Hubert Vedrine. Quel impact aurait au Maroc la poursuite de l’invasion russe en Ukraine ?
Une semaine après l’invasion russe de l’Ukraine, Hubert Vedrine, ancien ministre français des Affaires étrangères, commente, pour Médias24, les conséquences stratégiques et économiques d'une crise devenue quasi mondiale pour des pays éloignés comme le Maroc et l'Algérie.
Hubert Vedrine. Quel impact aurait au Maroc la poursuite de l’invasion russe en Ukraine ?
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Samir El Ouardighi
Le 2 mars 2022 à 18h41
Modifié le 3 mars 2022 à 11h51Une semaine après l’invasion russe de l’Ukraine, Hubert Vedrine, ancien ministre français des Affaires étrangères, commente, pour Médias24, les conséquences stratégiques et économiques d'une crise devenue quasi mondiale pour des pays éloignés comme le Maroc et l'Algérie.
Médias24 : Le ministre des Affaires étrangères que vous avez été a souvent côtoyé Vladimir Poutine, avez-vous été surpris par l'attaque contre l’Ukraine ?
Hubert Védrine : C’est un sujet compliqué, mais le Poutine d’aujourd’hui n’est manifestement pas celui que j’ai connu pendant ses deux premiers mandats.
- Vous voulez dire qu’il s’est endurci ou radicalisé...
- Tout à fait car au fil des années, il est devenu de plus en plus nationaliste.
Il s’est également beaucoup rapproché de l’église orthodoxe avec une volonté de revanche extraordinaire comme de nombreux Russes qui n’ont jamais accepté l’indépendance de l’Ukraine, à la différence qu'eux ne sont jamais passés à l’action violente.
- Pensez-vous que le président sera soutenu par sa population ?
- Tout le monde en Russie se pose cette question, mais en réalité personne n’est capable d’y répondre.
- Pourtant, il ne donne pas vraiment l’impression de se soucier d’un soutien populaire...
- Ce n’est jamais aussi simple que cela, car même à l’époque de l’URSS et de la guerre en Afghanistan, la multiplication du nombre de Russes morts au combat avait fini par atteindre et affaiblir le régime.
En effet, aucun pays de la planète ne peut être verrouillé à 100%, et de plus la Russie n’est pas la Corée du Nord.
- A l’issue de cette confrontation entre l’Est et l’Ouest, à quoi devrait ressembler le nouveau monde ?
- Encore une fois, personne n’est en mesure de répondre à votre question qui, à ce stade du conflit, est encore trop prématurée
Cela dit, il est sûr que cette attaque russe condamnée par l’Occident va modifier pour longtemps leurs relations, et les ramener au niveau de ce qu’elles étaient au tout début de la guerre froide (rideau de fer à Berlin).
Cela va réveiller l’esprit de défense et de résistance en Europe, dans le sens de ce que reclamait la France depuis des années sans être soutenue, mais aussi provoquer des conséquences inconnues en Russie, car cette histoire qui ne fait que commencer peut durer des semaines voire bien plus
Au final, cette nouvelle situation géopolitique bénéficiera certainement à des pays émergents, comme la Chine, dans le nouveau monde qui découlera de ce conflit.
- Quelles éventuelles conséquences pour un pays comme le Maroc ?
- Que ce soit pour le Maroc ou la Tunisie, il n’y aura pas de conséquences stratégiques à proprement parler car, en réalité, le seul pays qui soit vraiment lié à la Russie dans la région du Maghreb est l’Algérie.
En revanche, il pourra y avoir des conséquences importantes en termes d’inflation des prix des produits alimentaires de base (farine, huile, sucre…), mais cela pourra aussi bien concerner le Maroc que l’Égypte.
Les vraies questions qui se posent pour le Maroc sont de savoir combien de temps vont durer ce conflit et les sanctions de l’Occident contre la Russie et, surtout, jusqu’où iront les augmentations de prix sur le marché international, car le Royaume n’a pas d’alliance stratégique avec la Russie comme son voisin de l’Est.
- La proximité stratégique de l’Algérie avec Poutine, mis au ban de la planète, avantage ou inconvénient ?
- En premier lieu et à l’image d'autres pays importateurs, l’Algérie sera confrontée à un problème d’explosion des prix alimentaires.
Il sera cependant plus important que pour les autres pays de la région pour la simple raison qu'elle ne produit presque rien.
De plus, l’Algérie aura un problème compliqué de relation bilatérale avec la Russie, que n’ont pas les autres pays qui n’en dépendent pas d’une manière ou d’une autre, à l’image de la Syrie par exemple.
En effet, l’escalade actuelle reste très inquiétante, mais tout dépendra de la direction prise par le conflit.
Si, dans quelques jours, les parties arrivent à s’entendre sur un compromis vaseux, l’Algérie sera moins gênée, mais il en sera autrement si la communauté internationale devait faire front commun pour dénoncer la politique d’agression de la Russie, mais ce n’est manifestement pas encore le cas.
- En d’autres termes, l’avenir apparaît assez nébuleux...
- Sachant que les analyses changent toutes les six heures, personne n’est capable de se projeter et de vous dire ce qu’il va se passer dans les jours ou les semaines à venir…
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Samir El Ouardighi
Le 2 mars 2022 à 18h41
Modifié 3 mars 2022 à 11h51