PLF 2021. La réponse de Benchaâboun à ses détracteurs

Face aux critiques sévères des députés de l’opposition en séance plénière, le ministre des Finances a tenu à défendre son projet de loi des finances 2021, répondant du tac au tac aux attaques de ses détracteurs. Voici une synthèse de son plaidoyer.

PLF 2021. La réponse de Benchaâboun à ses détracteurs

Le 13 novembre 2020 à 19h35

Modifié 11 avril 2021 à 2h49

Face aux critiques sévères des députés de l’opposition en séance plénière, le ministre des Finances a tenu à défendre son projet de loi des finances 2021, répondant du tac au tac aux attaques de ses détracteurs. Voici une synthèse de son plaidoyer.

La séance plénière de présentation du rapport de la Commission des finances de la première chambre sur le projet de loi des finances 2021, tenue jeudi 12 novembre après son adoption en commission la veille, a été assez houleuse. Elle a duré plus de 4 heures et a vu défiler au perchoir l’ensemble des représentants des groupes parlementaires de la première chambre. Le PLF a été voté en première lecture, en plénière, ce vendredi 13 novembre.

Devant des groupes de la majorité divisés, dont certains n’hésitent pas à attaquer le bilan du gouvernement, l’opposition s’est montrée en toute logique encore plus virulente que d’habitude. Pointant d’abord du doigt ce manque de cohésion flagrant entre les partis de la majorité qui se chamaillent en live, rejettent les responsabilités les uns sur les autres, et où chacun essaie de défendre sa poire, l’opposition a eu une autoroute pour foncer à fond sur la politique gouvernementale et son projet de loi de finances 2021.

Un projet qualifié de budget « hors sol », « électoraliste », « ne répondant pas aux urgences du moment », « négligeant l’intérêt des citoyens »… Un budget, disent-ils, conçu par un gouvernement divisé, qui manque d’imagination et d’innovation pour trouver des solutions à la crise. Et qui se contente simplement d’appliquer les orientations royales sans apporter la moindre touche politique. Un gouvernement « paresseux » qui a produit un budget normal dans des circonstances qui ne le sont pas, estiment les groupes de la majorité.

Un « technocrate » pour défendre un gouvernement hétéroclite

Assis sur son siège, Mohamed Benchaâboun, qui fait ses premiers pas en politique, est resté tout au long de ces heures de flagellation, serein, calme, écoutant les députés et les critiques défiler, avant d’être appelé à la barre pour prendre la parole.

Une tâche pas facile pour un ministre « technocrate », qui appartient officiellement au RNI, mais qui doit défendre et son projet de budget et le gouvernement hétéroclite dont il fait partie.

L’ex-banquier n’a pas ainsi versé dans la politique politicienne. Mais a été très méthodique dans ses réponses, apportant à chaque critique des arguments chiffrés, des faits. Un discours qui n’est pas venu en rajouter à la polémique, mais qui appelle à la raison et met certains députés face à ce qu’il a appelé des contradictions dans l’analyse et la perception des choses.

A l’approche des échéances électorales, certains partis de l’opposition se sont livrés par exemple à un exercice d’analyse comparative entre les bilans des différents gouvernements qui se sont succédé depuis l’alternance pour démontrer le maigre bilan des gouvernements dirigés depuis 2011 par les islamistes du PJD.

Réponse de Benchaâboun : « Nous sommes devant une situation exceptionnelle. Nous devons mobiliser nos énergies pour dépasser cette phase au lieu de rentrer dans des comparaisons entre gouvernements, chercher qui a créé le plus d’emplois, le plus de croissance… sans prendre en compte les contextes de chaque époque ».

« Nous sommes tous d’accord que la crise a mis à nu plusieurs faiblesses de notre structure socio-économique. Dont la plus importante est le fait que les deux tiers des familles marocaines vivent de l’informel et ne disposent pas de couverture sociale. Ou encore la dépendance de notre économie à des secteurs fortement liés aux vicissitudes des marchés internationaux. Mais si l’on veut être objectif, cela n’est pas lié à un gouvernement en particulier, mais il s’agit d’un cumul… », lance-t-il. 

