Elections 2021: Le mercato politique bat son plein

A moins de trois mois des élections du 8 septembre, la transhumance politique est arrivée à son paroxysme, chacun cherchant une place au soleil pour avoir les meilleures chances de gagner. Dans ce marché, réanimé par le nouveau quotient électoral et le principe de non cumul de mandats, le RNI et l’Istiqlal sont les plus gros gagnants. A l’inverse du PJD et du PAM qui perdent de plus en plus de plumes. Le point.

Elections 2021: Le mercato politique bat son plein

Le 23 juin 2021 à 18h39

Modifié 30 juin 2021 à 15h45

A moins de trois mois des élections du 8 septembre, la transhumance politique est arrivée à son paroxysme, chacun cherchant une place au soleil pour avoir les meilleures chances de gagner. Dans ce marché, réanimé par le nouveau quotient électoral et le principe de non cumul de mandats, le RNI et l’Istiqlal sont les plus gros gagnants. A l’inverse du PJD et du PAM qui perdent de plus en plus de plumes. Le point.

Le mercato préélectoral n’est pas nouveau au Maroc. Il a accompagné tous les scrutins communaux, régionaux ou législatifs de l’histoire du pays. Mais en cette année 2021, ce « marché » des candidats est devenu très « liquide », pour reprendre une expression propre aux marchés des capitaux.

Il ne se passe pas un jour sans une annonce de ralliements d’élus d’un parti vers une autre formation politique. Des ralliements qui se font en masse, en groupes, avec des figures très puissantes, et qui sont assurées de gagner là où elles sont.

Dernier cas en date : celui de Younes Benslimane, député PJD et vice-président de la mairie de Marrakech qui a rejoint les rangs du RNI, poussant la formation islamiste à demander à la présidence de la Première chambre de l’évincer de son poste, en guise de représailles. Mais surtout pour donner l’exemple à d’autres élus PJD qui pourraient être tentés d’aller voir ailleurs.

RNI, le grand gagnant du marché des transferts

Et ce n’est pas la première figure du parti islamiste -qui était jusque-là immunisé de ce phénomène de transhumance- qui a préféré changer de parti et rejoindre les bleus d’Akhannouch. Iitimad Zahidi, une des figures féminines du parti, très populaire à Témara où elle est élue communale, a choisi aussi de rallier le parti de Aziz Akhannouch. Et elle n’est pas venue seule.

« Iitimad Zahidi est venue avec tout son groupe et son équipe. C’est un grand plus pour le RNI », commente un membre du parti de la colombe, content de voir des figures du parti islamiste rejoindre en série les rangs du RNI.

Et le RNI, que tous les analystes politiques qualifient de premier gagnant de ce mercato politique, ne s’en cache pas. A chaque ralliement, une pose photo est prise entre les nouveaux arrivants et le président du parti, avec com’ numérique à la clé, diffusion de la nouvelle sur le site du parti et sur les réseaux sociaux.

« Nous sommes en effet contents de voir que notre parti est devenu attractif pour des candidats forts, chacun dans sa circonscription. Ça confirme le nouveau positionnement du parti, et donne une indication sur comment les élus et les professionnels de la politique nous perçoivent », poursuit notre source, pour qui cette transhumance ne pose aucun problème éthique.

« Le RNI n’accepte pas tout le monde. Ceux qui veulent le rejoindre déposent une demande, un dossier. Et c’est après une étude approfondie du profil, que la décision est prise. Et quand ils nous rejoignent, les nouveaux arrivants signent un pacte d’honneur pour respecter la charte d’éthique du parti, son règlement… Et côté éthique, un membre d’un parti n’est pas dans une sorte de mariage catholique avec sa formation politique. Il peut changer d’orientation, d’opinions, ne plus être d’accord avec la direction de son parti et a pleinement le droit de changer de parti. C’est un droit… », souligne notre source du RNI.

Le parti de Aziz Akhannouch pique aussi dans les rangs du PAM. Et tape fort, comme avec la prochaine annonce du ralliement de Hicham El Mhajri, député de Chichaoua et une des stars parlementaires du tracteur. Un ralliement qui a été précédé de plusieurs autres…

« C’est un retour à la normale. Le PAM nous avait pris en 2016 beaucoup de candidats. Certains d’entre eux ont décidé de revenir à la maison. D’autres qui sont en désaccord avec la direction du PAM choisissent de venir au RNI. On ne va pas leur fermer la porte surtout s’ils répondent à tous les critères établis par le parti », nous dit notre source, qui affirme toutefois que le RNI a perdu aussi des députés, mais sans grand dégâts.

