Tourisme : forte demande pour le Maroc, il faut renforcer la desserte aérienne (Bentahar)

Depuis la réouverture de ses frontières, le Maroc réalise un flux d’arrivées croissant qui pourrait, selon le président de la Confédération nationale du tourisme, lui permettre de dépasser dès 2023 les chiffres de 2019, pour peu que l’ONMT aie les moyens de reconstruire rapidement le même réseau aérien qu’avant la crise, puis de doubler sa capacité.

Hamid Bentahar, président de la Confédération nationale du tourisme (CNT).

Tourisme : forte demande pour le Maroc, il faut renforcer la desserte aérienne (Bentahar)

Le 29 mai 2022 à 17h02

Modifié 30 mai 2022 à 13h21

Depuis la réouverture de ses frontières, le Maroc réalise un flux d’arrivées croissant qui pourrait, selon le président de la Confédération nationale du tourisme, lui permettre de dépasser dès 2023 les chiffres de 2019, pour peu que l’ONMT aie les moyens de reconstruire rapidement le même réseau aérien qu’avant la crise, puis de doubler sa capacité.

Elu en pleine pandémie, en juillet 2021, à la tête de la Confédération nationale du tourisme (CNT), Hamid Bentahar a rapidement réconcilié puis réorganisé cette organisation.

Ce fin connaisseur du tourisme, qui préside aussi le Conseil régional du tourisme (CRT) de la région Marrakech-Safi, a entrepris un rapprochement inédit avec le ministère de tutelle et l’Office national marocain du tourisme (ONMT), avec lequel la CNT se projette désormais main dans la main pour développer le secteur.

Après deux années de crise qui ont littéralement sinistré l’industrie transversale du tourisme, le président de la CNT se veut extrêmement optimiste sur l’avenir, à condition toutefois de dépasser certains freins qu’il nous expose dans cet entretien.

La demande est désormais tellement importante qu’il faut absolument mobiliser plus d’avions afin de récupérer notre part de marché.

- Médias24 : Comment voyez-vous la reprise ? Se suffit-elle à elle-même ?

Hamid Bentahar : Tout ce que nous avions prédit est en train de se produire. Depuis la récente levée du test PCR, le rythme des arrivées et des réservations est en constante augmentation.

Mais le véritable sujet d’actualité, c’est que la demande est désormais tellement importante qu’il faut absolument mobiliser plus d’avions afin de récupérer notre part de marché. Il y a d’ores et déjà des dates auxquelles l’offre est saturée en raison d’une demande trop élevée.

Il faut donc impérativement encourager les compagnies aériennes et les tour-opérateurs à injecter davantage de sièges aériens.

Nous devons aussi garder à l’esprit que notre secteur peut contribuer aux défis du pays en générant nombre d’emplois et de recettes en devises, et en participant à l’équilibre de la balance de paiement.

- Après deux années de désaffection, la demande est donc bien de retour ?

- L’envie de voyager et la revanche sur deux années d’immobilisation sont une réalité.

Les touristes du monde entier ont besoin de rattraper le temps perdu. Notre pays, dans toutes ses composantes, doit désormais être en mesure de répondre à cette demande.

- Comment reconstruire rapidement un réseau aérien ?

- Tout simplement en offrant plus de moyens financiers à l’Office national marocain du tourisme, qui fait d’ores et déjà un travail extraordinaire, ainsi qu’à la compagnie Royal Air Maroc, afin d’être en mesure d’augmenter le nombre de liaisons aériennes, de sièges avions et, in fine, la capacité aérienne.

- En d’autres termes, le Maroc possède une capacité aérienne insuffisante qui l’empêche de satisfaire l’ensemble de la demande exprimée ?

- C’est exactement cela. D’autant que si l’on ne mobilise pas suffisamment d’avions, l’une des conséquences supplémentaires sera l’augmentation des prix des billets d’avion.

C’est la loi de l’offre et de la demande. Si cela se produit, nous risquerons de ne plus être compétitifs.

- Avec la capacité aérienne actuelle, quel pourcentage de la demande pourra être satisfait, et surtout à côté de combien d’arrivées le Maroc risque-t-il de passer ? 

- Tout dépend de quoi nous parlons. Mon propos n’est pas à court-terme et ne concerne pas spécifiquement la prochaine saison estivale. Le problème est plus global.

Nous devons penser à toute l’année 2022 et même à 2023 et aux prochaines années. La mise en place de nouvelles routes et la programmation du Maroc par les compagnies étrangères ne se décident pas du jour au lendemain.

Nous devons nous y mettre dès aujourd’hui pour obtenir des résultats à moyen et long termes.

