Fives FCB vs Ynna Holding : Le dossier s’éternise, le conflit s’enlise
Cinq ans après le pourvoi en cassation, Ynna Holding et Fives FCB courent toujours après l'arrêt de la plus haute juridiction du Royaume. Les extensions pénales de ce litige, d'abord commercial, enlisent un dossier qui a bouclé la décennie.
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Abdelali El Hourri
Le 8 juillet 2021 à 17h51
Modifié 8 juillet 2021 à 17h51Cinq ans après le pourvoi en cassation, Ynna Holding et Fives FCB courent toujours après l'arrêt de la plus haute juridiction du Royaume. Les extensions pénales de ce litige, d'abord commercial, enlisent un dossier qui a bouclé la décennie.
Dix ans de procédures, dont cinq en cassation. Et toujours pas d’exequatur. Le litige entre Fives FCB et le groupe Ynna Holding est un cas d’école. Son sort est suspendu à une décision très attendue de la plus haute juridiction du Royaume. Les parties sont dans l’expectative pour un dossier aux grands enjeux financiers et juridiques.
A la Cour de cassation, l’affaire est à l’examen depuis 2015. Elle a été saisie par Ynna Holding et sa filiale Ynna Asment, en conflit depuis la fin des années 2000 avec Fives FCB. Le groupe Chaâbi conteste la reconnaissance, par la Cour d’appel de commerce de Casablanca, d’une sentence arbitrale internationale rendue en 2011 au profit de son adversaire français. L’arbitrage avait débouché sur la condamnation de la partie marocaine à près de 20 millions d’euros au titre de réparation… l’histoire d’une « rupture abusive » de contrat.
Cinq ans après le pourvoi devant les « sages », les deux entités attendent une décision définitive. Sur le dossier, la dernière donnée publique remonte à janvier 2019. La Cour avait décidé de réunir toutes ses chambres pour statuer sur l’affaire. Le litige avait d’abord atterri devant une chambre unique, puis deux. Sans aboutir sur un arrêt. D’où le renvoi devant les six chambres composant la Cour de Cassation, soit une trentaine de magistrats pour un seul dossier. Une démarche propre aux dossiers complexes.
Mais depuis, «rien à signaler », nous dit l’avocat de l’une des parties qui lâche tout de même un détail : « Le magistrat qui présidait le collège des chambres est décédé en février 2021. Nous attendons son remplacement », nous dit l’avocat d’affaires. « Avant cet évènement, il a fallu également remplacer la magistrate qui siégeait en tant que juge-rapporteur, détachée auprès de l’administration ». Deux éléments clés qui ont tour à tour sauté. Suffisant pour justifier un tel retard ?
Les enjeux de ce conflit ne sont pas que financiers. La plus haute juridiction du Royaume devra émettre un arrêt de principe, une jurisprudence qui aiguillera les prochains litiges qui présenteraient une problématique analogue. Le futur arrêt fera figure de source de Droit sur une question des plus épineuses : La clause compromissoire signée par une filiale peut-elle s’étendre à sa société mère ? C’est tout l’objet du conflit opposant Fives FCB au groupe marocain.
Fives avait sollicité un arbitrage international qui lui avait permis de réclamer à Ynna Holding le paiement de dédommagements "dus" par sa filiale Ynna Asment. Les arbitres lui ont donné gain de cause, condamnant solidairement la filiale et la société mère, consacrant ainsi l’extension de la clause.
2012, le président du tribunal de commerce casablancais rend une ordonnance d’exequatur, mais exclut Ynna Holding car « non-signataire » de la dite clause. 2015, la cour d’appel ira à rebours de cette décision qu’elle infirme, tout en s’alignant sur la sentence arbitrale. Ce que le groupe Chaâbi conteste, d’où son pourvoi en cassation.
Deux pieds au pénal
Techniquement, ce recours n’a pas d’effet suspensif sur l’exequatur accordé par la Cour d’appel. Cela explique, notamment, les nombreuses saisies diligentées par la société française. Certaines ont même conduit à l’enlisement du dossier, qui a aujourd’hui des extensions au pénal.
Au tribunal correctionnel de Ain Sbaâ , Fives attaque l’une des filiales de Ynna Holding pour « dissipation de biens saisis ». Cette entité faisait figure de tiers-saisi au profit de Fives FBC, ce qui ne l’a pas empêchée de « distribuer des dividendes malgré des saisies-arrêts », estime la partie plaignante. Le groupe français réclame 100 millions de DH en dédommagement. La défense, elle, fait valoir un arrêt de la Cour de cassation, rendu en 2019, qui invalide l’effet des saisies-arrêts en 2012.
A la mise en cause, on reproche également « une augmentation de capital fictive, effectuée après l’exequatur, par une juridiction marocaine, d’une sentence arbitrale rendue quelques années plus tôt en Suisse ». Cette affaire est programmée pour une audience qui se tiendra le 2 septembre 2021.
Dans un deuxième dossier pénal, c’est la société marocaine qui se pose en plaignante. Comme révélé par Médias24, Ynna Holding et sa filiale Ynna Asment avaient été les premiers à lancer les hostilités par une citation directe enregistrée en février 2020. Elles y attaquent leur adversaire pour « falsification d’un acte authentique, escroquerie, concussion, association de malfaiteurs et délivrance de fausses déclarations aux instances judiciaires ».
« Lors de l'envoi des convocations au côté adverse, nous avons été surpris de savoir qu'ils n'y siègent pas et que c'est une entreprise marocaine qui n'a aucune relation avec Fives qui y est domiciliée », détaille-t-on du côté du groupe Chaâbi.
Enregistrée en février 2020, cette citation directe est également à l’examen au tribunal correctionnel de Ain Sbaâ. Plus d’une année et 8 audiences plus tard, ce dossier marque le pas. La prochaine audience est programmée pour le 7 septembre 2021.
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Le 8 juillet 2021 à 17h51
Modifié 8 juillet 2021 à 17h51