Maroc : Une lente reprise prévue et un risque sur le financement des entreprises privées (FMI)
Le chef de la mission du FMI au Maroc, Roberto Cardarelli a dressé un état des lieux de l’économie marocaine et des risques liés à la crise. Pour lui, la reprise économique est bel et bien amorcée. Mais le poids du tourisme dans l’économie et son lent redémarrage seront pénalisants. L’accroissement des besoins de financement du Trésor pourrait également impacter la disponibilité des crédits au secteur privé.
Le 19 avril, le Policy Center for the New South (PCNS) a organisé un webinaire en compagnie des experts du Fonds Monétaire International (FMI) sur les perspectives économiques dans la région MENA et au Maroc.
Le chef de la mission du FMI au Maroc, Roberto Cardarelli prenait part au débat et a exposé la situation économique marocaine et son évolution durant la crise. Pour lui, le Maroc est résilient face aux répercussions de la pandémie. Les premiers signes de redressement se sont fait observer dès la seconde moitié de l’année 2020 et s'accèlèreront au fur et à mesure de l'avancement de la vaccination.
Reprise marquée par les exportations et les emplois industriels
Roberto Cardarelli a tenu à souligner les différents indicateurs attestant d’une reprise au Maroc. « Le premier message que j’aimerais souligner c’est qu’au début du redressement au Maroc, il y a eu un rebond au niveau des exportations de façon graduelle. Les importations ont rebondi de façon très importante début 2021 et concernent tant les biens de consommation que les biens d’équipement » souligne le chef de la mission du FMI au Maroc.
Ce rebond provient notamment des bonnes performances du secteur manufacturier. Le secteur a d’ailleurs généré 80 000 nouveaux emplois sur le dernier trimestre de l’année dernière. « Cela veut dire qu’un début de redressement se fait sentir pour l’économie marocaine. C’est un bon signal qui permet un certain optimisme » ajoute Roberto Cardarelli.
Tout comme l’expliquait Jihad Azour, directeur du département MENA et Asie Centrale au FMI, Roberto Cardarelli met l’accent sur la poursuite de la campagne de vaccination pour garantir une reprise économique rapide. Une campagne que le Maroc a très bien entamé, rappelle le FMI en notant que le pays fait partie des plus avancés de la région sur le sujet. L’institution table d’ailleurs sur une immunisation de la majorité de la population nationale au dernier trimestre 2021.
Toutefois, le FMI table sur un redressement économique globalement lent au Maroc, dans le sillage du rythme de la région MENA. Le PIB du Maroc en 2019 devrait être retrouvé d’ici la fin de l’année 2021 ou le début de l’année 2022 selon les données du FMI. Cependant, le secteur du tourisme pourrait ralentir la reprise économique du pays.
Le tourisme tributaire des vaccins
Le chef de la mission FMI au Maroc rappelle que cette campagne de vaccination est primordiale pour l’économie du pays, notamment pour le secteur du tourisme, dont la reprise est largement tributaire. « Cette vaccination est un enjeu crucial pour le Maroc notamment pour le secteur du tourisme, en raison de l’importance du secteur dans l’économie nationale » explique Roberto Cardarelli.
Une situation qui n’est pas aussi flagrante dans les autres pays de la région MENA, moins tributaire de l’industrie touristique dans leurs économies.« Quand on compare la situation du Maroc aux autres pays de la région, on voit que le Maroc est un pays pour lequel le tourisme joue un rôle très important. Ce secteur est et continuera d’être impacté. Nous pensons que le redressement sera long à cause des dégâts infligés au secteur touristique mais aussi à cause d’autres facteurs » poursuit le chef de la mission du FMI au Maroc.
Ces autres facteurs sont notamment financiers. Le Maroc a naturellement vu sa dette publique augmenter mais il fait également face à des risques de financement sur le secteur privé.
Le FMI signale un risque d’éviction
Roberto Cardarelli a souligné dans son intervention l’alourdissement de la dette publique marocaine. « On observe une augmentation de la dette publique et des financements croisés qui seront plus importants, peut-être de l’ordre de 15% du PIB en raison de la consolidation fiscale » pointe Cardarelli. Mais pour le FMI, le véritable risque n’est pas là. Il se situe autour d’un potentiel effet d’éviction du secteur privé. « Quand les banques doivent financer une bonne partie des besoins du Trésor, cela veut dire qu’il restera moins de crédits disponibles pour le reste de l’économie, c’est-à-dire le secteur privé » poursuit-il.
Fondamentalement, le fait que les besoins en financement du Trésor soient plus élevés en raison d’un déficit plus élevé, ne crée pas de nervosité au FMI.« Néanmoins, la situation risque d’être moins reluisante du côté du secteur privé. L’éviction du secteur privé en matière de crédit est devenue une caractéristique au Maroc. Donc, étant donné cette dynamique, il se peut que le rythme de la reprise soit impacté » explique Roberto Caradarelli.
Un meilleur cadre nécessaire pour les PME
Le FMI a également pointé les autres risques qu'encourrent le Maroc suite à la crise. Ils concernent notamment l'emploi et les inégalités d'accès au travail. « L’emploi a rebondi y compris dans l’industrie, mais il y a encore de nombreux problèmes sur le marché de l’emploi au Maroc. Les situations ne sont pas les mêmes chez les hommes et chez les femmes ainsi que dans les villes ou dans le monde rural. Les régions rurales du pays souffrent d’avantage. Plus longtemps ces problèmes persisteront, et plus cela risque d’éroder la croissance potentielle du pays » a rappelé le chef de mission du FMI au Maroc.
« Pour accélérer le rythme de la reprise et éviter les séquelles à long terme, des réformes structurelles sont indispensables » rappelle Roberto Cardarelli. Le Maroc les a déjà entamées en annonçant notamment les chantiers sur la couverture sociale généralisée.
Mais le FMI insiste particulièrement sur la nécessité d'améliorer les chances du secteur privé, en particulier la contribution des Petites et Moyennes Entreprises (PME) à l'emploi. « Il est important d’améliorer la neutralité du marché et d’éviter toutes distorsions qui empêchent le secteur privé et les PME de se développer. Ce secteur est pourvoyeur d’emploi et il convient de le renforcer » conclut-il.
>> Lire aussi : Grâce aux mesures mises en place, le Maroc a réussi à reprendre le chemin de la croissance (Jihad Azour, FMI)
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