Notre offre hôtelière existante est capable d’absorber deux fois plus de sièges aériens que durant l’année de référence qu’a été 2019.

- Quelles sont les actions à entreprendre en priorité ?

- Sachant que nous avions en 2019 un taux d’occupation hôtelier limité à 48%, il est plus que faisable de doubler la capacité aérienne du Maroc pour parvenir à remplir le parc hôtelier existant.

Au risque de me répéter, il convient juste d’allouer les moyens nécessaires à l’ONMT afin de lui permettre de convaincre les compagnies aériennes et les tour-opérateurs de doubler rapidement leur offre aérienne.

- Concrètement, comment l’ONMT s’y prend pour les convaincre ?

- Sur la base d’un accompagnement qui prend en considération le coût du risque de lancement d’une ligne aérienne ou du renforcement de celles qui existent déjà afin, justement, d’être en mesure de doubler le nombre de visiteurs étrangers dans certaines destinations ciblées.

A l’image de l’Espagne où il existe plusieurs villages touristiques d’Allemands complets toute l’année, ces visiteurs sont prêts à venir bien plus nombreux à Agadir en hiver car ils considèrent que les températures sont quasi-estivales par rapport à leur pays. Idem pour le marché anglais qu’il faut développer.

Il s’agit en fait de co-marketing avec l’ONMT qui s’engage à communiquer suffisamment pour remplir les avions des compagnies aériennes et des prescripteurs de voyages, comme les tour-opérateurs qui gèrent des hôtels.

A terme, cela permettra d’élargir les saisons pour certaines régions qui ne travaillent que l’été, comme celle de l’Oriental, de Ouarzazate ou de Dakhla, qui recèlent un potentiel de doublement des arrivées.

Pour les destinations comme Fès, Meknès ou le grand Sud, qui travaillent peu avec les nationaux pendant l’été, il existe des segments de clients étrangers pour chaque type de produits.

Entre l’ONMT qui sait faire et les professionnels locaux, ce travail d’élargissement est à notre portée.

- Quand vous dites "à notre portée", à quel horizon pensez-vous ?

- Très rapidement, voire, en caricaturant, à l’horizon de l’hiver. Pour s’en convaincre, il suffit d’essayer de trouver un séjour balnéaire dans un hôtel 5 étoiles n’importe où dans le monde. Vous constaterez alors l’incroyable flambée des prix à cause d’une demande exceptionnelle après deux années de privations.

Pendant la crise sanitaire, les gens se sont en effet privés de loisirs et ont épargné ce qu’ils dépensaient auparavant en voyages pour leurs congés hivernal ou estival. Ils ont désormais envie de se faire plaisir.

Sachant que la demande est plus que jamais présente, les transporteurs et les tour-opérateurs peuvent doubler leur capacité ou offre aérienne à partir de l’hiver prochain, c’est-à-dire dans moins de 7 mois.

Nous n’avons pas besoin d’augmenter notre capacité hôtelière pour doubler le nombre d’arrivées. Tout cela pourra se faire à court-terme uniquement avec notre offre hôtelière existante, capable d’absorber deux fois plus de sièges aériens que durant l’année de référence qu’a été 2019.

- Un commentaire sur votre voyage marathon à Paris, Londres et New York aux côtés de l’ONMT ?

- J’aimerais d’abord féliciter l’ONMT pour cette magnifique initiative qui a permis de mettre un beau coup de projecteur sur le Maroc. Les professionnels du tourisme de toutes les régions se sont mobilisés aux côtés de l’Office pour que cette action de promotion soit un succès.

Notre rencontre avec les professionnels de ces trois marchés a confirmé leur engouement pour la destination marocaine, avec un énorme potentiel de demande lié à un désir de revanche de voyage.

Elle a également mis en avant le fait que le tourisme était devenu vital et que les Français, Anglais et Américains avaient vraiment envie de voyager pour s’évader et respirer après deux années de confinements.

L’autre enseignement de ce voyage, c’est que l’ONMT et la Confédération nationale du tourisme travaillent en bonne intelligence et mettent en commun leurs atouts pour une cause commune : notre secteur du tourisme. Unis, nous sommes plus forts.

- Depuis votre arrivée à la tête de la CNT, c’est une véritable lune de miel avec le secteur public...

- Nous avons en effet la chance d’avoir à la tête de l’ONMT une personne qui sait de quoi elle parle et est capable de travailler de façon collaborative avec les représentants de la profession.

Adel El Fakir a beaucoup de talent et d’humilité. Cela lui permet d’écouter les points de vue et analyses de tous les professionnels et d’en tirer le meilleur.

Le fait d’être issu du secteur privé lui permet certainement de mieux comprendre nos problématiques business et de puiser au sein du capital-expérience des opérateurs afin d’aller de l’avant, notamment lorsqu’il s’agit de trouver les réservoirs de croissance.