Sans tomber dans le piège de défendre le gouvernement Benkirane ou El Othmani face à ceux d’El Fassi, de Jettou ou d’El Youssoufi, Benchaâboun a décidé de prendre de la hauteur et de parler des évolutions du Maroc tout au long de ces deux dernières décennies. Les évolutions positives mais aussi les manquements…

« Notre pays, personne ne peut le nier, a réalisé d’importantes évolutions dans plusieurs domaines. Sur le plan macroéconomique, le PIB a doublé entre 2000 et 2019 pour dépasser les 1 000 milliards de DH. Les investissements publics ont triplé, avec un niveau de réalisation de près de 80% ces quatre dernières années. Le PIB par habitant a doublé, le chômage a baissé de 13,4 à 9,2% et le taux de pauvreté est passé de 15,3 à 4,8% sur la même période », liste-t-il.

« Sur le plan sectoriel, certains d’entre vous ont critiqué le plan Maroc Vert et le plan d’accélération industrielle. Je vous appelle à être objectifs dans la lecture et l’analyse des bilans de ces deux programmes. Et de ne vous arrêter que sur ce qui ne va pas. Ces stratégies ont permis au pays de faire de grands pas, en créant des emplois, en attirant des investissements, et ont transformé la structure de notre balance commerciale et de notre économie ».

« Il faut bien sûr pointer les points négatifs, mais en tirer, si l’on veut être dans une démarche constructive, les conclusions pour lancer une nouvelle génération de stratégies, en revoyant nos priorités pour construire une économie forte et compétitive, et un système social plus inclusif », ajoute l’argentier du royaume.

« De quelle paresse parlez-vous ? »

Autre chapitre de l’intervention du ministre des Finances, la réponse aux accusations de paresse gouvernementale, de manque d’imagination, et du fait que l’Exécutif ne fait qu’appliquer les orientations royales sans apporter un plus aux citoyens marocains.

« Il est paradoxal de dire que le gouvernement a des agendas qui ne correspondent pas aux besoins des Marocains et dire en même temps que c’est un gouvernement paresseux, qui n’innove pas, et qui ne fait que s’appuyer sur les instructions royales qui ne ciblent, comme tout le monde le reconnaît, que l’intérêt des citoyens », répond-il.

« De quelle paresse parlez-vous ? », lance le ministre en listant les actions que le gouvernement, et son département notamment, a entrepris depuis le déclenchement de la crise.

« Le gouvernement s’est mobilisé avec efficacité et rapidité pour appliquer les orientations royales pour lutter contre la pandémie, pour préserver la santé des citoyens, soutenir les populations qui ont perdu leurs sources de revenu et aider les entreprises à survivre et à sauvegarder les emplois. Considérez-vous la mobilisation, dans un temps record, de 21 milliards de dirhams pour plus de 5 millions de familles, dont 45% vivent dans le monde rural, et plus de 1 million de salariés comme de la paresse ? »

« Est-ce de la paresse de permettre à plus de 77.000 TPE d’accéder à des financements garantis à 90% par l’Etat avec un taux d’intérêt qui ne dépasse pas 3,5% ? »

« Est-ce de la paresse de préparer dans ces conditions une loi de finances rectificative, la première depuis 30 ans ? »

« Si cela n’est pas considéré comme du travail, de l’effort (ijtihad), dites-moi alors comment définissez-vous le travail et l’ijtihad… », lance Benchaâboun aux députés.

Le gouvernement, les orientations royales et les citoyens

« Vous nous dites que nous ne faisons qu’appliquer les orientations royales. Je vous réponds que nous sommes justement fiers de cela et d’être là pour mettre en place les grandes réformes annoncées dans les discours du Trône, de la révolution du Roi et du peuple et celui de l’ouverture du Parlement ».

« Ces orientations d’ailleurs ne sont pas destinées qu’au gouvernement, mais à tous les acteurs, le Parlement à leur tête », lance Benchaâboun aux députés.

« Notre seule priorité est de soutenir les citoyens marocains dans cette crise. Toutes les initiatives et décisions prises vont dans ce sens. Et le PLF 2021 s’inscrit dans la continuité de ces efforts ».

« La généralisation de la couverture sociale sera faite pour le citoyen marocain au faible revenu. 22 millions de Marocains bénéficieront de ce projet. Ils pourront désormais avoir une assurance maladie et une couverture sociale comme leurs concitoyens qui travaillent dans les secteurs privé et public ».

