Entretien : “Quoi qu’il arrive, les 3.700 étudiants d’Ukraine auront une année blanche” (M. Kacimi Alaoui)

Dans cet entretien, le coordinateur général de la Commission nationale des étudiants en médecine générale, dentaire et pharmaceutique expose les raisons pour lesquelles les 3.700 étudiants Marocains d’Ukraine connaîtront une année blanche jusqu’en 2023.

Entretien : “Quoi qu’il arrive, les 3.700 étudiants d’Ukraine auront une année blanche” (M. Kacimi Alaoui)

Le 21 mars 2022 à 19h26

Modifié 21 mars 2022 à 19h34

Dans cet entretien, le coordinateur général de la Commission nationale des étudiants en médecine générale, dentaire et pharmaceutique expose les raisons pour lesquelles les 3.700 étudiants Marocains d’Ukraine connaîtront une année blanche jusqu’en 2023.

Médias24 : Pourquoi refusez-vous l’intégration dans nos facultés des 3.700 Marocains qui étudiaient en Ukraine pour devenir médecins, dentistes ou pharmaciens, avant le début de la guerre ?

Mohamed Kacimi Alaoui : Dans notre communiqué, il n’a jamais été question de refuser leur intégration, mais plutôt de constater l’impossibilité de les intégrer dans les conditions actuelles de formation médicale, dentaire ou pharmaceutique, aussi bien dans le milieu universitaire (études) qu’hospitalier (stages).

Datant de 2010, nos revendications pour améliorer la qualité de la formation ont abouti à un accord en 2019, qui n’a rien arrangé à la situation catastrophique des étudiants qui sont déjà largement en surnombre. Il est par conséquent impossible d’en recevoir davantage.

- Malgré le cas de force majeure ?

- S’il est évident que le principe constitutionnel de l’équité des chances doit être respecté, et que ces étudiants doivent jouir des mêmes droits que leurs concitoyens, il n’empêche que les études médicales et pharmaceutiques très longues nécessitent des étudiants compétents et aptes à soigner la population.

C’est la raison pour laquelle les facultés publiques marocaines exigent certaines conditions pour entamer des études médicales, alors que certains instituts de santé ukrainiens ne demandent rien aux candidats.

Dans certains instituts privés, il suffit d’avoir son baccalauréat pour s’inscrire en médecine, puis de payer ses frais annuels d’inscription, avant de retirer son diplôme de médecin après sept années sans vraiment étudier.

- Mais alors pourquoi nombre de ces diplômés d'Ukraine pratiquent-ils le plus légalement du monde au Maroc ?

- Ceux que vous évoquez ont étudié dans des universités publiques, dont le diplôme a fait l’objet d’une équivalence au Maroc, mais il y a également de très nombreux Marocains inscrits dans des instituts privés.

D’ailleurs, lors du printemps arabe de 2011 en Tunisie, on s’est retrouvé devant la même conjoncture avec des étudiants marocains bloqués, qui n’ont pas pu continuer leurs études au Maroc à cause d’un vide juridique, alors que la Tunisie forme les meilleurs médecins du continent africain.

Aujourd’hui, il n’est pas normal d’accepter des étudiants qui obtiennent quasi gracieusement leur diplôme, alors qu’au Maroc ils doivent se battre pour réussir à se faire accepter au sein des facultés de médecine.

- Ce sont là de graves accusations contre la fiabilité de l’enseignement médical ukrainien...

- Je ne veux pas généraliser, mais c’est le cas dans quelques instituts.

- Dont le diplôme est reconnu au Maroc ?

- Non.

- Et les diplômes des facultés publiques ?

- Ils sont reconnus, mais après un long processus. En effet, une fois rentré au Maroc, le nouveau diplômé d'Ukraine devra passer deux années d’équivalence, et un examen présidé par un jury d’experts qui décidera s'il est apte ou pas à devenir médecin, dentiste ou pharmacien au Maroc.

Sachant que la capacité et les structures d’enseignement universitaire ne permettent déjà pas d’accueillir les étudiants en interne, comment voulez-vous qu’elles puissent intégrer ceux qui viennent d’Ukraine ?

Pour vous donner un exemple parlant de notre situation qui est vraiment catastrophique, nous avons une moyenne de 80 stagiaires pour une dizaine de stages, et trois ou quatre enseignants pour les encadrer une ou deux fois par semaine, alors que partout ailleurs, l’encadrement des médecins-stagiaires doit être quotidien. Les lacunes sont partout, au niveau de la gouvernance, tant au niveau qualitatif que quantitatif.

Sachant que les étudiants en médecine générale, dentaire et pharmaceutique, en provenance d'Ukraine, sont au nombre de 3.700, nous ne sommes pas dans la capacité d'accueillir un effectif aussi important.

- Si vous ne deviez retenir qu’un seul argument contre leur intégration immédiate, quel serait-il ?

- Trois points plutôt : le principe de l’équité des chances qui doit être respecté ; l’insuffisance actuelle de la capacité qualitative et quantitative d'accueil ; et enfin l’importance de cette demande, car il ne s’agit pas de quelques dizaines ou centaines, mais de milliers d’étudiants qui doivent être casés.

- Selon vous, que faut-il faire avec les étudiants de dernière année ?

- Ce n’est pas au maillon le plus faible de la chaîne de se prononcer au détriment de ses propres intérêts, mais au ministère de tutelle de trouver les ressources budgétaires et humaines pour les accompagner sans pour autant les intégrer brutalement, ce qui ne ferait qu’aggraver la situation catastrophique actuelle.

- Le ministère a pourtant parlé de les intégrer après un examen au cas par cas...

- Avant d’entrer dans le détail, nous estimons qu’il est possible de les intégrer dans des universités de pays voisins de l’Ukraine, qui ont le même modèle d’enseignement très éloigné du Maroc.

Il existe donc des alternatives dans des pays d’Europe de l’Est (Roumanie...), l’Allemagne…

- Est-ce que le véritable différend entre votre commission et celle des Marocains d’Ukraine ne réside pas dans une question de moyens, avec d'un côté des étudiants expatriés nantis, et de l’autre des locaux qui n’ont rien ?

- Absolument pas, car qu’ils aient des moyens ou pas, ce sont nos concitoyens, mais nous considérons que l’enseignement public doit rester valorisé pour générer des médecins de qualité.

- Alors pourquoi proposer de les orienter vers des universités marocaines privées ?

- Parce que c’est une alternative qui peut être discutée pour les étudiants ayant éventuellement les moyens et que, j'insiste, les diplômes ne doivent pas être dévalorisés sans concours d’entrée par exemple.

- Seriez-vous toujours contre leur intégration au Maroc s’ils faisaient l’objet d’une évaluation sérieuse ?

- Sans amélioration rapide des infrastructures d’enseignement et hospitalières, bien évidemment ; car, encore une fois, ils ne feraient qu’aggraver la situation actuelle qui est déjà plus que catastrophique, aussi bien en ce qui concerne la qualité de l’enseignement que la capacité limitée de l’accueil des étudiants.

- A vous écouter, une année blanche se profile pour les 3.700 étudiants marocains d’Ukraine...

- Évidemment, car avec la meilleure volonté du monde, le gouvernement ne pourra pas trouver des voies législatives rapidement et mettre en œuvre des solutions en quelques semaines.

A ce propos, nos suggestions et arguments qui concernent la rentrée 2022-2023 feront l’objet d’une réunion, dans quelques semaines, avec le ministre de l’Enseignement supérieur et les acteurs concernés.

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