Ralentissement de la vaccination: risques sur la reprise économique au Maroc

La relance de l’économie marocaine en 2021 est intimement liée au bon déroulement de la campagne de vaccination. Son ralentissement, couplé à l'aggravation de la situation sanitaire dans le monde et au renforcement des mesures de restrictions risque de retarder la reprise espérée au départ pour le deuxième semestre. La bonne campagne agricole qui s'annonce pourrait atténuer partiellement cet impact.

Ralentissement de la vaccination: risques sur la reprise économique au Maroc

Le 9 mars 2021 à 18h07

Modifié 11 avril 2021 à 2h50

La relance de l’économie marocaine en 2021 est intimement liée au bon déroulement de la campagne de vaccination. Son ralentissement, couplé à l'aggravation de la situation sanitaire dans le monde et au renforcement des mesures de restrictions risque de retarder la reprise espérée au départ pour le deuxième semestre. La bonne campagne agricole qui s'annonce pourrait atténuer partiellement cet impact.

La prévision de croissance économique de 4,6% en 2021 était basée essentiellement sur une vaccination anti-Covid massive de la population au premier semestre. Le ministre de la Santé avançait début janvier que les Marocains pourraient retrouver une vie normale à partir de mai, et qu’ils passeront un mois de Ramadan normal, sans mesures barrières.

Après des débuts encourageants qui ont permis au pays d'injecter la première dose du vaccin plus de 12% de sa population, et d’être parmi les pays qui ont fait un excellent départ, les choses commencent à se corser. Les stocks des premières doses sont presque épuisés, et le Maroc, comme tous les Etats du monde, a du mal à se réapprovisionner. Et l’objectif de départ de vacciner 80% de la population en 12 semaines semble compromis.

Une donnée qui change tout. Sur le plan sanitaire d’abord, puisque l’immunité collective ciblée ne sera pas atteinte dans les temps prévus. Puis sur le plan économique, la reprise étant intimement liée à un retour à la vie normale et à la levée de toutes les restrictions mises en place actuellement.

L’espoir d’une reprise au deuxième semestre, comme avancé par les autorités publiques, ainsi que le HCP, Bank Al-Maghrib, la Banque mondiale ou encore le FMI se retrouve aujourd’hui hypothéqué par cette guerre mondiale autour des vaccins et le grand déséquilibre entre l’offre mondiale et de la demande.

Lahlimi: "Les perspectives du départ ne sont plus à l’ordre du jour"

Contacté par Médias 24, Ahmed Lahlimi, Haut-commissaire au plan, pense que "si la vaccination n’avance pas comme prévu initialement, il va falloir qu’on réadapte notre plan de relance et notre manière de gérer cette crise".

"Les perspectives qu’on avait en début d’année ne sont pas à l’ordre du jour pour le moment. Mais il est très tôt de calculer l’impact exact de ce retard dans la campagne de vaccination sur la croissance prévue en 2021", ajoute le Haut-commissaire au Plan.

Cette difficulté à évaluer les choses ne vient pas du simple fait que la campagne soit en retard par rapport à ce qui était prévu, mais des évolutions nouvelles de la pandémie sur le plan international, selon M. Lahlimi.

"Dans cette pandémie, nous vivons en interdépendance avec le monde. Alors qu’on commençait à entrevoir une sortie de la crise en Europe fin 2020, avec un espoir de réouverture des frontières, on est retombé ces dernières semaines dans le scénario inverse. Les frontières se ferment partout et le Maroc a pris également des décisions en ce sens pour se protéger contre les nouveaux variants qui se multiplient et qui font des ravages chez notre premier partenaire commercial. Les choses deviennent donc très compliquées surtout pour les secteurs qui dépendent de l’international et de l’Europe et qui continueront à être à l’arrêt pour encore longtemps", explique Ahmed Lahlimi.

Le Haut-commissaire au Plan note toutefois que le Maroc a pris un pas d’avance par rapport à de nombreux pays, dont certaines économies avancées, en sécurisant les vaccins pour les personnes les plus vulnérables qui ont été toutes ou presque vaccinées et donc mises hors de danger.

"Ce que le Roi Mohammed VI a pu faire dans cette épidémie, je le compare, en valeur historique, à la gestion du dossier de l’’intégrité territoriale et à la dynamique économique qu’il a lancée au début des années 2000. Le Roi a sauvé des centaines de milliers de vies. Il a également sauvé une certaine fierté des Marocains, une certaine considération de leur pays et de leurs institutions qui fait actuellement défaut même dans des pays développés. On voit avec cette gestion de la crise la valeur d’un leadership fort et populaire, qui est respecté et aimé. C’est une œuvre qui doit être retenue historiquement. Maintenant, il ne faut pas minimiser les risques, ni trop se satisfaire dans ce qu’on a fait jusque-là. Cette crise que l’on croyait passagère semble être là pour durer encore longtemps", souligne-t-il.

Il faut désormais apprendre à vivre avec le virus

Le patron d’un grand groupe industriel consulté par Médias 24 semble, lui, optimiste, malgré le ralentissement de la campagne de vaccination et la guerre acharnée contre le peu de doses en production dans le monde.

"Le Maroc a réussi à vacciner les personnes vulnérables. C’est le plus important. Il faut désormais qu’on apprenne à vivre avec le virus et sortir de cette logique binaire qu’on nous impose et qui veut que la reprise soit liée à la vaccination. Cette année de crise nous a bien montré qu’on peut vivre avec le virus. Je ne sais pas d’ailleurs pourquoi on ne parle que de vaccins et pas de traitements. Si on arrive à développer un traitement efficace contre le virus, les choses seront réglées", signale notre source.

