023 donnera-t-il le coup de grâce à CFC ?

Les nouvelles mesures mises en place par le projet de loi de finances 2023 rabotent la plus grande partie des avantages fiscaux accordés par le législateur à Casablanca Finance City. Un coup dur pour la place financière.

Le PLF 2023 donnera-t-il le coup de grâce à CFC ?

Le 28 octobre 2022 à 13h33

Modifié 28 octobre 2022 à 16h50

Les nouvelles mesures mises en place par le projet de loi de finances 2023 rabotent la plus grande partie des avantages fiscaux accordés par le législateur à Casablanca Finance City. Un coup dur pour la place financière.

Que reste-t-il du statut CFC (Casablanca Finance City) ? C’est la question que se pose la communauté financière nationale après la publication du projet de loi de finances (PLF) 2023. En effet, la fiscalité de la place a été grandement alignée sur la fiscalité nationale, enlevant de fait le statut fiscal particulier de la place.

Insécurité juridique

“Certes, CFC ne peut pas uniquement se résumer à son statut fiscal. Mais avec ces changements prévus, on est en train de tuer dans l’œuf cet embryon de place qui commence à se positionner”, estime un cabinet de conseil juridique et fiscal qui, de par son activité, conseille des sociétés ayant le fameux statut. Un avis que nous retrouvons aussi chez d’autres membres de “la communauté” CFC, pour qui c’est le coup grâce pour la place, qui voit ainsi son statut fiscal changer deux fois en trois ans.

“Ce que nous vendons à CFC, c’est la stabilité et la pérennité du Maroc en plus de notre géographie et de notre connectivité. Avec ce PLF, le gouvernement vient de décréter l’instabilité et l’insécurité juridique et fiscale”, estime, visiblement très remontée, une source très proche du dossier. “Insécurité et instabilité juridique et fiscale”, des mots que nous avons souvent entendus de la bouche de nombreux acteurs de la finance nationale en lien avec ce PLF 2023.

“Au départ, nous avons vendu CFC aux investisseurs étrangers avec un taux d’IS de 8,75% sur le chiffre d’affaires à l’export ad vitam æternam. Après les très fortes pressions que nous avons reçues depuis 2017 suite au classement de CFC dans la zone grise de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques, ndlr) et de l’Union européenne, nous avons trouvé la parade en instaurant en 2019 un nouveau taux de 15% qui coïncide avec les meilleurs benchmarks internationaux. Et avec ça, nous avons pu quitter la liste grise en 2020. Maintenant, comment va-t-on faire pour expliquer à nos membres et aux prospects ce nouveau changement de régime fiscal ?”, se désole notre source. Pour elle, c’est la crédibilité même du Maroc qui est en jeu, avec autant de changements en si peu de temps.

“Nous avons commencé à construire une place pour les sièges régionaux des entreprises en Afrique. Délocaliser un siège est une décision lourde. Certaines multinationales ont décidé de ramener toutes leurs activités africaines de Paris ou Londres pour les positionner à Casablanca. Un tel choix nécessite beaucoup de temps et de moyens pour être acté en prenant en compte plusieurs paramètres ; de les benchmarker avec ce qui se passe dans la région, de le valider par des conseils d’administration, de recruter des staffs localement, parfois même en licenciant ailleurs, etc. Aujourd’hui, on vient leur expliquer que les postulats de base sur lesquels ils ont tranché en faveur de Casablanca ne sont plus bons. Et que mieux, ces paramètres ont changé deux fois en trois ans...”, s’emporte notre source.

Logique budgétaire

Selon cette source, si ces changements sont maintenus, cela va porter un grand coup à la crédibilité du Maroc, non seulement pour CFC mais pour tous les investisseurs internationaux cherchant à se positionner dans le Royaume.

Selon une seconde source ayant suivi ce dossier, “le gouvernement a choisi une logique budgétaire plutôt qu’une logique d’investissement. Alors qu’on cherche à drainer 550 milliards de dirhams d’investissements privés, on brouille les messages en instaurant une instabilité fiscale”.

Cette logique budgétaire est aussi confirmée par un directeur de banque dans son analyse de la mesure. Pour lui, le fait que le Maroc soit toujours maintenu dans la zone grise du GAFI l’amène à chercher à éviter toute législation qui pourrait l’assimiler à un pays favorisant l’évasion fiscale ou le blanchiment de capitaux. D’autant que cette tendance de lutte contre les paradis fiscaux est mondiale, avec les normes américaines FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act) et européennes CRS (Common Reporting Standard). Il va sans dire qu’il n’y a aucun lien direct entre les procédures du GAFI, la liste grise et CFC.

