Aicha Zaimi Sakhri: Horrates, une émission féministe pour les hommes et les femmes

Quatre semaines après la première diffusion de sa nouvelle émission hebdomadaire intitulée "Horrates", la journaliste Aïcha Zaimi Sakhri revient pour Médias24 sur l’utilité d’un programme centré sur la condition des femmes et destiné à tous les publics. Explications.

Aicha Zaimi Sakhri: Horrates, une émission féministe pour les hommes et les femmes

Le 6 mars 2022 à 13h24

Modifié 9 mars 2022 à 12h35

Quatre semaines après la première diffusion de sa nouvelle émission hebdomadaire intitulée "Horrates", la journaliste Aïcha Zaimi Sakhri revient pour Médias24 sur l’utilité d’un programme centré sur la condition des femmes et destiné à tous les publics. Explications.

A la fin des années 90 et au début des années 2000, les luttes féminines au Maroc s'étaient intensifiées pour demander davantage d'égalité entre les sexes et également pour l'autonomie, l'éducation, le travail des femmes et des filles; pour que la femme soit considérée comme majeure dans tous les domaines de la vie. En 2004, ce fut à l'initiative du Roi Mohammed VI et contre la volonté d'un parti politique bien connu, qu'il y a eu cette réforme inédite de la Moudawana, le code juridique fixant le statut personnel des femmes et des familles.

Un magazine avait accompagné et parfois anticipé ces années de lutte: Femmes du Maroc, créé au sein du groupe Caractères et dont l'équipe était à l'époque dirigée par Aicha Zaimi Sakhri. Ce magazine a, en partie, incarné ce combat féminin. Il avait même, en 1997, créé l'événement international de mode "Caftan" dont l'objectif était d'encourager la créativité car sans créativité le Maroc restait un pays de sous-traitance.

Après avoir quitté le monde de la presse, Aicha Zaimi Sakhri revient, à travers une émission dans le cadre de la chaîne M24 de l'agence MAP. Entretien.

Médias24 : C’est quoi l’émission télévisée Horrates et pourquoi aujourd’hui ?

Aicha Zaimi Sakhri : Elle est liée à mon combat dans les médias pour l’émancipation des femmes.

Sachant que les médias ont changé et se sont transformés, j’ai proposé cette émission télévisée intitulée délibérément « Horrates » soit « Libres » qui est le but ultime de tout être humain, homme ou femme.

Si le but est de donner des recettes pour savoir comment se libérer davantage, c’est parce que depuis 10 ans, il n’y a pas eu beaucoup d’avancées sur les questions qui touchent à la condition des femmes et qu’il est par conséquent temps de remettre ce mouvement en marche en particulier de la société civile.

Après la réforme du code de la famille pour laquelle la société civile a été très active, le mouvement s’est un peu endormi notamment après l’arrivée aux affaires du PJD pendant 10 ans où chacun s’est affairé à conserver ses acquis plutôt qu’à élargir les horizons de liberté.

-Dans une société patriarcale voire misogyne parfois, ne pensez-vous pas prêcher dans le désert ?

-Je ne sais pas. Mais ce qui est sûr, c'est qu’il ne faut pas laisser la place libre mais dire ce que l’on pense et essayer de convaincre en particulier quand on est convaincu soi-même du bien-fondé de ses positions.

Quand nous avions démarré le magazine Femmes du Maroc en 1995, nous partions de zéro et pourtant nous nous sommes bien débrouillés en termes de persuasion.

S’il est vrai que nous ne représentons pas un pourcentage important de notre société, je pense sincèrement que le changement vient souvent du haut à savoir des gens qui ont la connaissance et qui peuvent convaincre.

-L'émission est en langue française. Certains risquent de vous qualifier de bourgeoise décalée par rapport au Maroc profond…

-Je n’ai rien à répondre à ce genre d’attaques d’autant plus que j’y suis habitué depuis au moins 1995.

S’il est sûr que je n’ai pas le profil de la victime qui milite pour le changement de la condition de la femme mais cela ne doit pas m’empêcher de me mobiliser et de participer à un changement dans une société où l’on puisse tous vivre ensemble malgré nos différences.

-Qu’espérez-vous ramener de concret pour faire bouger les lignes ?

-Parler, débattre, faire entendre des voix même minoritaires est très important pour notre société car la vraie démocratie est également la défense des minorités qui ont le droit de penser différemment.

-Etes-vous soumise par la chaîne M24 à des limites dans votre discours ?