« La relance de l’économie avec le programme des 120 milliards de dirhams est également dans l’intérêt du citoyen. Soutenir l’entreprise, c’est soutenir la création d’emplois. Surtout l’emploi des jeunes à qui on a accordé une exonération de l’IR sur 3 ans ».

« La réforme du secteur public permettra également de donner de nouvelles marges budgétaires à l’Etat que l’on peut affecter aux secteurs sociaux et aux investissements productifs et créateurs d’emplois. Et tout cela, c’est pour le citoyen qu’on le fait », explique le ministre des Finances.

Les grands paradoxes budgétaires et les choix de facilité

Après avoir listé ces chantiers royaux que le gouvernement s’attèle à mettre en place, Benchaâboun a bifurqué sur le fond du sujet : le budget et la difficile équation du moment, celle de concilier la baisse des recettes, l’importance des besoins et des attentes et le défi de maintenir un certain équilibre des finances publiques.

« Nous avons besoin, gouvernement et Parlement, de travailler ensemble pour trouver des ressources nouvelles pour financer ces chantiers. Nous sommes devant un grand défi : nous devons, d’un côté, réduire le déficit budgétaire pour ne pas laisser filer l’endettement public, et de l’autre, générer des financements supplémentaires pour accompagner les grands chantiers de réforme ouverts par le Roi, tout en augmentant les budgets de la santé et de l’éducation et en accompagnant les différentes stratégies sectorielles ».

« Mais malgré cette équation difficile, nous allons réduire dès 2021 le déficit de 7,5 à 6,5%, et nous allons assurer le financement nécessaire pour les différents chantiers lancés, tout en augmentant les budgets de l’éducation et de la santé de 6 milliards de dirhams ».

« Cela est en soi un grand effort, parce que nous allons mobiliser des ressources nouvelles à travers la gestion active du portefeuille public, les financements innovants, et la contribution de solidarité. Nous avons aussi baissé les dépenses de fonctionnement de l'Etat de 3 milliards entre 2019 et 2021 ».

Des données que le ministre expose pour répondre aux critiques l’accusant d’avoir recouru à des choix de facilité pour boucler son budget : la conduite d’une politique d’austérité, la taxation de la classe moyenne et la dette.

Une assertion que le ministre qualifie de « non objective ».

« Nous avons choisi malgré la forte récession de faire une politique contracyclique en augmentant l’investissement public, en soutenant le pouvoir d’achat des ménages et en soutenant les entreprises, notamment les TPME », répond-t-il.

Benchaâboun relativise le surendettement public

« En toute logique, il fallait trouver des moyens rapides et nous sommes allés, comme tous les pays du monde, aux marchés pour lever de la dette. Mais il faut savoir que malgré l’augmentation du stock de la dette, son coût a baissé pour l’Etat au vu du relâchement des taux sur le marché local et la confiance dont jouit le Maroc à l’international. Les charges d’intérêts que nous allons payer en 2021 seront ainsi de 28,6 milliards contre 29,3 milliards en 2020, soit une baisse de 2,25%. La structure de notre endettement reste également saine : la part de la dette à court terme ne dépasse pas 13,2% dans le total de la dette du pays, et celle libellée en devises ne dépasse pas 22% ».

« Et malgré la révision à la baisse de la notation du Maroc par Fitch Rating, ceci n’a pas eu d’impact sur l’image du Maroc et le coût de sa dette. La notation constitue certes un élément principal chez les investisseurs, mais ceux-ci prennent en compte d’autres critères comme les réformes engagées, le rythme de leur réalisation et la stabilité politique », explique-t-il.

Et pour conclure son intervention, le ministre a rappelé que ce projet de loi de finances est venu pour répondre à plusieurs défis : gérer l’évolution de la pandémie et ses impacts économiques, sociaux et psychologiques, mais aussi pour jeter les bases d’un nouvel avenir en exécutant les réformes annoncées par le Roi et en réduisant les déficits sociaux mis à nu par cette crise.

« C’est donc un budget pragmatique, où nous avons pris en compte nos capacités financières, tout en essayant d’innover pour en créer d’autres. Et c’est un budget de confiance et d’espoir qui vise à construire le Maroc de demain, et une couverture sociale pour tous les citoyens… », conclut le ministre, appelant les parlementaires à plus d’objectivité, et à sortir des logiques politiciennes pour faire réussir l’ensemble de ces défis. 

 

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