Il cite l’exemple de Mohamed Abbou, grande figure du parti à Taounate, et ancien ministre, qui a choisi de claquer la porte, ou de Abderrahim Bouaida à Guelmim. « Ce sont peut-être les seules figures du RNI qui nous ont quittés, en raison de désaccords avec le Président pour rejoindre l’Istiqlal. Mais ce ne sont pas de grosses pertes pour nous. A Taounate, nous avons recruté un gros calibre pour faire le poids contre Abbou, Lhaj Boussouf, qui est un grand agriculteur de la région et un ami du Président », affirme notre source.

Quand la machine « Istiqlal » se met en branle

Comme le RNI, le Parti de l’Istiqlal profite lui aussi à merveille de ce mercato estival. Surtout au Sahara où les ralliements se font en masse, grâce à la force d’attraction de l’homme fort du Sahara : Hamdi Ould Rachid.

« Il a tout pris, c’est incroyable. En plus de la région de Laâyoune où il est imbattable, il a fait une OPA sur Guelmim et Smara en recrutant les deux élus Pamistes Moulay Zoubir Habaddi et Lalla Maâlouma Boussaid, donnant au passage une claque au RNI qui lui a pris Sidi Hmed Chiguer, élu à Smara sous les couleurs de l’Istiqlal mais qui a rejoint récemment le parti de Aziz Akhannouch. Idem à Guelmim, où Sidi Hamdi a profité du différend entre Akhannouch et Bouaida pour rallier ce dernier à l’Istiqlal, en compagnie de l’homme d’affaires Mohamed Salem Lamjidri », commente un analyste politique.

Selon plusieurs sources, l’Istiqlal de Nizar Baraka a repris plus d’une vingtaine d’élus au PAM, sans compter d’autres candidats forts venus d’autres partis. A Fqih Bensalah, le PI a pu par exemple recruter le Rniste Samir Radiouss, un des notables de la région, ainsi que sa fille qui a rejoint la Chabiba du parti. Un ralliement scellé par une réception organisée par le SG du parti, Nizar Baraka.

Attractivité et opportunisme, les moteurs du marché

Pourquoi cette grande transhumance vers le parti de la balance ? « C’est une question d’attractivité », répond notre analyste politique. « Mais aussi d’opportunisme », ajoute-il.

« Pour le RNI comme pour l’Istiqlal, ces nouveaux arrivants ne sont pas des personnes lambda. Ce sont des gens qui sont généralement assurés de gagner quel que soit le parti où ils sont. Mais s’ils choisissent le RNI ou l’Istiqlal, plutôt que le PAM, le PJD, l’USFP ou le PPS, c’est parce qu’ils misent sur l’avenir et veulent se retrouver dans des partis qui vont compter durant les cinq prochaines années, soit au gouvernement, soit dans les conseils régionaux ou provinciaux. C’est du win-win. Les partis y voient des sièges garantis. Et les nouveaux arrivants une place et une position qui leur permettra d’exercer leur mandat dans de meilleures conditions pour servir au mieux leur clientèle», explique notre analyste.

Le choix RNI et PI, tient donc en cela : l’attractivité de ces deux partis qui pour beaucoup représentent une alternative sérieuse au PJD, dans les grandes villes, mais aussi au gouvernement. Et même s’ils n’arrivent pas premiers pour diriger le gouvernement, les professionnels de la politique savent que ces deux partis seront, quels que soient les scénarios post électoraux, aux affaires…

Mais pourquoi le PJD ne profite-t-il pas de ce phénomène sachant qu’il garde aussi toutes ses chances d’arriver premier ou du moins de rester un poids lourd dans l’équation politique, aussi bien dans les communes, les régions qu’au Parlement ? La réponse se résume en une seule phrase : le système particulier de démocratie interne du parti islamiste qui fait que les candidats ne sont pas choisis par la direction, mais investis par la base. Ce qui ne garantit pas au nouvel arrivant sa place, même s’il est le « Messi » de sa région.

Le PAM paie le coût de la normalisation

Ce qui n’est pas le cas du PAM, qui connaît selon tous les acteurs et observateurs de la scène politique une véritable « hémorragie » de ses députés. En cause : la fin de l’effet Ilyas Omari, gros astre solaire, aspirant tout ce qui se bouge autour de lui.

« Abdellatif Ouahbi a coupé avec la politique d’Ilyas El Omari, qui a fait de la captation des élus des autres partis un des leviers pour arriver au pouvoir. Et c’était violent. Car il a pris des candidats de chez tout le monde, et personne n’osait piper mot. C’est d’ailleurs quelque chose qui avait créé beaucoup de tensions avec le RNI et l’Istiqlal, qui ont été très lésés par la méthode Ilyas. La nouvelle direction est venue pour changer l’image du parti et rompre avec ces pratiques et veut nouer de bonnes relations avec tous les partis, et se normaliser. Le PAM n’est plus perçu comme le cheval gagnant de 2011 ou de 2006, mais est devenu pour beaucoup un parti comme les autres », tente d'expliquer notre analyste politique.