"Je ne veux pas faire de la macro, car ça n'a plus de sens en ces temps d’incertitudes. Mais en homme de terrain, et en citoyen marocain, je vois aujourd’hui que les gens vivent normalement, produisent, travaillent, consomment, peut-être moins qu’avant, mais la vie ne s’est pas arrêtée. Il faut être optimiste. L’essentiel, c’était de mettre les gens vulnérables à l’abri. Le reste est gérable. Et ce virus ne doit pas nous empêcher de vivre. Si on rentre dans cette logique, en changeant de mindset, on peut assurer une belle relance en s’appuyant sur nos propres capacités internes puisque le monde se referme encore. Et les stratégies qui sont mises en place aujourd’hui par les pouvoirs publics vont dans le bon sens. Il faut accélérer la cadence et continuer à faire du lobbying, à batailler pour notre pays, pour que l’on soit les premiers servis en termes de vaccins, de traitements. Si on a pu le faire de janvier à aujourd’hui, on peut le refaire dans les jours et semaines qui viennent. Rien n’est impossible", assure-t-il.

Cet esprit d’entrepreneur, d’homme de terrain, est certes encourageant, mais il reste, au moins sur le plan théorique, que la croissance est dépendante du rythme de vaccination. Quand le Maroc a annoncé le lancement de sa campagne de vaccination fin 2020 avec cet objectif de couvrir 80% de la population en 12 semaines, la Banque mondiale a relevé systématiquement les prévisions de croissance du pays de 1 point. Ce point va-t-il désormais disparaître ?

L’agriculture et l’informel : les deux bouées de sauvetage

Ahmed Lahlimi pense que le ralentissement de la campagne de vaccination, l’apparition de nouveaux variants dans le monde et les décisions de fermeture des frontières qui se sont ensuivies vont affecter la prévision de la croissance pour 2021. Mais que le Maroc pourra retomber sur ses pieds en réalisant une croissance de plus de 4%, grâce notamment à la "très bonne campagne agricole" qui s’annonce.

"Ce que l’on va perdre d’un côté, on va le gagner de l’autre. Car dans nos prévisions initiales, on ne tablait pas sur une excellente année agricole, mais sur une année moyenne. Grâce à la pluviométrie qu’a connu le pays, il nous paraît que cette campagne sera plus que moyenne, ce qui va apporter jusqu’à deux points de croissance de plus. L’agriculture va sauver cette année 2021", explique M. Lahlimi.

Le Haut-commissaire au Plan pense également que le Maroc dispose de secteurs qui peuvent tenir la barre en ces temps de crise, comme l’agro-alimentaire qui « peut nous assurer une autosuffisance », les services, mais aussi et surtout un secteur minier qui malgré la conjoncture peut être une locomotive de croissance. « Le secteur minier présente l’avantage de produire des choses non périssables. Même si les frontières du monde se ferment, ces produits peuvent être stockés et même gagner de la valeur avec le temps », explique-t-il.

Le Maroc selon lui peut également miser sur le développement de secteurs nouveaux où il a des atouts comme ceux de la technologie et de l’industrie de la santé pour gagner des points et se positionner dans de nouvelles chaînes mondiales de valeur.

Aux côtés de tout cela, Ahmed Lahlimi suggère également aux pouvoirs publics de s’appuyer sur le secteur informel pour gérer cette phase difficile.

"Je ne suis pas en train de défendre l’informel. Mais il faut être pragmatique. J’entends ici et là qu’il faut lutter contre l’informel. Ce sujet ne doit pas être à l’ordre du jour. Il faut bien sûr avoir une vision prospective pour résoudre les problèmes que pose ce secteur. Mais la lutte contre l’informel ne doit pas être dans l’agenda opérationnel des pouvoirs publics en ces moments difficiles. Ce secteur peut aider le Maroc à passer cette phase. Car il correspond à une certaine demande de production de biens et de services qui alimente une société qui, dans ces circonstances, aura encore plus tendance à s'auto-centrer. L’informel a une fonction économique, sociale et culturelle très importante dans notre pays", explique M. Lahlimi.

Ce secteur apporte selon le Haut-commissaire au Plan 30% du PIB et emploie plus de 40% de la population active. "Ces richesses et ces emplois correspondent bien à quelque chose. On parle d’un secteur qui produit, qui rend des services et qui répond à une demande qui existe et qui va s'accroître de plus en plus. Je ne suis pas en train de faire l’apologie de l’informel, je dis qu’il faut bien sûr réfléchir à des réformes pour l’avenir, mais gérer en même temps le présent au mieux de ce qu’il est possible de faire pour que l’on puisse limiter les dégâts sociaux et économiques de cette crise", poursuit M. Lahlimi.

Selon lui, cet informel ne sert pas qu’à faire vivre les populations et les familles qui y travaillent. Mais arrose également le secteur formel, dont plusieurs entreprises structurées sont dépendantes.

"Une bonne partie de l’informel approvisionne ou achète des produits de l’économie formelle. Et souvent, cette demande est la bienvenue pour la rentabilité de plusieurs entreprises, petites, moyennes et grandes. Il faut être pragmatique dans la gestion d’une crise, mais il faut être prospectif et réformateur dans notre vision de l’avenir", conclut-il. 

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