-Absolument pas, nous avons une liberté totale d’inviter qui l’on veut et de traiter n’importe quel thème.

Selon moi, le combat féministe concerne l’ensemble de la société et pas seulement les femmes car les hommes ont aussi beaucoup à gagner.

-C’est du bon sens ?

-Tout à fait, car l’égalité donne des droits mais aussi des obligations.

-Pensez-vous que la société marocaine soit vraiment prête à accepter une émission où on parle de la liberté de disposer de son corps et de gérer les éventuelles conséquences de cette liberté ?

-Sachant que chacun de nous a une famille et des responsabilités, il est difficile dans une société comme la nôtre, de prendre des risques en venant défendre sur un plateau des valeurs comme « mon corps est à moi, j’en fais ce que je veux » mais il y a des manières plus soft d’en parler

Dans le même temps, il faut avoir un peu de courage et de finesse pour sortir de la victimisation actuelle et avancer après la dernière décennie qui a été marquée par une atonie du combat féministe.

-Au terme de votre contrat, qu’espérez-vous avoir apporté au débat sur les questions de genre ?

-Que le féminisme n’est pas un gros mot car je suis fatiguée de ces gens dont plusieurs femmes qui rejettent l’appellation féministe qui consiste, pourtant, à avoir les mêmes droits que les hommes.

En effet, il faut mettre des mots sur des maux pour avancer en termes de liberté car il y a beaucoup à dire sur le sujet.

-Lorsque vous dirigiez le magazine Femmes du Maroc, le combat féministe était très dynamique mais depuis une dizaine d’année, il s’est essoufflé, est-ce la faute de l’intermède PJD ?

-Si cette donnée a dû jouer dans l’essoufflement du combat, la réforme du code de la famille n’a pas complètement touché à plusieurs dossiers importants d’ordre patriarcal comme ceux de la polygamie, de l’héritage.

Il y a eu quelques avancées dans le contrat de mariage qui énonce que les conjoints se doivent respect mutuel alors qu’auparavant la femme devait obéissance à son mari et déférence à ses beaux-parents et, bien sûr, le droit au divorce pour les femmes même en y laissant des plumes.

-Dès l’adoption du code de la famille en 2004, on a l’impression que le combat s’est arrêté ?

-C’est vrai car la véritable priorité des femmes est devenue l’application des nouvelles mesures qui était très difficile sur le terrain, notamment pour le mariage des mineures qui peut toujours être contourné.

-Que faites-vous concrètement pour remédier à ce genre de scandale ?

-Étant une journaliste sensibilisée aux questions d’égalité, de genre et de parité, je milite à travers un média et pas dans les associations pour garder ma neutralité et ma liberté de questionner.

Dans FDM, nous avions réussi à devenir une espèce d’arbitre neutre pour faire avancer la cause féminine. Ce n’est plus la même priorité de la presse aujourd'hui mais des militantes 2.0 sur les réseaux sociaux.

-Cet activisme 2.0 vous rend optimiste ?

-Ce qui me rendrait vraiment optimiste serait plutôt une sorte d’association entre les anciennes militantes et les nouvelles générations connectées qui ont beaucoup à s’apporter, aussi bien, en termes de repères sur le terrain que de nouvelles méthodes de communication.

-Sachant que la gauche a déserté cette cause, est-ce que le salut ne viendra pas du Roi ?

-Il est en effet regrettable de ne plus rien pouvoir attendre de certains partis politiques comme le PPS ou l’USFP qui étaient très actifs et à la pointe du combat féministe dans leur associations satellites.

Aujourd’hui, le code de la famille est en réalité un code de l’épouse qui possède des droits tant qu’elle est mariée. Les problèmes commencent au moment du divorce avec la garde des enfants ou du décès de l’époux avec la part d’héritage, sans parler des femmes célibataires qui n’ont aucun droit.

Si les progrès viendront en effet du Souverain, il convient cependant continuer le combat avec un mouvement de fond car on ne peut pas vous accorder quelque chose que vous n’avez pas demandé.

-Avez-vous plus de raisons d’y croire avec la coalition gouvernementale actuelle ?

-J’aimerais en être convaincue mais dans leur programme, ils ont évoqué les femmes uniquement par l’aspect économique. C’est important mais je trouve dérisoire leur objectif de faire travailler 30% des femmes alors que leur taux d’activité actuel est de 17%.

Je me dois cependant de rester optimiste car j’aime beaucoup mon pays même s’il donne, souvent, l’impression de ne pas aimer sa population féminine.

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