Aziz Akhannouch a-t-il convaincu pour son premier grand oral ?

Pour sa première sortie médiatique qui coïncide avec les 100 premiers jours du gouvernement, le chef de l’exécutif s’est voulu rassurant sur tous les sujets posés sur la table, évitant toutefois d’aborder frontalement les questions problématiques. Peu challengé sur ses réalisations ou sur les grandes promesses formulées, il a eu une autoroute pour dérouler son discours sans grande difficulté.

Aziz Akhannouch a-t-il convaincu pour son premier grand oral ?

Le 20 janvier 2022 à 18h19

Modifié 21 janvier 2022 à 12h31

Pour sa première sortie médiatique qui coïncide avec les 100 premiers jours du gouvernement, le chef de l’exécutif s’est voulu rassurant sur tous les sujets posés sur la table, évitant toutefois d’aborder frontalement les questions problématiques. Peu challengé sur ses réalisations ou sur les grandes promesses formulées, il a eu une autoroute pour dérouler son discours sans grande difficulté.

Pour la première sortie du chef du gouvernement, on attendait un grand moment de télévision. Un vrai débat politique et économique qui va au fond des sujets, décortique les réalisations ou l’esquisse des stratégies amorcées par le gouvernement durant les trois premiers mois, analyse les signaux émis (ou non), challenge le tout avec les promesses électorales faites aux citoyens, et affronte surtout de manière directe et franche les problématiques du moment.

De tout cela, il n’en fut rien ou presque. De passage sur les deux chaînes nationales Al Oula et 2M, Aziz Akhannouch ne nous a rien offert de nouveau. Il a parlé de cohésion gouvernementale, justifié son manque de communication par son style (travailler, ne pas trop parler), abordé les sujets de la santé, de l’éducation comme s’il était encore en campagne, encore en termes de promesses, de projets, et toujours pas de visions ou de plans clairs ni de chantiers programmés, et donnant l'impression de réduire le sujet de l’emploi sur lequel il a promis la création d'un million de nouveaux postes sur cinq ans au programme Awrach (250.000 emplois temporaires sur deux ans) et aux programmes de soutien aux jeunes entrepreneurs, Intelaka et Forsa.

Relativisme et optimisme, le fil rouge du discours d'Akhannouch

La sortie du chef du gouvernement est une bonne chose en soi. Les citoyens marocains ont enfin pu le voir, l’entendre. Et il s’est voulu rassurant sur tous les sujets, quitte à relativiser légèrement la réalité ou à cacher (intentionnellement ou pas) les grands dangers qui guettent, notamment le pouvoir d’achat des ménages ou encore le stress hydrique. Et sans parler du tout de la problématique centrale de la croissance, qui après un rebond mécanique en 2021 de 6,8 à 7,2%, selon Bank Al-Maghrib et le HCP, retombera à moins de 3% en 2022 et en 2023 (prévisions de Bank Al-Maghrib), alors que l’équipe aux affaires s’est engagée sur 4% en moyenne sur cinq ans.

Le seul point sur lequel le chef du gouvernement a été franc est celui du chantier de la protection sociale. Un chantier royal révolutionnaire sur lequel le gouvernement a planché ces trois premiers mois, avec la publication de 14 décrets ciblant 11 millions de personnes, a déclaré le chef du gouvernement tout en reconnaissant la difficulté de sa mise en œuvre. Un discours de vérité que l’on aurait aimé entendre sur plein d’autres sujets.

Comme celui du pouvoir d’achat, où le chef du gouvernement s’est montré loin des réalités, du vécu quotidien du citoyen, voire des chiffres officiels des institutions financières et de prospective du pays.

Pour lui, le pouvoir d’achat des Marocains ne connaîtra aucune dégradation, malgré l’inflation galopante dans le monde. Le Maroc, selon lui, a enregistré un taux d’inflation de 1,8% en 2021 et restera sur le même taux en 2022. Ce qui aura peu d’impact sur le panier de la ménagère, surtout, dit-il, que les principales matières consommées (fruits, légumes, viandes et farine) ne sont pas concernées par les hausses de prix.

Au final, ce vendredi 21 janvier, le HCP a publié le taux final de l'inflation. Il est de 1,4%, moins que ce qu'avait prévu Akhannouch. Mais cela reste une hausse, car ce chiffre succède à 0,7% en 2020 et 0,2% en 2019.

Dans son budget exploratoire pour l’année 2022, publié en début de semaine, le HCP note d’ailleurs que la croissance du pouvoir d’achat des ménages va baisser à 1,1%, contre une croissance moyenne de 4% en temps normal. Une donnée que nous a confirmée le haut-commissaire au Plan dans une interview accordée à Médias24, où il a appelé justement le gouvernement à tenir un discours transparent et franc aux citoyens sur cette question, afin d'expliquer les réalités du moment.

Un chef de gouvernement doit-il nécessairement être rassurant ou doit-il plutôt tenir un langage de vérité (même s’il fait mal) aux citoyens ? Aziz Akhannouch semble avoir choisi la première option.