“Avec la perte de la LPL et de son Investment grade, le Trésor aura de plus en plus de mal à se financer à l’international s’il est maintenu dans la zone grise. Le Maroc a plus intérêt à se concilier avec le GAFI pour au moins garantir l’afflux de dons et de financements bilatéraux et multilatéraux”, affirme notre source bancaire. Supprimer un statut fiscal avantageux pour certaines entreprises et pas d’autres pourrait ainsi être un bon point dans le dossier du Maroc. “Le Maroc se conforme exactement à ce que demandent les Européens. Il se prémunit contre toute assimilation à un paradis fiscal”, ajoute notre source.

Positionnement 

Une opinion que ne partage pas forcément notre première source. Pour elle, non seulement un alignement sur les exigences européennes n’est pas un gage de sortie de la zone grise du GAFI, alors que d’autres places financières sont plus agressives fiscalement (voir tableau de benchmark ci-dessous), mais certaines autres mesures du PLF concernant CFC pourraient faire retomber la place dans la liste grise de l’OCDE.

Il cite en exemple la mesure de limitation de l’exonération de la retenue à la source des dividendes distribués par les entreprises CFC à la seule partie générée à l’étranger, distribuée aux non-résidents, et pas à tous les dividendes générés par ces entreprises.

Selon notre source, cette nouvelle disposition crée ce qui est appelé “un cantonnement fiscal” ou “ring fencing”. Pour lui, “cette mesure accorde l’exonération de la retenue à la source aux dividendes distribués uniquement aux non-résidents, si ces dividendes sont de source étrangère, c’est-à-dire issus d’investissements faits à l’étranger. L’avantage fiscal est donc accordé uniquement si l’investissement est fait de l’étranger vers l’étranger via CFC, et que les dividendes sont versés de l'étranger vers l'étranger. Si un investisseur étranger met une holding ou un fonds d'investissement pour investir au Maroc et en Afrique, les dividendes qu’il remonte d’autres pays africains sont distribués à l'étranger sans retenue au Maroc, mais ceux qui remontent du Maroc vers ce même investisseur sont taxés, car considérés comme activités locales”.

Autrement dit, on neutralise fiscalement CFC pour les opérations internationales à partir du Maroc, tout en taxant à plein pot les activités réalisées au Maroc par les fonds d’investissement par exemple. Et en même temps, renchérit notre source, “on encourage l’investissement dans d’autres pays au lieu que ce soit au Maroc, puisque c’est détaxé”. Un autre atout ôté à CFC, qui commençait à peine à se positionner comme hub pour les multinationales cherchant à créer des holdings à partir de Casablanca pour leurs activités africaines ou des fonds d’investissement panafricains.

Un coup dur donc pour la place qui s’est déjà vu enlever, en 2021, des éléments d’attractivité pour les entreprises bancaires et d’assurance de la flat tax de 15% en leur appliquant le tarif standard.

Cette année, avec ce PLF 2023, ce sont même les employés des secteurs bancaires et d’assurance basés à CFC qui verront leur prélèvement d’IR préférentiels limités dans le temps, au cas où ce projet était adopté en l'état au Parlement. Une mesure de plus qui va dans le sens du nivellement de la particularité de CFC. Ce qui fait dire à de nombreuses sources que si ces mesures sont maintenues, ce serait tout simplement une mise à mort de la place.

“Paradoxalement, CFC a pu se dynamiser à partir du Covid en offrant de plus en plus une offer value à sa communauté, voire à les défendre quand il le faut. Aujourd'hui, avec ces mesures, si elles venaient à être adoptées, on se pose de plus en plus la question sur la pertinence du statut CFC", estime le cabinet juridique et fiscal.

Une opinion que ne partage pas tout à fait notre banquier, pour qui CFC, c’est plus que des avantages fiscaux. C’est aussi le positionnement comme hub africain. “Il reste certaines mesures en faveur des multinationales, notamment en termes de ressources humaines et de pool de compétences, ainsi que les facilités de change qui ne sont pas négligeables”, estime-t-il. Mais est-ce suffisant pour l’attractivité de la place ?

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