Risque de ruptures de stocks chez les concessionnaires de voitures

Les réseaux de vente de voitures neuves au Maroc risquent des ruptures de stock. Les mois de septembre et octobre seront critiques pour certaines marques en raison des commandes tardives auprès des constructeurs et d'une prudence en termes d’approvisionnement suite au risque de reconfinement.

Risque de ruptures de stocks chez les concessionnaires de voitures

Le 14 septembre 2020 à 16h10

Modifié 10 avril 2021 à 22h53

Les réseaux de vente de voitures neuves au Maroc risquent des ruptures de stock. Les mois de septembre et octobre seront critiques pour certaines marques en raison des commandes tardives auprès des constructeurs et d'une prudence en termes d’approvisionnement suite au risque de reconfinement.

L'activité des concessionnaires de voitures neuves au Maroc continue d'être affectée par la crise du Covid-19. Même si les ventes ont repris depuis le mois de juillet, les opérateurs font face à un risque accru de ruptures de stock, et ce, en raison de plusieurs facteurs, d’après des experts du marché, joints par Médias24.

Les stocks étroitement liés aux prévisions de vente

Un expert du secteur, requérant l’anonymat, nous a confié, ce lundi 14 septembre, que quatre principaux facteurs ont mené à cette situation:

- La fermeture des usines au niveau international après l’apparition du virus a donné un coup de frein à la production;

- Le manque de visibilité quant à l’évolution de la situation après le déconfinement. De peur de réaliser très peu de ventes, les marques ont réduit leurs commandes;

- L’augmentation des ventes en juillet et août, qui a engendré un rétrécissement des stocks.

- Le décalage temporel qu'il y a entre la commande et la livraison.

"Les stocks établis par les marques sont étroitement liés aux prévisions de vente. Et les livraisons peuvent prendre 4 à 5 mois. Donc si l’on prévoit de vendre 100 voitures par mois durant les 6 prochains mois, on doit s’y prendre bien à l’avance pour assurer suffisamment de stocks", ajoute notre source.

"Si, par exemple, le rythme de vente augmente subitement, et que la marque ne dispose plus d’assez de stocks pour couvrir les demandes, sa réaction (commande, NDLR) ne produira ses effets que dans 4 à 5 mois. En attendant, elle pourrait subir des ruptures".

Adil Bennani, président de l'Association des importateurs de véhicules au Maroc (Aivam), abonde dans le même sens et nous explique que "lorsqu’il y a eu le confinement à l’international, les usines ont été fermées, ce qui a engendré une baisse du rythme de production".

"Depuis la reprise des activités des usines après le déconfinement, les approvisionnements se font de manière progressive. Il y a donc un retard dans les livraisons. Les commandes dont les livraisons étaient prévues pour avril ou mai, ne sont arrivées qu’au mois de juillet".

D'un autre côté, "lorsque le confinement a impacté les ventes de voitures au Maroc, la première décision des marques a été d’arrêter les commandes, puisqu'à ce moment, elles avaient encore du stock et des livraisons qui arrivaient. Elles voulaient également attendre d’y voir plus clair", poursuit notre interlocuteur.

"Au sortir du confinement, il y a eu une première reprise de l’activité en juillet. Le marché s’est également bien comporté en août. Ce n’est que là que les opérateurs ont décidé de revoir leurs commandes légèrement à la hausse. Mais des commandes effectuées en juillet et août ne seront livrées qu’en novembre ou décembre. La période de septembre et octobre risque d’être marquée par des ruptures de stocks", pour certaines marques.

"Par ailleurs, malgré la reprise des commandes, les opérateurs ne sont pas encore à un niveau de confiance totale. A titre d’exemple, ceux qui sont habitués à commander et à vendre 100 voitures par mois, ne vont en commander que 50, puisqu’il y a une certaine incertitude. S’il y a encore une crise, ils seront contents d’avoir fait une petite commande. A l’inverse, si la demande est en hausse, ils se retrouveront en rupture de stock. On reste donc plutôt conservateurs qu’optimistes dans nos commandes, parce que le contexte le veut", ajoute M. Bennani.

Reprise des ventes en juillet

Cela dit, à quoi est due la reprise des ventes ces deux derniers mois, alors que le contexte économique demeure difficile pour la majorité des ménages et des entreprises? Y a-t-il un effet "promotions" lancés par les concessionnaires?