Ce « relativisme » ou « optimisme » était un peu le fil rouge de ce grand oral du chef du gouvernement.

On l’a remarqué également sur la question du stress hydrique, où Aziz Akhannouch s’est voulu encore une fois particulièrement rassurant, estimant qu’il s’agissait là d’un vieux discours, et que les choses n'étaient pas aussi graves qu’on pouvait le penser. À l'opposé de ce que son ministre de l'Équipement et de l’eau, Nizar Baraka, a affirmé lors du Conseil de gouvernement du 6 janvier, avec une présentation et des chiffres qui donnaient froid dans le dos ; en particulier sur la question de la rareté de l’eau (notamment dans les bassins de Moulouya, Oum Errabia et Tensift), de l’assèchement des barrages, des retards remarqués sur les chantiers de construction de nouvelles infrastructures hydriques ou de préservation des réserves souterraines. Un plan d’urgence de 2 milliards de dirhams avait été d’ailleurs validé et lancé par ce Conseil de gouvernement présidé par Aziz Akhannouch pour sauver ce qui pouvait l'être et éviter à certaines grandes villes de vivre des scénarios de pénurie d’eau potable.

Promesses vs réalisations : les grands absents du débat

Akhannouch était attendu également sur les grandes réformes promises dans l’éducation et la santé. À part les mesures prises par le ministre de l’Éducation (plafonnement du recrutement des enseignants stagiaires à 30 ans, dialogue social avec les syndicats, préparation d’un statut unique pour le métier d’enseignant), ou les mesures budgétaires contenues dans la loi de Finances pour la construction de nouvelles infrastructures hospitalières, le chef du gouvernement n’a pas livré l’esquisse de ces futures réformes, sur lesquelles son parti indiquait avoir une idée claire, avant même les élections. Ses déclarations et ses annonces sont restées vagues. Certes, le mandat ne comptabilise qu'une centaine de jours, mais il aurait mieux valu, en ce qui concerne sa propre communication, qu'il révèle des mesures concrètes ou même l’ébauche d’une vision ou d’un plan global à mettre en place dans ces deux secteurs stratégiques.

Affichant une posture optimiste sur les sujets sociaux mais aussi économiques, comme la crise inédite que traverse le secteur du tourisme, le chef du gouvernement n’a pas été non plus challengé sur les grands engagements de son programme.

La création d’un million d'emplois sur cinq ans ? La question n’a même pas été abordée, sans que l'on sache si c'est par manque de temps, à cause de la pression de l'émission, ou simplement si la promesse n'est pas encore précisée ; Aziz Akhannouch se contentant d’évoquer le plan « Awrach » qui ambitionne de créer 250.000 emplois temporaires sur deux ans, ciblant les populations qui ont perdu leur emploi en raison de la crise du Covid-19 ou celles n'ayant pas de qualification ou de formation.

Comment réaliser les 4% de croissance promis sur cinq ans ? Là aussi, silence radio, sachant que tous les sujets, que ce soit la généralisation de la protection sociale, la création d’emploi, la relance de l’économie et des entreprises, l’amélioration du pouvoir d’achat des ménages, sont fortement dépendants de la quantité et de la qualité de la richesse créée par le pays. Richesse qui alimentera le budget public et lui permettra de financer « l’État social », question sur laquelle Aziz Akhannouch s’est montré évasif, affirmant qu’il était optimiste quant à la question du financement des chantiers sociaux qui coûteraient pourtant 50 milliards de dirhams par an. Sans donner le moindre détail sur la manière de mobiliser ces énormes ressources.

La hausse des salaires des professeurs et du personnel de santé, les aides monétaires directes aux populations vulnérables, étaient également des promesses phares du parti du chef de gouvernement. La question, là encore, n’a pas du tout été abordée.

À la fin, le téléspectateur sort, après une heure et quart de dialogue, un peu sur sa faim, avec un sentiment « 3amziniste », en ne sachant plus si les engagements du gouvernement et des partis qui le composent sont toujours d’actualité ou pas. Ni à quoi il doit s’attendre au cours des mois et années à venir…

Si l’objectif de cette sortie médiatique était de montrer qu’il était là, présent, et de répondre aux critiques sur son grand silence depuis son investiture, le chef du gouvernement, on peut le dire, aura réussi son passage télévisé. On l'a vu, entendu, et on a pu capter son optimisme, son assurance affichée.

Mais si le but était de dire aux Marocains ce qui les attend, de parler de leur difficultés quotidiennes (toutes couches sociales et économiques confondues), des mille et une questions qui les taraudent, des menaces sur leur pouvoir d’achat, leur niveau de vie, des réponses que le gouvernement prépare, de l’avancement de cette révolution économique et sociale promise par le gouvernement avant et après son investiture ; et de parler surtout un discours de vérité, de dire les choses telles qu’elles sont même si elles sont parfois dures à exprimer ou à défendre, le chef de l’exécutif s'est montré peu prolixe. Ces questions seront-elles au menu d'une future sortie médiatique ?

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