Il y a aujourd’hui une volonté collective de rupture portée par la CNT, l’ONMT et bien évidemment le ministère de tutelle, dirigé par Mme Ammor, qui permet de mettre en place une dynamique d’accélération pour un retour en force du Maroc sur l’échiquier international du tourisme.

Il faut relativiser l’euphorie actuelle ; la reprise doit être accompagnée pour aller plus loin.

- Que faut-il penser de la réunion récente du chef du gouvernement consacrée au tourisme ; une première sachant que ses prédécesseurs n’avaient jamais débattu de ce secteur ?

- Les professionnels ne peuvent que se féliciter de cette mobilisation inédite au plus haut niveau du gouvernement. Elle révèle une véritable prise de conscience sur l’extraordinaire potentiel économique à court-terme du secteur touristique.

La crise nous a en effet montré que le secteur du tourisme contribuait beaucoup plus à notre économie que ce que peuvent laisser entendre certains chiffres censés résumer sa part dans le PIB.

Pour mieux comprendre sa véritable contribution, il n’y a qu’à voir le nombre de métiers connectés directement ou indirectement au tourisme qui ont été impactés pendant deux ans, alors que dans l’imaginaire collectif, notre industrie ne serait portée que par l’hôtellerie - ce qui est complètement faux.

Derrière un hôtel, il y a en effet des agriculteurs qui fournissent des fruits et légumes, des éleveurs, des pêcheurs, des artisans qui fabriquent des tagines et des théières, des agences de communication qui vendent la destination ou le produit…

Cette multitude d’écosystèmes qui font travailler de nombreux corps de métiers, sans parler des contributions fiscales générées par chaque prestation touristique (hébergement, restauration...) ne sont, la plupart du temps, pas tous recensés ou réglementés dans les métiers du tourisme ou dans la plus-value économique apportée par le secteur.

C’est donc l’occasion de travailler avec les acteurs publics pour faire en sorte que ces emplois indirects se développent dans le tourisme rural, médical, sportif et dans beaucoup d’autres niches qui permettront d’avoir un développement plus équitable dans chacun de nos territoires (montagne, désert, mer…).

- Contrairement aux prévisions pessimistes qui ne tablaient sur un retour à la normale qu’en 2025, votre optimisme montre que la situation a totalement changé et plus vite que l’on ne s’y attendait ?

- Tous les experts ont revu leurs prévisions avec un agenda de reprise plus court que ce qui était prévu, mais pour les pays qui s’en donnent les moyens.

S’il convient d’être optimiste, il faut rappeler que le mois dernier, nous étions à seulement 30% de taux d’occupation concentré lors des week-ends, alors que le reste de la semaine, les hôtels étaient vides.

Tout cela pour dire qu’il faut relativiser l’euphorie actuelle ; la reprise doit être accompagnée pour aller plus loin.

Nous avons du retard par rapport à certains concurrents comme la Turquie ou Dubaï qui ont récupéré en 2021 la même activité qu’en 2019 parce qu’ils ont investi dans la promotion et dans leur réseau aérien.

Ceux qui ont récupéré 50% du trafic en 2021 retrouveront les chiffres de 2019 à la fin 2022. En revanche, le Maroc a été handicapé par la fermeture de nos frontières les premiers mois de l’année 2022 et par les mesures drastiques qui exigeaient à la fois un test PCR et un pass vaccinal.

Aujourd’hui, nous devons rattraper le temps perdu. Comme je vous l’ai dit, la célérité du retour sera liée au développement de notre réseau aérien qui progresse, mais est encore beaucoup trop limité pour démentir les pronostics pessimistes de retour à la normale.

- Quid des prévisions de 13 millions d’arrivées à la fin 2023 ?

- Sachant que le Maroc a une très bonne image à l’international pour sa gestion exemplaire de la crise et que la demande pour notre pays ne se dément pas, le levier de l’aérien permettra de créer un cercle vertueux qui pourrait réserver bien des surprises en matières d’arrivées au terme de l’année prochaine.

- L’objectif ministériel d’atteindre les 26 millions de touristes dès 2030, c’est-à-dire doubler le chiffre de 2019, est par conséquent tout à fait envisageable ?

- Selon moi, il est difficile de se prononcer aujourd’hui sans une véritable étude et sans que la situation ne soit complètement stabilisée. Je pense que notre priorité, aujourd’hui, c’est surtout de rattraper notre retard et de mobiliser des capacités aériennes.

Si nous mettons tous les moyens nécessaires pour accompagner le développement du secteur, alors tous les champs du possible pourront être envisagés.

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