Plan de relance : faible impact inflationniste mais risque imminent pour les déficits jumeaux (CDG Capital)
Dans une note de recherche analysant le pacte national pour la relance économique et l’emploi, les économistes de CDG Capital anticipent peu d’impact sur l’inflation, surtout sur le court terme. Toutefois, ils prévoient un creusement des déficits public et extérieur ainsi que quelques risques systémiques qui pourraient menacer l’impact économique du plan de relance.
Les économistes de CDG Capital reviennent, dans un document de recherche diffusé ce mercredi 13 janvier, sur les impacts macroéconomique de la réponse du Maroc face aux défis économiques et sociaux, causés par la crise du Covid-19, qui s’est traduite par le pacte national pour la relance économique et l’emploi.
A rappeler que ce plan de relance de l’économie a été annoncé par le Roi Mohammed VI lors du discours du trône, en juillet dernier. Le Chef de l’Etat, après avoir souligné les lacunes mises à nu sur le plan social à cause de la crise du Covid-19 ; avait appelé à changer l’ordre des priorités et à mettre en œuvre un programme pour la relance économique avec comme priorités les revenus et l’emploi.
Dans ce cadre, l’Etat a prévu une injection de liquidités dans l’économie nationale estimée à 120 milliards de DH. 75 milliards de DH seront injectés sous format de financements bancaires, garantis par l’Etat à travers les programmes de financement de la CCG, à savoir « Relance TPE » et « Damane Relance », pour soutenir l’activité des entreprises privées et publiques.
45 milliards de DH seront affectés au Fonds Mohammed VI pour l’investissement, en vue d’assurer le financement des projets de partenariats public-privé (PPP) et le renforcement des capitaux des entreprises aux fins de leur développement.
Source : CDG Capital.
Les économistes de CDG soulignent que ce plan est de taille très importante par rapport au PIB (11%) comparativement à certains pays de la région et d’autres émergents. Ils trouvent aussi que le choix de recourir davantage au stimulus monétaire s’explique aussi bien par l’absence de risques inflationnistes, à court et moyen termes, que par l’absence de marge budgétaire confortable.
Ils indiquent que la transmission vers l’économie réelle devrait se faire, dans un premier temps, à travers le financement du besoin en fonds de roulement des entreprises, particulièrement celles touchées par la crise sanitaire, et dans un deuxième temps, par le soutien de la reprise de l’activité économique via la promotion de l’investissement privé et public. Pour sa part, le Fonds Mohammed VI pour l’investissement devrait remédier aux insuffisances du tissu productif et réduire le taux de pénétration des importations.
Faible impact inflationniste à court terme
D’après CDG Capital, les risques inflationnistes liés à l’injection de cette liquidité dans l’économie restent contenus sur le court terme. Les économistes expliquent cette anticipation par le fait que l’ensemble des facteurs déterminants de la consommation intérieure seraient toujours impactés par la crise en 2021, notamment la hausse prévue du chômage, le faible recul des transferts des MRE et la lenteur de la reprise des crédits à la consommation. Ainsi, tenant compte de ces éléments, le scenario d’une surchauffe des prix émanant de la confrontation offre/demande est exclu.
Toutefois, la stimulation de la distribution des crédits, associée à des niveaux bas des taux débiteurs, pourrait générer une hausse des prix de certaines composantes de l’inflation non alimentaire, notamment l’habitat et les services (éducation et santé), induisant ainsi une pression inflationniste à moyen/long terme, dont l’impact serait limité sur l’inflation globale compte tenu de la structure du panier de l’IPC.
Impact imminent sur les déficits jumeaux
Le vrai risque qui devrait résulter de cette injection de liquidité dans l’économie concerne les déficits jumeaux. CDG anticipe que l’impact sur l’équilibre extérieur et celui des finances publiques est imminent. Ces déficits devraient se creuser davantage. Cela s’explique par deux principaux facteurs :
> La forte dépendance de notre modèle économique aux importations énergétiques, d’équipement et de consommation
Selon CDG, le plan de relance devrait avoir un impact significatif sur l’équilibre extérieur en liaison avec le taux de pénétration des importations (mesuré par le rapport entre les importations et la demande interne) qui s’avère élevé. Cela se montre à travers la part des importations dans le PIB et la demande globale qui se sont élevées en moyenne à respectivement 43% et 37%, au cours de la dernière décennie.
Ainsi, sur la base de ces deux moyennes, permettant de retenir un taux de sortie de capitaux d’environ 41%, la part des 120 milliards de DH qui pourrait sortir hors du circuit monétaire national pourrait avoisiner à moyen terme les 49,5 milliards de DH. Ceci est l’équivalent de 15% des avoirs officiels nets de réserve actuels, qui s’élève à fin 2020 à 321 milliards de DH.
> La situation budgétaire fortement déstabilisée par le recul important des recettes fiscales après le déclenchement de la pandémie :
La contribution de l’Etat au montant total de 120 milliards de DH qui devrait financer ce plan de relance, notamment les 20 milliards de DH dont 15 milliards de DH du budget général et 5 milliards de DH du fonds Covid-19 ; pourraient alourdir le déficit et l’endettement publics pour l’année 2020.
En se basant sur les évolutions prévus, en 2020, du déficit et de l’endettement publics avec respectivement 40 milliards de DH et 71,6 milliards de DH, cette contribution de 20 milliards de DH explique à hauteur de 50% le creusement du déficit public et de 28% celui relatif à l’endettement au titre du budget général.
Défis systémiques à gérer
Les économistes de CDG notent également quelques risques systémiques qui pourraient menacer l’impact économique du plan de relance. Ces risques concernent :
> La canalisation des fonds injectés du côté de la demande au détriment du soutien de l’investissement et de la production : les fonds injectés pourraient alimenter plus la demande, principalement à travers le financement du besoin en fonds de roulement et la consommation des ménages, ce qui pourrait alimenter une vague inflationniste à moyen terme.
> La hausse du taux pénétration des importations : l’allocation d’une part importante des fonds injectés pour l’achat des biens aussi bien d’investissement que de consommation de l’étranger, pourrait générer une sortie de capitaux. Cela pourrait accentuer le déséquilibre de la balance commerciale et exercer une pression sur les réserves de change gérées par la Banque centrale.
> L’accroissement de l’économie informelle et du marché de change : cela pourrait accentuer la sortie de liquidité hors du circuit bancaire et affaiblir le multiplicateur de crédit, et ainsi ramollir l’apport du programme sur le plan économique.
> La montée des créances en souffrances : une hausse des créances en souffrances a été observée en 2020. CDG prévoit que cette tendance devrait se maintenir en 2021. Ils estiment ainsi que la hausse des créances en souffrance depuis fin février 2020 pourrait coûter autour de 1 point de pourcentage aux banques en termes de ratio de solvabilité. Cet impact sera probablement amené à s’exacerber, sa sévérité sur le bilan des banques dépendra de plusieurs facteurs mais aussi particulièrement de la proportion de créances garanties par la CCG.