D'après l'une de nos sources, "les promotions actuelles ne sont pas très significatives. Il s’agit de réductions de 3 à 4% sur chaque véhicule. Les prix sont donc restés presqu'au même niveau."

Il s'agit plutôt d'un "rattrapage qui s'est effectué en juillet, par des personnes dont les véhicules sont arrivés à échéance durant le confinement (5 ans par exemple), et qui devaient les changer". 

Selon notre expert, "ce sont majoritairement des personnes dont les salaires n'ont pas été impactés par la crise, ou des sociétés qui ont besoin de véhicules pour poursuivre leur activité".

"En revanche, les sociétés lourdement impactées, telles que les sociétés de location de voitures ou de transport touristique, ne peuvent pas se permettre de tels achats en ce moment".

M. Bennani estime qu’il y a eu "un réservoir d’acheteurs qui ne sont pas passés à l’acte de mi-mars jusqu’à mi-juin. Ce réservoir est en train de se vider. Ces gens ont soit reporté ou annulé leur achat, soit attendu que la situation se calme pour revenir dans les showrooms et c’est ce que l'on observe actuellement".

"Une croissance de 10% pendant 30 mois pour rattraper la régression"

Toutefois, "le rattrapage qu’il y a eu sur les mois de juillet et août est loin de compenser la baisse des ventes qui s’est produite durant le confinement. Nous avons perdu trois mois de ventes, soit tout un trimestre", poursuit le président de l'Aivam.

"Ce ne sont pas les 10% de croissance en juillet et août qui vont rééquilibrer la situation. Ces taux ne feront que compenser 20% de pertes sur un seul mois. Il nous faut 30 mois d’affilée avec 10% de croissance pour récupérer les trois mois perdus".

Sur ce dernier point, M. Bennani reste réaliste. "On ne se fait pas d’illusions. Je ne pense pas qu’on puisse tout rattraper" nous confie-t-il. "La question qui se pose à présent c'est quand est-ce que la situation sanitaire se calmera, et quand est-ce que la confiance reviendra, de manière à ce qu’on puisse envisager un retour à la consommation? " ajoute-t-il.

Baisse de plus de 30% des ventes cumulées

Selon les statistiques mensuelles établies par l’Aivam, les ventes cumulées au mois d’août 2020 s'élèvent à 71.694 véhicules, toutes catégories confondues, soit une baisse de 31,07% par rapport à la même période de l’année dernière.

Dans le détail, il s’agit de 62.850 véhicules particuliers (VP), un chiffre en baisse de 32,61% par rapport aux ventes cumulées au mois d’août 2019. Sur les véhicules utilitaires légers (VUL), le marché a enregistré une baisse de 17, 78%, avec 8.844 véhicules vendus de janvier à août 2020.

Durant le seul mois d’août, 11.543 voitures ont été vendues, 10.193 VP et 1.350 VUL, soit une hausse de 12,82% par rapport à l'an passé.

Accès au financement plus difficile et prévisions mitigées pour le reste de l’année

Nos sources nous ont également confié que l’accès au financement est un peu plus difficile à présent.

"Il y a quelques restrictions côté crédit, et les organismes de financement font beaucoup plus attention. En général, ils refusent d’octroyer 100% du montant du véhicule, ils exigent une avance", d'après l'un de nos interlocuteurs.

Ce constat nous a également été confirmé par le président de l’AIVAM. "Actuellement, c’est plus difficile d’avoir un financement. Les impayés ayant flambé, les organismes de prêt sont plus regardants".

"Les sociétés de location de voitures ou de transport touristique peuvent même se voir refuser le crédit du premier coup, étant très touchées par la crise, contrairement aux fonctionnaires." 

Quid des prévisions pour le reste de l’année? "S’il n’y a pas de reconfinement durant les prochains mois, le chiffre d’affaires sur le deuxième semestre sera au même niveau que celui réalisé à la même période de 2019. Mais sur toute l’année, on aura toujours un retard de 20 à 25%", conclut une de nos sources.

M. Bennani, lui, espère qu'il y aura "un apaisement de la situation sanitaire durant les prochains mois, qui impliquera un apaisement dans les décisions gouvernementales, redonnera confiance aux ménages, ce qui permettra par conséquent une reprise de la consommation". 

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