En plus de ce changement de positionnement, de visage, le PAM connaît selon plusieurs sources un certain délitement en interne. C’est un parti, nous dit-on, qui est géré de façon assez unique.

« Son conseil national ne s’est jamais tenu depuis l’arrivée de la nouvelle direction. Et c’est un parti, il faut le rappeler, qui n’a pas de bureau politique officiel. Il roule toujours avec un bureau politique provisoire. La méthode Ouahbi a créé aussi beaucoup de frictions et de tensions au sein du parti, y compris chez de grandes figures, comme Biadillah ou encore Hamid Narjiss qui pourrait rejoindre d’ailleurs l’USFP », nous dit une source partisane.

Interrogé par Médias24, Mehdi Bensaid, un des lieutenants de Ouahbi au sein du PAM reconnaît ce phénomène qui touche son parti, mais tient toutefois à le nuancer.

« S’il est vrai que certains élus qui n’ont pas été retenus pour se présenter aux prochains scrutins n’étaient pas contents et ont préféré migrer vers le RNI, la réalité est que certains n’avaient plus leur place au PAM (…) C’est de bonne guerre et cela arrive dans tous les partis du monde. Notre but est de fidéliser des équipes avec des patriotes accrochés à notre projet qui ont les mêmes valeurs et principes que nous », dit-il d’emblée, réfutant le terme « hémorragie » dans les rangs du PAM

« Non, il n’y a pas eu d’hémorragie de notables car les parlementaires qui ont quitté notre parti, le plus souvent en accord avec sa direction, se comptent en réalité sur les doigts d’une seule main. Certains départs s’expliquent aussi par le fait que certains de nos élus n’avaient aucune chance d’être réélus avec le nouveau quotient électoral où sauf exception, seules les têtes de listes sont élus. Partant de là, si le PAM privilégie un candidat au lieu d’un autre, il est tout à fait compréhensible que ce dernier préférera aller négocier avec un autre parti », explique-t-il.

Mehdi Bensaid nie « l’hémorragie », constatée pourtant par l’ensemble des observateurs politiques, mais a raison sur l’effet quotient électoral qui a beaucoup joué dans cette animation inhabituelle du marché des transferts.

Quotient électoral et non cumul des mandats : les effets accélérateurs

Du fait de ce nouveau coefficient électoral, qui élargit la base de calcul des résultats électoraux au nombre des inscrits, au lieu du nombre de votants comme ce qui se faisait jusque-là, il est difficile (sauf exception) pour un deuxième de liste de passer, quelle que soit la force du parti où il est encarté.

De ce fait, ceux qui ne sont pas têtes de listes ont tendance à chercher fortune ailleurs, ce qui favorise mécaniquement la transhumance. Une transhumance qui s’explique donc par des raisons arithmétiques, et qui est « moins violente » que celles que le paysage politique a connues en 2011 ou en 2016, comme nous l’indique une source partisane.

« En 2011 et en 2016, nous vivions dans une sorte de polarité PJD-PAM. Et le PAM, dans sa politique de prédation et le soutien affiché de l’administration à son égard, tirait sur tout ce qui bougeait, de manière violente, et piquait chez tous les partis. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, où la transhumance est certes importante, mais se fait de manière presque naturelle, sans animosité, puisque tout le monde en profite en vérité, notamment les grands partis », indique une de nos sources.

Autre élément tangible qui favorise la transhumance en cette année 2021 : le nouveau principe de non-cumul des mandats électoraux qui force les partis, qui présentaient auparavant une seule figure aux législatives, aux communales et aux régionales, à chercher plus de candidats pour couvrir toutes les circonscriptions.

Selon notre analyste politique, un parti qui veut tout couvrir, a besoin d’au moins 35.000 candidats. Ce qui est une première, surtout que cette année, les trois scrutins (législatif, communal et régional) se tiendront le même jour.

Mais ce mercato, ouvert depuis les premières prémisses de quasi-unanimité autour du nouveau quotient électoral, va bientôt se calmer, selon nos sources.

« Nous sommes actuellement au summum de ce phénomène, car les partis sont en train de finaliser leurs plans de batailles, de placer leurs hommes et femmes dans les différentes circonscriptions. Les principaux partis ont déjà presque tout couvert… », estime une de nos sources partisanes.

Les derniers transferts devront se faire dans les prochains jours, avec de grandes surprises, nous annonce-t-on, dans quelques régions. Mais les autorités vont bientôt siffler la fin de la partie, le dépôt des candidatures étant prévu vers la mi-août, quelques jours avant le démarrage de la campagne électorale…

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